L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a évalué douze services de santé au travail interentreprises (SSTI) implantés dans quatre régions afin de déterminer les forces et faiblesses du secteur. La mission s'est appuyée également sur un questionnaire adressé aux entreprises adhérentes de ces douze services et aux représentants du personnel.
Dans leur rapport, les inspecteurs dressent une série de constats critiques, en commençant par la « rareté » de la ressource médicale dans un contexte où la loi a favorisé la mutualisation de services médicaux entre entreprises. La quasi-totalité des SSTI visités ont perdu, entre 2015 et 2018, 20 % de leurs médecins (en ETP) et 17 % en effectifs en moyenne.
Pour combattre ce déclin démographique, les SSTI accueillent des internes en stage et des collaborateurs médecins, encouragent le cumul emploi retraite ou encore font appel à des médecins à diplôme étranger. Malgré ces viviers de recrutement, l’effectif moyen de salariés suivis par médecin en ETP a augmenté de 13 %, passant de 3 800 début 2017 à 4 300 début 2019.
Médecin manager, pas si simple
La pluridisciplinarité des équipes de santé au travail, introduite par des réformes de 2011 puis de 2016, a certes permis de recentrer le médecin sur un rôle d'animation, de coordination des équipes et de suivi des salariés les plus complexes et en déléguant par exemple la visite d'information et de prévention aux infirmiers en santé au travail (IDEST). Problème, ce rôle de manager est souvent « difficile à exercer » pour des praticiens qui n'ont pas de formation initiale au management et dont le cursus les prépare avant tout à un rôle d'expertise.
Du coup, la délégation de tâches se révèle « très variable » d'un service à l'autre, et même « entre médecins d'un même service », pointe l'IGAS qui relève des blocages. Les missions des SSTI ne sont pas accomplies « de manière homogène ». Les actions en milieu de travail ou de maintien dans l'emploi sont marquées par de très fortes disparités entre services. La prévention primaire reste « peu développée ». De surcroît, la réalisation des visites et examens obligatoires n'est pas toujours assurée dans les délais, en dépit de la délégation significative aux infirmiers.
À ces performances disparates, s'ajoutent les critiques des employeurs et des salariés « sur le service rendu et le montant des cotisations » des SSTI, souligne l'IGAS. Le modèle économique souffre d'un manque de contrôle interne et externe, d'autant que les cotisations sont variables (entre 57 et 162 euros annuels par salarié) et leur rapport coût-efficacité difficile à évaluer.
Un autre écueil majeur est lié au manque de pilotage des services de santé au travail, sans « tête de réseau » pour les représenter. Il manque également une base de données commune (tant sur le plan épidémiologique que sur celui de l'activité), ce qui conduit à « une perte de potentiels signaux sanitaires de proximité ».
Davantage de télémédecine
Face à ces carences, les inspecteurs font une série recommandations à mettre en œuvre sur trois ans. Plusieurs visent à accroître la qualité globale et individuelle du service rendu. En contrepartie des cotisations employeurs, l'IGAS propose de redéfinir un socle de « prestations de base », à compléter par des actions complémentaires sur demande des entreprises (payables au forfait). Tous les SSTI doivent mettre en place une cellule de prévention de la désinsertion professionnelle et de maintien en emploi.
Un « référentiel de certification » des SSTI est également souhaitable pour vérifier l'amélioration des pratiques d'ici à 2021, ainsi que des « indicateurs de satisfaction » pour mesurer la perception de la qualité du service rendu.
Concernant les médecins du travail, l'IGAS appelle à renforcer leur démographie par des mesures d'attractivité mais aussi en réduisant la durée de formation des collaborateurs médecins de 4 à 3 ans ou en homogénéisant la répartition des praticiens au sein de chaque territoire, avec des « seuils minimum ».
Il conviendrait aussi de promouvoir la télémédecine (en précisant sa doctrine d'utilisation en santé au travail) et d'élargir le périmètre d’intervention des infirmiers du travail à certaines visites de suivi individuel dévolues aux médecins. Pour l'IGAS enfin, les médecins du travail doivent pouvoir consulter le dossier médical partagé (DMP) avec l'accord du salarié.
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