LE QUOTIDIEN : Quels sont les bénéfices démontrés de l’activité physique (AP) ?
Pr FRANCOIS CARRE : Aujourd’hui, il est formellement prouvé que l’AP est indispensable à une bonne santé. A contrario, les effets délétères de l’inactivité physique et de la sédentarité sont bien démontrés. Dans sa première étude de 1953 menée dans les bus anglais à deux étages, le Dr J. Morris avait mis en évidence la surmortalité cardiovasculaire (CV) des conducteurs physiquement inactifs (assis toute la journée), par rapport à celle des contrôleurs qui avaient une AP régulière. Ces derniers faisaient à la fois un travail de cardio (marche dans le couloir) et de renforcement musculaire (montée et descente des escaliers). Selon un deuxième article du Dr J. Morris, les chauffeurs avaient une taille de pantalon (tour de taille et un IMC) bien plus élevée que les contrôleurs. Ce syndrome métabolique pouvait expliquer le taux d’infarctus plus élevé.
Bien d’autres publications ont ensuite démontré que l’AP régulière est un facteur de santé, non seulement en prévention CV, mais aussi pour la plupart des patients atteints de maladie chronique (MC). Elle a d’ailleurs été validée en 2011, par la Haute Autorité de santé, comme thérapeutique non médicamenteuse efficace dans de nombreuses MC.
Comment expliquer ces bienfaits ?
Nous avons longtemps pensé que l’AP n’agissait qu’en diminuant les facteurs de risque comme l’hypertension artérielle ou le diabète de type 2. Mais, nous savons maintenant qu’elle a un effet direct sur le système CV, indépendant des facteurs de risque, expliquant son intérêt dans d’autres MC (cancers, sclérose en plaques, Alzheimer). Lors d’un exercice musculaire, le bénéfice de l’AP est corrélé à la libération de cytokines (appelées exerkines) qui passent dans la circulation. Il existe des myokines, cardiokines, hépatokines, ostéokines… Ainsi, tous les organes communiquent entre eux et bénéficient des effets de l’exercice physique.
Quels conseils en prévention primaire ?
Plus le temps de sédentarité est élevé, moins les muscles sont stimulés, plus la graisse intra-abdominale est accumulée, et plus le tour de taille augmente. L’excès de graisse intra-abdominale libère des adipokines qui accroissent l’inflammation, le stress oxydant, et diminuent les défenses immunitaires, favorisant le développement de l’ensemble des MC. Il est ainsi recommandé de réduire son temps de sédentarité et de rompre les périodes assises prolongées (de plus de 90 minutes), en se levant et en bougeant pendant deux à trois minutes. Il convient aussi de réaliser 30 minutes par jour d’AP modérée (pendant laquelle on peut parler mais pas chanter), contrairement à l’activité légère (possibilité de parler et chanter). Il n’existe pas vraiment d’AP qui soit meilleure qu’une autre pour le cœur. L’objectif est d’augmenter la capacité physique, reflet de notre capital santé, en associant renforcement musculaire et cardio (endurance), tout en se faisant plaisir.
Pour les personnes âgées à risque de sarcopénie, il est conseillé de privilégier et d’associer les activités de renforcement musculaire (monter des étages, porter des courses…) avant de faire des exercices de cardio d’endurance. La marche nordique et le longe-côte sont des exemples d’activités à conseiller. L’AP doit aussi être associée à des efforts alimentaires et une absence de tabagisme.
Et en prévention secondaire ou tertiaire ?
L’AP et la diminution du temps sédentaire limitent l’évolution des MC et le développement de comorbidité, tout en pouvant réduire leur mortalité. Surtout, elle améliore la qualité de vie des patients. Après bilan, l’AP adaptée (APA) fait partie du traitement optimal d’un patient dont la maladie cardiaque est stable (recommandation I A). Sa prescription sur ordonnance majore nettement son observance. Cette AP, encadrée au moins au début par un professionnel du sport santé, doit toujours associer renforcement musculaire et cardio. On distingue deux grands types de cardio : l’entraînement continu (effort d’intensité modérée maintenu pendant une durée prolongée) et fractionné (répétition de périodes d’efforts intenses entrecoupées de phases de récupération de faible intensité). L’activité cardio fractionnée est plus efficace pour améliorer la capacité physique et moins monotone pour le patient. En réadaptation CV, il est conseillé d’associer les deux modes de cardio, en alternance, de façon adaptée au patient.
Généralement, le fractionné est introduit secondairement après quelques séances de cardio continu et de renforcement musculaire. Par exemple, pour trois séances d’APA par semaine, on commencera par deux de cardio continu puis une de fractionné la première semaine, pour ensuite augmenter à deux en mode fractionné… Toujours bien sûr selon la tolérance et l’envie du patient.
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