Avec 200 salariés réunis dans son entrepôt à Beauvais dans l’Oise, Sarenza, leader dans la vente de chaussures sur Internet, se fait fort de « maîtriser la logistique jusqu’au bout des orteils ». Pas moins de 50 000 colis expédiés chaque jour aux quatre coins de l’Europe. Mais, cette entreprise championne dans la distribution robotisée grâce à son système baptisé « Cendrillon » ne promet pas pour autant à ses salariés d’y être tous les jours à la fête. « Il faut surtout être capable d’avoir un système logistique qui s’adapte à la croissance au fur et à mesure », confie sa directrice générale Hélène Boulet Supau. Une expertise qui touche surtout aux rythmes de travail. « Nous devons être capables de multiplier par 10 le nombre de personnes qui préparent les commandes en l’espace de 24 heures », insiste la dirigeante qui a instauré une gestion des ressources humaines qui impose cette flexibilité sans trop de souplesse. Mais la robotisation a des limites et la main-d’œuvre reste le pilier de ces ventes en ligne.
Une affaire qui marche
Comment assurer des conditions de travail décentes aux employés en bout de chaîne, pressés par des exigences de productivité croissante ? Dans l’entrepôt de 17 000 m2 qui contient près d’un million de produits en stock de 700 marques différentes, l’homme fait face à la machine pour vérifier, contrôler et assurer la gestion des retours et des échanges. Une formule qui a assuré le succès de cette entreprise en moins de 10 ans. Pour satisfaire 3 millions de clients et expédier 9 millions de paires de chaussures chaque année, ces plateformes logistiques ne ménagent pas les hommes et les femmes qui y travaillent, quitte à minimiser les risques.
Le site Amazon, numéro 1 des ventes en ligne vient d’en faire les frais. Accusée de dissimuler un taux inquiétant d’accidents du travail, l’entreprise s’est fait épingler par la médecine du travail de Saône-et-Loire qui a rendu un rapport accablant sur les conditions de travail dans ses entrepôts. Même traitement pour Zalanzo, le champion allemand du e-commerce, accusé de maltraiter ses salariés. Sur ces plateformes, une magasinière peut parcourir jusqu’à 27 km à pied par jour pour récupérer un à un les articles dans d’immenses étalages. Avec des temps de repos réduits au minimum, les fouilles du personnel en fin de service ou encore l’intervention quasi quotidienne d’ambulances pour les salariés au bout du rouleau... Une journaliste de la tribune.fr, qui s’était infiltrée incognito chez Zalanzo en début d’année, a mis au jour l’énorme pression du rendement. Les médecins du travail en sont les témoins directs et restent les seuls remparts pour adapter le travail à l’homme et non l’inverse.
Des préparateurs de commandes sous pression
Selon l’institut national de santé et sécurité au travail (INRS), le secteur de la logistique sera bientôt le deuxième employeur de France. Un monde à part où les médecins du travail observent les lumbagos, sciatiques, heurts et coupures. Une rude réalité qui s’accentue au gré des nouvelles organisations de travail et des nouveaux process. Dans la logistique, un salarié sur 10 est victime d’accident du travail dont la moitié est due aux manutentions. Des opérations répétitives jugées responsables de 90 % des maladies professionnelles par l’assurance-maladie. « Le poids des colis, la multitude d’informations à gérer et la pression du temps sont les principales contraintes observées dans ce domaine où le médecin du travail est le seul à pouvoir prendre le recul nécessaire pour réaliser une évaluation sérieuse des risques professionnels et faire bouger les choses », explique l’un d’entre eux.
Liens entre stress et TMS
Plus qu’ailleurs, la logistique impose des tâches sous contrainte de temps avec des organisations très rigides. Des gestes répétitifs et des positions de travail qui favorisent les TMS et le stress. L’INRS s’est récemment intéressé aux systèmes de guidage vocal qui simplifie le management mais est accusé de porter atteinte à la santé psychique. Sur le terrain, les médecins du travail œuvrent pour anticiper les tâches à réaliser et limiter les modifications fréquentes de planning tendant à augmenter les risques psychosociaux.
Dans la logistique, les médecins du travail tiennent bon et n’hésitent plus faire des recommandations pour s’attaquer à la source des difficultés observées. « Nos positions sont désormais mieux prises en compte par les chefs d’entreprise, pour organiser les flux, les voies de circulation où se croisent des engins et des piétons autour des entrepôts ou encore aménager les quais de déchargement. L’organisation même des stockages facilite les manutentions et nous sommes en mesure d’apporter des imaginées dans d’autres secteurs d’activité », confirme un spécialiste interentreprises qui compare les repères, les méthodes et les outils de gestion de prévention autour des avions en escale aux plates-formes logistiques. Le commerce en ligne et les avions de ligne : deux domaines qui n’ont a priori rien à voir, que les médecins du travail sont les seuls à rapprocher pour mieux gérer les risques et éviter les accidents.
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