Le changement climatique est responsable de près d'un cinquième des cas de dengue, qui battent de nouveaux records en 2024, évalue une étude américaine présentée à la réunion annuelle de la Société américaine de médecine tropicale et d'hygiène, ce 16 novembre, mais pas encore relue par les pairs.
Pour mesurer les effets du dérèglement climatique sur la santé, « la dengue est une très bonne maladie à étudier car elle est très sensible au climat », a déclaré Erin Mordecai, écologiste spécialiste des maladies infectieuses à l'université de Stanford, et première autrice. Transmise par les piqûres de moustiques tigres infectés, cette maladie virale, qui peut provoquer une forte fièvre et des courbatures, est généralement bénigne mais parfois grave, voire mortelle.
La dengue est déjà endémique dans plus de 130 pays et avec la hausse des températures, les moustiques vecteurs se propagent au-delà des zones tropicales et subtropicales où ils étaient généralement cantonnés.
Pour cette nouvelle étude, les chercheurs se sont penchés sur les données de 21 pays d'Asie et des Amériques. Ils ont estimé qu'environ 19 % des cas actuels de dengue en moyenne dans le monde « sont attribuables au réchauffement climatique », a résumé Erin Mordecai. Les températures entre 20 et 29 degrés Celsius sont les plus propices à la propagation de la maladie et des zones endémiques dans cette configuration – certaines parties du Pérou, du Mexique, de la Bolivie et du Brésil – pourraient subir une hausse de 150 à 200 % des infections dans les prochaines décennies. Globalement, au moins 257 millions de personnes vivent actuellement dans des zones où le réchauffement climatique pourrait faire doubler l'incidence de la dengue les 25 prochaines années.
Une augmentation des cas inédite
Sur les huit premiers mois de 2024, il y a eu près de 13 millions de cas de dengue, selon l'Organisation mondiale de la santé, presque le double du record enregistré sur tout 2023. Mais le nombre réel est probablement plus proche des 100 millions au vu « des sous-déclarations massives » de cas, notamment faute de tests ou de symptômes, a estimé Erin Mordecai.
Outre le changement climatique, la mondialisation des échanges commerciaux et des voyages ainsi que l'avancée de l'urbanisation favorisent la propagation des moustiques tigres.
L'une des approches prometteuses pour combattre la dengue consiste à introduire dans la nature des moustiques infectés par la bactérie Wolbachia, qui bloque la capacité de l'insecte à transmettre le virus. C’est notamment ce qui a été fait il y a cinq à Niteroi, une ville brésilienne, objet d’une deuxième étude présentée à la réunion annuelle de la Société américaine de médecine tropicale et d'hygiène (de même, pas évaluée par des pairs).
Résultat : en 2024, alors que le Brésil affrontait sa plus grande épidémie de dengue, cette ville proche de Rio de Janeiro n'a connu qu'une légère augmentation des cas, dont le nombre est resté inférieur de 90 % à ce qu'il était avant cette expérimentation et sans commune mesure avec le reste du pays. Preuve que « la bactérie Wolbachia peut fournir une protection durable contre les poussées de plus en plus fréquentes de dengue à l'échelle mondiale », selon Katie Anders, l'une des responsables du Programme mondial contre les moustiques, citée dans un communiqué.
La Guadeloupe touchée par une épidémie portée par un sérotype rare
La Guadeloupe est entrée en phase épidémique pour la dengue avec un sérotype rare, ce qui pourrait provoquer un nombre élevé de cas, ont annoncé il y a quelques jours les autorités de ce département français des Caraïbes. À la suite de la réunion du comité de gestion le 14 novembre, la préfecture, l'association des maires de Guadeloupe et l’agence régionale de santé (ARS) ont lancé « un appel à la mobilisation pour tenter de minimiser l'impact de cette maladie » dans ce territoire d'environ 380 000 habitants.
« Un sérotype du virus de la dengue qui a peu circulé ces vingt dernières années », le DENV3, fait redouter des « risques de forme grave et un nombre élevé de cas si des actions résolues de lutte ou de prévention ne sont pas mises en œuvre », selon leur communiqué commun. Parmi 62 échantillons analysés entre fin septembre et mi-octobre, 97 % sont DENV3 selon le dernier bulletin de Santé publique France et le seuil saisonnier des cas cliniques (80 cas hebdomadaires) est très largement dépassé. Fin octobre, il était estimé à 540 en médecine de ville, soit plus du double qu’en septembre.
Les autorités de Guadeloupe rappellent l’importance de lutter contre les eaux stagnantes et préconisent le port de vêtements couvrants et amples, l’utilisation d’un produit répulsif homologué et le recours à des moustiquaires pré-imprégnées.
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