CONTRIBUTION – Depuis le sida, la plupart des épidémies humaines mortelles des 40 dernières années ont comme socle commun un « binôme » virus-animal. L’objet de cet article est de mettre en lumière ces similitudes.
1983 : virus de l'immunodéficience humaine (VIH)
VIH désigne le virus de l’immunodéficience humaine. Il est transmis par voie sexuelle, sanguine, et de la mère à l’enfant. Dans ce dernier cas, la transmission du virus de la mère à l’enfant peut avoir lieu soit lors du dernier trimestre de la grossesse, par passage du VIH à travers la barrière placentaire au cours des échanges sanguins entre la mère et le fœtus, soit lors de l’accouchement, soit lors de l’allaitement. Le tableau clinique de l’infection par le VIH évolue selon les différents stades de la maladie. Dans un premier temps la personne infectée peut rester asymptomatique ou bien développer les symptômes d’une phase appelée primo-infection. Survenant après une période d’incubation d'une à plusieurs semaines, la primo-infection est caractérisée par des signes cliniques analogues à ceux rencontrés en cas de grippe (forte fièvre, douleurs musculaires, maux de tête, diarrhée).
Après la primo-infection, débute une phase asymptomatique qui peut durer plusieurs années. Durant cette période, le virus est présent et les personnes infectées restent contagieuses. Le VIH affaiblissant progressivement le système immunitaire, la maladie entraîne ensuite l’apparition d’autres symptômes : perte de poids, fièvre, infections de la peau, diarrhée et toux. Sans traitement, la maladie évolue vers le syndrome de l'immunodéficience acquise, dit sida, stade ultime de l’infection par le VIH. Cet état est marqué par l’apparition de maladies dites « opportunistes », car elles surviennent en raison de l’affaiblissement du système immunitaire provoqué par le VIH. Les malades développent alors de multiples infections d’origine bactérienne, fongique et parasitaire, ainsi que certains cancers.
Les VIH font partie d'un groupe de virus entraînant des maladies semblables au sida chez les primates, les virus de l'immunodéficience simienne (VIS). Les différents virus humains (VIH) sont le résultat de la transmission à l'Homme de différents virus au XXe siècle, notamment des VIS des chimpanzés (pour les VIH-1) et des mangabeys (probablement, pour les VIH-2) qui sont des grands singes à longue queue vivant dans les forêts d'Afrique. Bien que les VIS n'infectent habituellement pas l'Homme, certaines mutations, dont quelques-unes ont été identifiées, ont permis ces transmissions. Le mode exact de transmission n'est pas connu, mais il aurait pu s'agir, par exemple, d'une contamination par voie sanguine lors du découpage d'animaux infectés. Les études scientifiques suggèrent qu'HIV-1 est apparu dans le bassin du Congo dans les années 1920. À cette époque, le développement économique du Congo belge s'est accompagné d'un développement des liaisons ferroviaires et d'une forte croissance de la population de Kinshasa, ce qui pourrait avoir favorisé la propagation du virus.
1959 : premier échantillon recensé du VIH recueilli à Léopoldville (aujourd'hui Kinshasa), dans l'actuelle République démocratique du Congo. Au début de l'épidémie, des recherches ont été entreprises pour déterminer le patient zéro qui aurait propagé le virus aux États-Unis. Pendant un temps les soupçons se sont portés sur Gaëtan Dugas, un steward canadien homosexuel qui est mort le 30 mars 1984. Une étude fait remonter l'entrée du VIH aux États-Unis vers 1969.
Juin 1981 : début officiel de l'épidémie de sida lorsque le CDC note, dans sa revue « Morbidity and Mortality Weekly Report », une recrudescence de cas de pneumocystose chez cinq hommes homosexuels à Los Angeles. Ce virus, d’une très grande variabilité génétique, est connu sous deux types : le VIH-1, identifié en 1983 et le VIH-2, identifié en 1986, tous deux à l’Institut Pasteur et dérivant de SIV (virus de l’immunodéficience simienne), virus existant chez le singe. Le VIH-2, moins virulent, est surtout fréquent en Afrique occidentale et en Asie du Sud.
1997 : grippe aviaire H5N1
La grippe aviaire est une infection provoquée par des virus grippaux de type A, et en particulier par les sous-types H5, H7 et H9 qui sévit et peut toucher presque toutes les espèces d’oiseaux, sauvages ou domestiques Elle est généralement asymptomatique chez les oiseaux sauvages, mais peut devenir fortement contagieuse et entraîner une mortalité extrêmement élevée dans les élevages industriels de poulets et de dindes, Si la plupart des virus aviaires n’infectent pas l’homme, certains sous-types parviennent parfois à franchir la barrière des espèces : c’est le cas du virus H5N1, pathogène pour l’homme et présent en Asie.
1997 : À Hong Kong, la souche H5N1 de grippe aviaire passe des oiseaux aux humains. Dix-huit personnes furent infectées. La contagion fut limitée à Hong Kong, lorsque tous les poulets du territoire furent exterminés.
À ce jour, on estime que la transmission interhumaine de ces virus est rare et qu’elle survient en cas de contact très proche et prolongé entre un patient très malade et les personnes qui s’en occupent, par exemple les membres de sa famille, mais qu’il n’y a pas de transmission interhumaine durable.
Nombre de décès dus à la grippe aviaire H5N1 : 6.
2002 : le SRAS (ou SARS-CoV)
Le SRAS est une maladie infectieuse causée par un virus appartenant à la famille des coronavirus, le SARS-CoV.
Le SRAS est caractérisé par une fièvre élevée (> 38 °C), associée à un ou plusieurs symptômes respiratoires : toux sèche, essoufflement, difficultés respiratoires. D’autres symptômes peuvent être constatés comme des maux de tête, des douleurs musculaires, de la diarrhée et un malaise général. La durée d’incubation ne dépasse généralement pas 10 jours. L’OMS considère que le taux de létalité global est de 15 % et peut dépasser 50 % chez les personnes de plus de 65 ans. Le réservoir animal du coronavirus du SRAS a été identifié comme étant une chauve-souris insectivore. L’hôte intermédiaire qui a permis le passage du virus à l’homme est la civette palmiste masquée, animal sauvage vendu sur les marchés et consommé au sud de la Chine. 16 novembre 2002 : Le premier cas de « pneumopathie atypique », ressemblant à une sorte de grippe apparaissent à Canton (Guangdong) en Chine. La maladie aurait été transmise suite à un contact avec du bétail
12 mars 2003 : l’Organisation mondiale de la santé (OMS) lance une alerte mondiale au syndrome respiratoire aigu sévère. Apparu en Chine fin 2002, il passa de la chauve-souris à l’homme. Transmissible par des gouttelettes de salive, le virus se propage via les transports aériens.
5 juillet 2003 : l'Organisation mondiale de la santé (OMS) déclarait interrompue la chaîne de transmission interhumaine du SRAS.
17 juillet 2003 : lancement du premier test de dépistage
9 septembre 2003 : le SRAS réapparaît à Singapour ; en effet, un nouveau cas avait été identifié chez un jeune homme qui travaillait dans un laboratoire de microbiologie de référence du coronavirus à Singapour et qui a été mis en isolement.
Nombre de décès dans le monde dus au SRAS : 774.
2009 : grippe A due au virus H1N1
La grippe A (H1N1) est une maladie respiratoire aiguë du porc hautement contagieuse, provoquée par l’un des quelques virus grippaux porcins de type A. Les symptômes observés au cours de la grippe A due virus H1N1 sont semblables à ceux observés au cours de la grippe saisonnière : fièvre supérieure à 39 °C, frissons, courbatures, maux de tête, courbatures, toux, éternuements. La particularité du virus H1N1 est que les décès ont essentiellement touché la population jeune alors que la grippe entraîne des décès essentiellement chez des gens âgés de 70 à 80 ans. Les virus de la grippe A (H1N1) se réfèrent au sous-type H1N1 des virus de la grippe A qui sont régulièrement responsables des cas de grippe saisonnière.
2009 : apparition au Mexique d’une pandémie de grippe causée par le sous-type H1N1 du virus de la grippe A (la première étant la grippe de 1918). Ce virus contient des gènes de plusieurs virus connus d'origine porcine, aviaire et humaine. Le virus se propage chez les porcs par des aérosols, par contact direct et indirect, ainsi que par des animaux porteurs asymptomatiques. On enregistre des flambées chez les porcs tout au long de l’année, avec une incidence accrue à l’automne et en hiver dans les zones tempérées. De nombreux pays vaccinent systématiquement les populations de porcs contre la grippe porcine. Les virus grippaux porcins appartiennent le plus souvent au sous type H1N1, mais d’autres sous-types circulent également (par exemple, H1N2, H3N1, H3N2). Les porcs peuvent être infectés par des virus grippaux aviaires et des virus de la grippe saisonnière humaine, aussi bien que par des virus grippaux porcins. On pense qu’à l’origine le virus porcin H3N2 a été introduit chez le porc par l’homme. Il arrive que les porcs soient infectés par plusieurs types de virus en même temps, ce qui peut permettre aux gènes de ces virus de se mélanger, et d’engendrer un virus grippal contenant des gènes provenant de diverses sources appelé « virus réassorti ». Bien que les virus grippaux porcins soient normalement spécifiques d’espèce et n’infectent que les porcs, ils franchissent parfois la barrière d’espèce pour provoquer la maladie chez l’homme.
11 juin 2009 : l’OMS déclare une pandémie de niveau 6 (le plus élevé).
L’Organisation mondiale de la santé, qui a alors autorité sur les États signataires de sa convention, peut les obliger à se fournir en vaccins. Rien qu’en France, Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé sous la présidence de Nicolas Sarkozy, commande 94 millions de vaccins pour un coût de 869 millions d’euros. Seulement 6 millions de personnes seront vaccinées. L’État tente de revendre les millions de vaccins inutilisés à d’autres pays comme le Qatar, l'Égypte ou Monaco. En vain.
13 janvier 2010 : fin de l'épidémie officiellement annoncée en France Alors que l'OMS évoquait 18 500 décès provoqués par la grippe A (H1N1) entre avril 2009 et août 2010, une étude américaine a fait état en 2012 d’un nombre de morts situé entre 151. 700 000 et 575 400 morts lors de la première année qui a suivi la circulation du virus. Une autre étude commanditée par l’OMS et publiée dans la revue « Plos Medecine » estime que 203 000 personnes seraient décédées dans le monde à cause de la grippe H1N1 et de ses complications respiratoires. Le nombre de morts estimé dans cette nouvelle étude correspond étroitement à celui d’une autre analyse publiée en juin 2012 par les Centres de contrôle des maladies américains (CDC). Celle-ci, basée sur les données préliminaires, avait estimé que 201 000 personnes étaient mortes de la grippe et de problèmes respiratoires et 83 000 à cause de problèmes cardiaques.
Nombre de décès dus au virus H1N1 : 300 000 à 400 000.
2012 : MERS-CoV
En 2012, un nouveau virus respiratoire fait son apparition en Arabie Saoudite. Baptisé MERS-CoV pour Coronavirus du Syndrome Respiratoire du Moyen-Orient, il touche le tractus respiratoire et est responsable de fièvre et de toux, pouvant entraîner la mort dans environ 30 % des cas. Le MERS-CoV est identifié pour la première fois en Arabie Saoudite. Des cas ou des foyers épidémiques sont ensuite détectés dans plusieurs pays du Moyen-Orient. Depuis 2012, 1 219 cas ont été détectés. Quelques cas, ont été recensés en Europe, dont deux en France en 2013. Ces 2 cas avaient pu être isolés de façon appropriée au CHRU de Lille, empêchant ainsi toute diffusion du virus.
La période d'incubation est de 5 à 15 jours. Dans les pays du Moyen-Orient où les populations sont plus fréquemment en contact avec les dromadaires, certaines personnes porteuses du virus ne présentent pas de symptômes. Ce virus peut être mortel quand il frappe les personnes déjà affaiblies par d’autres pathologies : diabète, insuffisance rénale, infection pulmonaire chronique, immunodépression. Le taux de létalité estimé est de 30 % environ.
À l’heure actuelle, aucun traitement spécifique ou vaccin n’est disponible contre ce virus. L’enjeu actuel est de contenir l’épidémie, puis de poursuivre les efforts de recherche pour mettre au point un vaccin et un traitement.
Nombre de décès : 449.
2019 : Covid-19
La maladie à coronavirus 2019 ou Covid-19 est une maladie infectieuse émergente de type zoonose virale causée par une souche de coronavirus appelée SARS-CoV-2. Les symptômes les plus fréquents en sont la fièvre, la toux et la gêne respiratoire et, plus rarement, un syndrome de détresse respiratoire aiguë pouvant entraîner la mort, notamment chez les personnes rendues fragiles par l'âge ou des comorbidités. Une autre complication mortelle est une réponse exacerbée du système immunitaire (choc cytokinique).
Cette pandémie mondiale qui va entraîner dans le monde plusieurs centaines de milliers de morts à travers le monde, part de Chine et plus précisément des marchés d’animaux vivants. Début des années 2000 : des coronavirus transmissibles aux humains ou sources de maladies émergentes zoonotiques son trouvés chez divers mammifères sauvages notamment vendus sur les marchés chinois : civettes des palmiers, chiens viverrins et pangolins.
Décembre 2019 : les premiers malades signalés travaillaient au marché de gros, de fruits de mer de Huanan, à Wuhan.
23 janvier 2020 : les premiers résultats, provisoires, du séquençage du virus, publié par des membres de l'Institut de virologie de Wuhan, de l'hôpital Jinyintan de Wuhan, de l'Université de l'Académie chinoise des sciences et du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies de la province du Hubei montrent que le génome du SARS-CoV-2 est homologue à 96 % à celui d'un coronavirus de la chauve-souris.
5 février 2020 : aux origines… Arnaud Fontanet (épidémiologiste) pense donc qu'une chauve-souris est le réservoir sauvage, et que le virus serait passé chez l'humain (au moins vers mi-novembre), via un hôte intermédiaire animal du marché, encore inconnu. Finalement, à l'Université d'agriculture de Chine du Sud, on démontre 99 % de similitudes entre le nouveau virus et des coronavirus de pangolin, un animal couramment braconné en Asie et notamment vendu sur le marché de Huanan. La viande du Ppangolin est appréciée, en particulier au Gabon. Les clients asiatiques s'intéressent également aux écailles qui recouvrent le pangolin. Utilisées dans la médecine chinoise, elles s'arrachent à prix d'or, « 1 000 dollars le kilo, plus ou moins comme l'ivoire », auprès des revendeurs illégaux en Chine, détaille Luc Mathot, directeur de l'ONG Conservation Justice, un prix qu'il juge « ridicule » puisque les écailles « sont faites de kératine, donc de l'ongle ».
Selon une hypothèse posée par « The Lancet », l’une des revues médicales mondialement connue des médecins, début mars 2020, des plateformes Internet populaires en Asie pourraient avoir encouragé des comportements à risque, en relayant des « mukbangs » (« vidéos alimentaires » montrant des personnes se filmant en train de manger des aliments étranges ou dangereux ou en énorme quantité). En 2016, un hôte avait, par exemple, mangé, en direct, une soupe de chauves-souris.
Le rôle du marché de Huanan, à Wuhan, est probable. Certes, contrairement à une rumeur propagée sur Internet il ne semblait pas y avoir de chauves-souris vendues sur ce marché (animaux non consommés dans cette région) mais parmi la grande diversité de faune sauvage vendue dans ce marché, il y avait du pangolin qui s'est avéré être une source plus probable… Le virus a, sans doute, muté pour s’attaquer à l’homme (franchissement de la barrière d’espèces) et créer la catastrophe sanitaire que nous connaissons actuellement. Une autre hypothèse est celle d’un problème technique au sein du laboratoire de Wuhan ayant entraîné la sortie vers l’extérieur du virus.
Cette contribution n’a pas été rédigée par un membre de la rédaction du « Quotidien » mais par un intervenant extérieur. Nous publions régulièrement des textes signés par des médecins, chercheurs, intellectuels ou autres, afin d’alimenter le débat d’idées. Si vous souhaitez vous aussi envoyer une contribution ou un courrier à la rédaction, vous pouvez l’adresser à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr.
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