« Les Britanniques n’aiment pas les "interprétations charitables", explique pour « le Quotidien » le Pr Bruno Hoen, chef du service de maladies infectieuses et tropicales au CHU de Besançon, et membre du groupe de travail sur la prévention, le diagnostic et le traitement des EI pour les recommandations en 2009 de l’European Society of Cardiology (ESC). Compte-tenu du faible niveau de preuves d’efficacité et du risque de résistance, ils ont fait le choix radical dans les recommandations NICE en 2008 de supprimer totalement l’antibioprophylaxie de l’endocardite infectieuse. À l’ESC, nous avons préféré une option plus nuancée, en la maintenant pour les soins dentaires invasifs chez les sujets à haut risque ». À savoir en cas de prothèses valvulaires, d’antécédents d’EI et de certaines cardiopathies congénitales.
Niveau de preuves très faible
Malgré les réticences exprimées, y compris Outre-Manche, le bilan à 2 ans de l’application des recommandations NICE est plutôt rassurant. Pour en évaluer l’impact, l’équipe dirigée par le Pr Martin Thornhill de l’université de Sheffield, en collaboration avec l’université de Duke (États-Unis), s’est appuyée sur les données du système de santé britannique. Ils ont évalué le nombre de prescriptions correspondant à un schéma d’antibioprophylaxie (dose unique de 3 g d’amoxicilline ou de 600 mg de clindamycine) et le nombre de cas d’EI et de décès par EI.
« Les prescriptions de prophylaxie ont chuté de 78,6 % sans que le risque infectieux n’augmente, en tout cas pas assez pour être visible, poursuit le Pr Hoen. Il faut pondérer ces observations par le fait que les médecins britanniques continuent malgré tout à prescrire l’antibioprophylaxie dans certaines situations, sans doute chez les sujets à haut risque ». Ce n’est pas la seule réserve de l’étude. Le recul assez modéré n’est pas suffisant pour en tirer des conclusions définitives. Il n’est pas exclu non plus que d’autres schémas antibiotiques soient utilisés et donc non comptabilisés.
Un réel impact écologique.
« Mais la question mérite d’être posée, indique le spécialiste. L’efficacité de la prophylaxie n’est pas établie et le niveau de preuves scientifiques est très faible. Et il est illusoire d’espérer un jour avoir un essai randomisé. Le nombre de sujets nécessaires, près de 3 000 par bras, soit 6 000 en tout, est bien trop important, sans compter les considérations éthiques. En revanche, il existe un réel impact écologique avec le risque de sélectionner des bactéries résistantes. De plus, les indications de prophylaxie n’ont cessé de s’élargir entre les années 1950 et 2000, sans que l’incidence des EI ne diminue. Toutes ces raisons nous ont menés à supprimer l’antibioprophylaxie pour les procédures à faible risque comme la coloscopie, par exemple ». Les soins dentaires vulnérants, y compris le détartrage, sont connus pour entraîner une bactériémie, ce qui a justifié de maintenir l’indication, « même si les endocardites à streptocoques oraux sont en régression par rapport à celles à staphylocoques ou celles liées aux procédures de soins ». Il reste qu’une bonne hygiène bucco-dentaire et des visites régulières chez le dentiste sont primordiales dans la prévention des EI.
BMJ 2011;342:d2392. doi:10.1136/bmj.d2392
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