4e année d’internat de médecine générale : pourquoi les doyens s’opposent à la rémunération à l’acte

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Publié le 20/02/2024

Crédit photo : GARO/PHANIE

La Conférence des doyens de médecine lance un pavé dans la mare. Alors que la mission sur la 4e année d’internat – composée de quatre experts (les Prs Nanou Pham, Stéphane Oustric et Olivier Saint-Lary et l'interne Mathilde Renker) – planche sur les dernières modalités relatives à l’ajout d’une année de formation au DES de médecine générale, la conférence des doyens regrette, dans une lettre adressée au ministre de la Santé, de n’avoir, a aucun moment, été associée aux discussions. Les premières propositions remises en juin par la mission et reprises en partie par le gouvernement « n’ont été ni discutées, ni entérinées par la Conférence des doyens (CDD) alors que certaines de ses préconisations ont fait l’objet de nombreuses critiques ».

Profond désaccord sur la rémunération à l’acte

Dans le document que Le Quotidien a pu consulter, les doyens se disent « formellement opposés » à l’introduction d’une rémunération à l’acte pour les futurs Drs Juniors de médecine générale (statut lors de cette dernière année d’internat). Cette mesure, avancée par la mission, avait pourtant été entérinée par l’ancien ministre de la Santé, François Braun.

« La Conférence des doyens considère cette éventuelle mesure comme contraire à l’éthique pédagogique », lit-on. Les doyens estiment en effet qu’une rémunération des internes fondée en partie sur une rétrocession des actes réalisés « induirait une inégalité de rémunération vis-à-vis des stages en exercice salarié (…) avec des niveaux de rémunération environ deux fois moindre qu’en stages d’exercice libéral ». Dans son courrier, la Conférence rappelle d’ailleurs que les stages de médecine salariée représentent jusqu’à 40 % de l’offre disponible dans certaines universités et que 35 % des jeunes généralistes exercent une activité salariée.

Ne pas pénaliser les stages en centre de santé

Sur ce dernier point, l’Isnar-IMG – qui défend une part de rémunération à l’acte pour les Drs juniors – propose d’adapter le modèle dans les centres de santé. « Concrètement, nous souhaitons que les centres de santé versent un forfait, une sorte de prime, aux internes de 4e année pour valoriser l’activité qu’ils génèrent, confie Florie Sullerot, présidente du syndicat des internes de médecine générale. Selon nos calculs, cette prime devrait s’établir dans une fourchette de 1 500 à 2 000 euros. Cela éviterait les inégalités entre étudiants et éviterait de pénaliser les centres de santé », développe-t-elle encore. Pour le moment, ce point n’a pas été tranché.

Autre argument défendu par les doyens pour s’opposer à la rémunération à l’acte des futurs généralistes ? Le risque de conflit d’intérêts entre étudiant et encadrant. « Il serait totalement inapproprié que la rémunération d’un enseignant (maître de stage universitaire) puisse dépendre de l’activité d’un étudiant, introduisant par là un conflit d’intérêts non éthique », écrivent-ils. Pour eux, la personne ou la structure qui percevra cette rétrocession doit être précisée rapidement. « Le MSU ne peut pas être la personne concernée par cette rétrocession », s’étranglent-ils.

Risques de carence dans la formation pédiatrique ?

Dans son courrier, la Conférence fait aussi part de ses réserves quant à la réduction du stage de pédiatrie de six à trois mois dans le nouveau DES de médecine générale. Dans l’ancienne maquette, un stage de pédiatrie et de gynécologie (tous deux de six mois) étaient prévus au cours de la phase d’approfondissement (en deuxième année). Mais dans la nouvelle maquette, ces deux stages ont été fusionnés en un seul (2x3 mois) au profit d’un nouveau stage libre de six mois également. Pour les doyens, « cette réduction est inopportune en termes de pédagogie. En France, une part très significative du suivi des enfants est assurée par le médecin généraliste. Il est donc important de garantir une formation suffisamment solide à la santé de l’enfant à tous les médecins généralistes », écrivent-ils.

Pour eux, cette évolution est même « susceptible de déstabiliser encore plus une pédiatrie hospitalière en grande difficulté, dans l’incapacité d’assurer ses propres missions et sans alternative aujourd’hui. Ceci sera particulièrement vrai dès la rentrée 2024 du fait d’une réduction transitoire mais très importante du nombre des internes entrants ».

La Conférence reconnaît la nécessité d’un arbitrage dans la maquette pour permettre la réalisation d’un stage libre, mesure qu’elle dit soutenir. « Pour résoudre cette difficulté, une plus grande souplesse dans l’organisation de la maquette devrait être permise au sein de chaque subdivision, plutôt qu’une organisation figée sans possibilité d’adaptation dans le temps et selon l’offre de formation », préconisent les doyens.

Colère des étudiants

Dans un communiqué commun, l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG), l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) et le Syndicat national des enseignants de médecine générale (Snemg) ont vivement critiqué la position des doyens [sur la rémunération à l’acte et la fusion du stage de pédiatrie et de gynécologie].

Sur ce dernier point, « il est important de souligner une nouvelle fois que le DES de médecine générale n’a pas vocation à combler à bas coût un manque de professionnels de santé dans les services hospitaliers mais à former les futurs médecins généralistes dont nous avons urgemment besoin, écrivent les syndicats. (…) Les positions de la Conférence des doyens traduisent leur attachement à un modèle conservateur, injuste et obsolète, ne faisant que démontrer le détachement et le manque de connaissance de nos doyens et doyennes concernant la formation et l’exercice de la spécialité de médecine générale ».


Source : lequotidiendumedecin.fr