Comment l’évacuation sanitaire s’adapte à la guerre de haute intensité

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Publié le 21/07/2025
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Trois ans et demi après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’évacuation sanitaire a commencé sa mue en France. Médecins et paramédicaux anticipent des conflits avec un grand nombre de blessés civils et militaires, et peu de moyens pour les prendre en charge.

Crédit photo : VALERIE KOCH/SIPA

Le 16 juillet, une unité militaire peu connue a été décorée de la médaille de l’aéronautique par le chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace : l’escadrille aérosanitaire 6/560. Basée à Étampes (dont elle tire son nom courant), cette escadrille a été de tous les conflits auxquels l’armée française a participé. Cette nouvelle distinction vise à récompenser le rôle joué par ses membres dans les missions Apagan (Afghanistan), Sagittaire (Soudan) et Chido (Mayotte) ou encore en Nouvelle-Calédonie. Dans chacune de ces missions, l’escadrille était chargée du transport de blessés, civils ou militaires. Il ne s’agit pas de la première décoration reçue par cette escadrille, qui a déjà été honorée d’une croix de valeur militaire pour son action en Afghanistan et d’une autre pour sa participation à l’opération Serval (Mali).

Le retour de la guerre de haute intensité en Europe oblige désormais l’escadrille Étampes à revoir son fonctionnement et à monter en capacité, comme l’explique sa commandante, la lieutenante-colonelle Valérie Belliard : « Nous sommes actuellement 27 infirmiers, dont plus de 80 % de femmes, et bientôt nous serons 30 », détaille-t-elle, ajoutant qu’ils sont tous diplômés d’État avec la spécialité d’infirmier convoyeur de l'armée de l'air et formés à la médecine aéronautique, à la sécurité sauvetage et aux versions médicalisées des différents aéronefs de transport.

Héritière des « convoyeuses de l’air » des années 1930, l’escadrille aérosanitaire est capable de transformer une grande variété d'avions en ambulances volantes de régulation médicale, de faire de la régulation médicale en amont et de délivrer des soins pendant le transport. « Nous ne disposons pas de notre propre flotte, nous devons nous adapter aux avions disponibles, comme des A330 MRTT ou des A400M, explique la lieutenante-colonelle. En cas de conflit de haute intensité, avec un grand nombre de blessés à transporter, nous devrons convertir aussi des avions civils. »

L’autre mission de l’unité est la formation de nouveaux infirmiers, soit pour qu’ils puissent devenir convoyeurs sanitaires, soit pour qu’ils constituent une réserve mobilisable en cas d’engagement français de grande ampleur. « Nous avons revu ces formations pour qu’elles s’adaptent au contexte géopolitique des crises actuelles, indique Valérie Belliard. Cela implique que nous sachions non seulement évacuer des militaires mais aussi des civils, des malades extraits d’un hôpital bombardé ou des femmes enceintes. »

« Accepter qu’il y ait des morts »

Lors de la récente édition de l’exercice Exosan, menée pour compléter la formation des futurs médecins et paramédicaux militaires, le service de santé des armées (SSA) a aussi dû intégrer le modèle dit « centre Europe » et le combat de haute intensité. « Le modèle qui prévalait jusqu’à présent est celui des opérations extérieures » explique dans un podcast du ministère des armées le médecin général inspecteur au SSA Guillaume Pelée de Saint Maurice, directeur de l'Académie de santé des armées (Acasan) qui a supervisé l’exercice. « Lors d’une Opex, on sait quand on part, avec qui et où. Il y a peu de blessés graves et beaucoup de moyens pour les hélitreuiller et évacuer vers la métropole en 24 heures, poursuit le médecin militaire. La haute intensité, c’est l’inverse : beaucoup de blessés et peu de moyens. Il faut organiser nos prises en charge pour maximiser les moyens disponibles et accepter qu’il y ait des morts. » La nouvelle menace omniprésente des drones est aussi à prendre en compte désormais. Des filets anti-drones doivent être déployés pour couvrir le tri des blessés, leur prise en charge et leur évacuation.

L’évacuation sanitaire doit aussi devenir bilingue. « Nous n’irons pas à la guerre tout seuls, rappelle le médecin général inspecteur. Des médecins étrangers vont soigner des blessés français, et des médecins français vont soigner des blessés étrangers. Lors d’Exosan, nous avons inclus des élèves militaires allemands, britanniques, américains et belges. Nous les avons mélangés dans nos unités, avec l’anglais comme langue de travail. »


Source : lequotidiendumedecin.fr