Après plus de vingt ans de progrès, la diminution de l'épidémie de tuberculose est encore insuffisante en Europe pour espérer éliminer la tuberculose en tant que menace de santé publique d'ici à 2030 (objectif de 80 % de cas en moins et de 90 % de décès en moins par rapport à 2015). C'est le constat fait par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) à l'occasion de la journée internationale de lutte contre la tuberculose ce 23 mars.
En 2021, 33 520 nouveaux cas de tuberculose ont été rapportés dans les 29 pays de l'Union européenne (UE) et de l'Espace économique européen, soit 8,4 cas pour 100 000 habitants. Un taux en baisse comparé aux années passées mais considéré avec méfiance par l'ECDC qui rappelle que « la pandémie de Covid-19 a eu un effet sur la collecte de données et l'accès aux services de santé ».
L'Union européenne reste très hétérogène : la Slovaquie a l'incidence la plus faible (2,8/100 000) et la Roumanie la plus forte (45/100 000). La France se situe à la 8e place avec une incidence de 7,7/100 000 habitants, un chiffre en baisse mais avec des populations vulnérables (sans-domicile fixe, détenus, personnes nées hors du territoire). La mortalité quant à elle est à 1/100 000 habitant en 2021 dans l'UE et la zone économique européenne (0,7/100 000 en France), stable par rapport à 2020.
« La guerre en Ukraine a généré une crise humanitaire de plus en plus intense, il y a un risque d'augmentation du VIH et de la tuberculose multirésistante, s'angoisse la Dr Andrea Ammon, directrice de l'ECDC. Nous avons mis en place une surveillance renforcée dans les pays frontaliers. »
Depuis le Brexit, le Royaume-Uni ne fait plus partie des territoires couverts par la surveillance de l'ECDC. L'agence de sécurité sanitaire britannique (UK Health Security Agency) publie ses propres données, témoins d'une situation identique à celle du reste de l'Europe : une diminution de l'épidémie qui ralentit, avec une incidence de 7,8/100 000 habitants.
Rebond épidémique dans la région Europe de l'OMS
Conjointement aux chiffres de l'ECDC, le bureau de l'OMS pour la région Europe (qui intègre également tous les pays à l'Est de l'UE, la Russie et l'Asie centrale) a publié des chiffres préoccupants. Pour la première fois depuis 20 ans, l'incidence de la tuberculose a augmenté en 2021 : 230 000 nouveaux cas, soit une incidence de 24,7/100 000, en hausse de 1,2 % par rapport à 2020. Les cas sont très inégalement répartis, puisque l'incidence dans les pays de la région Europe OMS mais n'appartenant pas à l'UE est de 40,2/100 000, soit presque 5 fois plus que dans l'UE.
« Avant la pandémie, la région OMS était en bonne voie, nous avons connu une forte chute dans le nombre de diagnostics, et notre retour à la normale est plus lent que dans les autres régions du monde », constate Stela Bivol, directrice du centre de la santé publique de Moldavie et co-autrice du rapport.
La mortalité ne diminue plus et 20 000 décès sont imputables à la tuberculose dans la région Europe en 2021, soit 2,2 pour 100 000 habitants. Pour les auteurs du rapport, cette absence de progrès est imputable à l'épidémie de Covid qui a perturbé les capacités de diagnostic et de traitement des différents pays de la région Europe. D'ailleurs, le taux de traitements réussi était plus faible en 2021 que les années précédentes.
Des résistances à la hausse
Dans le même temps, la résistance du Mycobacterium à la rifampicine a augmenté, pour la première fois depuis 10 ans. L'Europe se situe d'ailleurs au-dessus de la moyenne mondiale pour les bactéries multirésistantes : 26 % des nouveaux cas et 57 % des récidives étaient causés par des souches multirésistantes, contre respectivement 3,6 et 18 % dans le monde.
Mais l'espoir persiste : « pour la première fois, nous avons la possibilité technique d'établir un diagnostic et de mettre le patient sous traitement en seulement quelques heures, assure Stela Bivol. De plus les nouveaux traitements oraux contre la tuberculose résistante peuvent faire la différence ».
Depuis décembre 2022, l'OMS recommande un traitement oral de 6 mois seulement s'appuyant sur l'association de bédaquiline, de prétomanide, de linézolide et de moxifloxacine (BPaLM) dans la tuberculose multirésistante. Mais les taux de succès des traitements pour les patients ayant une tuberculose résistante « augmentent lentement », précise l'OMS. La prochaine réunion de haut niveau de l'assemblée générale de l'OMS au sujet de la lutte contre la tuberculose se tiendra le 22 septembre 2023.
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