Surpris de ne pas retrouver ses propositions pour adapter la médecine du travail dans le dernier rapport remis au gouvernement sur la question, l’Ordre s’inquiète « du remplacement de la visite médicale d’embauche par une simple visite d’information et de prévention qui pourrait être réalisée par un infirmier alors que la visite médicale va bien au-delà d’une simple déclaration d’aptitude ».
Cette question de l’aptitude n’est sans doute pas à prendre à la légère. Un salarié du BTP que « le Quotidien » a rencontré, victime d’un accident du travail il y a un an, se retrouve aujourd’hui menacé de licenciement. À 55 ans, l’homme a été victime d’un coup de pelleteuse qui lui a brisé l’épaule. Son employeur refusant de remplir les formalités pour que cet accident du travail soit reconnu par l’assurance-maladie, il se rétablit peu à peu, mais après plusieurs prolongations d’arrêt de travail finalement délivré par son médecin traitant, il a regagné le chantier. Pour l’éloigner des pelleteuses, on lui propose simplement de creuser à la pioche toute la journée ! Face à ce type d’abus, le médecin du travail est le seul à pouvoir aider les salariés en difficulté.
Une pièce un peu gênante
Pourtant, il est aujourd’hui question de supprimer la notion d’aptitude avec réserves, qui permet précisément aux médecins du travail de protéger ces employés qui ne pourront plus jamais regagner leur poste après un accident du travail. Une simplification qui tire un trait sur les obligations de reclassement ou de reconversion dont la médecine du travail sur le terrain est la seule à pouvoir juger en toute impartialité.
En affirmant dans son communiqué que cette réforme va l’encontre de l’intérêt des salariés, le conseil national de l’Ordre s’élève aussi contre « la vision caricaturale de ces spécialistes qui auraient des pratiques contraires à l’éthique et à la déontologie ». Le médecin du travail semble au contraire devenu une pièce un peu gênante sur l’échiquier économique. Ce qui, en creux, dit toute son importance.
Avant de rejoindre le ministère de la Recherche, Thierry Mandon alors secrétaire d’État à la réforme de l’État et à la simplification n’avait pas écarté l’hypothèse de faire travailler plus de 40 heures par semaine et sans dérogation les apprentis de moins de 18 ans. Au moment où les témoignages de salariés cabossés s’accumulent sur les blogs, l’évolution du Code du travail qui se tricote au fil des réformes prend une tournure inquiétante.
Les médecins du travail qui ne sont plus assez nombreux restent les seuls à pouvoir donner des avis éclairés pour que la reprise économique tant attendue ne se fasse pas au détriment de la santé des salariés.
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