Dengue, infection à virus West-Nile, grippe zoonotique, nouveaux coronavirus ou encore impacts sanitaires de facteurs environnementaux comme la pollution atmosphérique… Dans son nouvel avis publié ce 10 avril, le Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars) liste les « principaux risques susceptibles d’induire une situation sanitaire exceptionnelle (SSE) majeure dans les prochaines années » en métropole comme en outre-mer, a indiqué la Pr Brigitte Autran, immunologiste et présidente du Comité, lors d’un point presse.
Cette analyse, produite après une saisine des ministres de la Santé et de la Recherche, s’inscrit dans un contexte français marqué par un « faible nombre de personnels soignant », un « vieillissement de la population » et une croissance des facteurs de risque et comorbidités (maladies chroniques), précise-t-elle.
« Nous ne crions pas au feu », nuance la Pr Autran. La volonté du Covars n’est pas d’être « alarmiste », insiste-t-elle, mais plutôt d’impulser une dynamique d’anticipation, de préparation et de prévention, en s’appuyant sur l’approche holistique « une seule santé ».
Sur les risques infectieux, les experts du Covars ont analysé 35 maladies infectieuses selon 16 critères (l’épidémiologie, la clinique, les contre-mesures disponibles en France, les impacts sanitaires, psychosociaux, économiques et sur les écosystèmes). Il en ressort un risque de SSE de « haut niveau » porté principalement par les zoonoses. Il s’agit en particulier des infections respiratoires pandémiques (grippe zoonotique et nouveaux coronavirus) et des arboviroses (dengue et infection à virus West-Nile), détaille le Pr Bruno Lina, virologue et co-pilote de l’avis.
La « maladie X » parmi les risques élevés
La survenue d’une « maladie X » dont « on ne connaît pas l’agent infectieux, le vecteur ou la maladie » compte dans cette catégorie de risque élevé, poursuit le Pr Lina. C’est le cas également des infections respiratoires aiguës hivernales dont le fardeau encore « récurrent » peut décroître grâce aux mesures de prévention disponibles.
D’autres maladies vectorielles, dont deux arboviroses, Zika et Chikungunya, et la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (CCHF) – qui vient de faire l’objet d’un avis du Haut conseil de santé publique, comportent un niveau de risque « significatif mais moindre ». Ces virus et leurs vecteurs sont « déjà présents » en France, souligne le virologue, ajoutant à cette catégorie de risque les infections à bactéries multirésistantes.
Un risque plus faible est associé à des maladies à transmission sexuelle ou vectorielle dont l’expansion est liée à des facteurs environnementaux (climatiques notamment) et géopolitiques : SIDA, autres IST, tuberculose ultrarésistante, encéphalite à tiques, fièvre de la vallée du rift, rage, gastro-entérites…
En Outre-mer, ces risques sont majorés par des « contextes propres », complète la Dr Julie Contenti, urgentiste et membre du Covars : forte prévalence de comorbidités comme l’obésité et l’hypertension, mais aussi de la drépanocytose ; « faiblesse structurelle du système de soins encore plus marquée dans ces territoires », conditions climatiques telle que la sécheresse à Mayotte… Ainsi, sont à redouter les infections respiratoires émergentes, les arboviroses transmises par le moustique Aedes Aegypti et dans une moindre mesure, Zika et Chikungunya, ou encore la fièvre de la vallée du Rift.
Des risques environnementaux plus complexes à caractériser
D’autres risques sont liés à des facteurs environnementaux, eux-mêmes liés ou favorisés par le changement climatique : pollution atmosphérique, exposition à des agents chimiques tout au long de la vie (exposome), mais aussi modes de vie (tabac, alcool, alimentation…). Ces menaces ne relèvent pas du « court terme » mais ces facteurs « constituent un risque sanitaire majeur », insiste Rémy Slama, épidémiologiste et membre du Covars. Les dangers sont connus : survenue de cancers, maladies cardiovasculaires, métaboliques, endocriniennes ou neurodégénératives.
Ces facteurs environnementaux influent sur la prévalence des pathologies chroniques qui peuvent augmenter la sensibilité ou la gravité des maladies infectieuses. Ils sont aussi préoccupants par leur poids croissant dans la population et sur le système de santé, poursuit Rémy Slama.
En parallèle, le changement climatique et son lot d’évènements météorologiques extrêmes ont des conséquences écologiques et sanitaires, explique Patrick Giraudoux, éco-épidémiologiste : allongement des périodes favorables à la prolifération des vecteurs, modification des aires de distribution de ces vecteurs, exposition accrue à l’ozone « potentialisant les problèmes respiratoires » ou encore rareté de l’eau. La perte de biodiversité « laisse la place à des espèces opportunistes », ajoute-t-il, alors que « les systèmes biodiversifiés sont plus robustes », moins favorables aux épidémies.
Dans ce contexte, l’approche « une seule santé » est indispensable, plaide Thierry Lefrançois, vétérinaire et co-pilote de l’avis. Elle doit se traduire dans la recherche et dans la surveillance, tant au niveau local que national et international. Sur le risque infectieux par exemple, l’enjeu est de comprendre les transmissions entre différentes espèces ou de surveiller les mutations.
Anticiper et prévenir
Les recommandations du Covars sont ainsi centrées sur l’anticipation, la prévention et la recherche. Des mesures sont à prendre « sans attendre », souligne l’avis, en coordination avec les instances européennes et internationales. Si des actions spécifiques à chaque risque sont développées dans de précédents avis du Covars, d’autres sont communes à l’ensemble. L’accent est mis sur la recherche avec un appel à un « soutien d’urgence » à des programmes de recherche « ambitieux et innovants, interdisciplinaires et intersectoriels », dans une approche exposome et « une seule santé ».
Le Covars invite aussi à mettre le paquet sur la prévention des infections respiratoires hivernales et des maladies chroniques, avec l’objectif de réduire l’encombrement des urgences et le poids de ces pathologies sur le système de soins. « Tous les lits occupés par les pathologies chroniques pourraient être libérés » de sorte que le système de soins puisse, en cas d’émergence d’une nouvelle menace infectieuse, « accueillir l’afflux de patients », résume Rémy Slama.
Dans le domaine des soins, les infections respiratoires hivernales constituent pour l’heure un « entraînement saisonnier » qui permet de tester la « plasticité » du système de soins, complète le Dr Xavier Lescure, infectiologue. Aussi, les communications sur les évènements identifiés dans l’avis sont « autant d’occasions de relation avec les citoyens pour désacraliser la notion de risque », une approche « utile pour la préparation et l’anticipation » de ces risques, estime le Pr Denis Malvy, infectiologue.
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