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À mi-parcours du plan greffe, une trajectoire orientée vers l’avenir

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Publié le 11/02/2025
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En 2024, pour la première fois, le nombre de greffes a augmenté plus vite que la liste d’attente. Rien n’est gagné mais la tendance est favorable et représente un espoir réel, preuve qu’on va dans le bon sens. Tout l’enjeu est désormais de maintenir cet effort, de l’intensifier, pour faire de tous les patients prélevables des donneurs, résorber la liste d’attente et en finir avec la pénurie. On sait désormais qu’elle n’est pas une fatalité. Alors, à nous de jouer.

Il faut voir le verre à moitié plein : les Français sont généreux

Il faut voir le verre à moitié plein : les Français sont généreux
Crédit photo : BURGER/PHANIE

Le rideau vient de tomber sur 2024 et l’image qui nous marque est celle d’un tournant décisif dans l’histoire de la greffe d’organes. À la moitié du parcours prévu par le plan greffe 2022-2026, nous mesurons les effets de nos choix stratégiques sur un travail collectif qui commence à porter ses fruits. En dépit des difficultés qu’a connues l’hôpital dans son ensemble, le plafond de verre des 6 000 greffes n’a pas résisté à l’engagement des équipes de transplantation. C’est encourageant. Ce chiffre, qui témoigne d’un progrès remarquable, n’est pas que symbolique. S’il vient répondre aux attentes des patients, il nous donne aussi de précieuses informations pour le pilotage de cette activité de recours exceptionnel.

Augmentation du recensement

La première est que les indicateurs n’ont que l’importance qu’on leur donne. Plus on recense, plus on prélève. Bien sûr, le taux d’opposition atteint des records, avec près de 37 %. C’est peut-être un effet collatéral de l’augmentation du recensement : plus on aborde de proches, plus la probabilité d’en rencontrer qui sont opposés au don augmente. Paradoxalement, la hausse du taux d’opposition est un corrélatif inévitable de l’augmentation de l’activité.

Plus de 6 000

greffes ont été réalisées en 2024, chacune pouvant sauver sept vies

Alors, 37 % d’opposition, c’est beaucoup, c’est énorme, mais si l’on veut considérer le verre à moitié plein, une majorité de gens restent altruistes et généreux puisque 63 % donnent leurs organes ! Quand la solidarité s’exprime, le don d’organes progresse, et les équipes de transplantation peuvent greffer plus de patients.

Détermination des soignants

La deuxième information est que la vraie ressource, ce sont les soignants. La stratégie médicale du plan greffe a lentement, silencieusement, transformé les conditions de l’exercice. Le pilotage territorial a progressivement permis à chacun de trouver sa place, l’idée des couloirs de croissance s’est installée et a facilité les déclinaisons régionales des objectifs chiffrés ; les audits ont contribué à identifier les pistes d’amélioration dans chaque hôpital, tant au regard de l’attractivité que de la performance des missions.

Ce n’est pas encore une victoire mais la mobilisation sans faille des équipes, leur engagement, leur détermination, leur capacité à se réinventer et leur professionnalisme ont fait la différence. La formation continue, l’amélioration constante des processus, la mise en place de nouvelles organisations : tout cela contribue à renforcer notre capacité à répondre à une demande croissante, et ce, de manière toujours plus efficace. Le palier des 6 000 greffes témoigne de la constance dans l’effort, de la rigueur de la démarche et de la pertinence de l’ambition.

Solidarité et humanité

Il est également important de souligner que ce parcours est loin d’être un simple exploit technique. C’est avant tout un engagement éthique et humain. Derrière chaque greffe réalisée, il y a une histoire, une volonté de redonner une chance, de rendre possibles des vies qui auraient autrement été marquées par la souffrance. Le pilotage du plan greffe propose une transformation à long terme. À mi-parcours, il a posé les bases d’un modèle pérenne, résilient, capable de s’adapter aux besoins des patients et aux attentes des acteurs de première ligne. Il a créé l’environnement d’une filière forte, solidaire et innovante.

Mobiliser l’hôpital ? On voit que ça paye ! Alors il faut continuer, renforcer, accélérer…

 

Ces résultats ne sont pas acquis et nous devons rester attentifs aux signaux faibles. L’accroissement continu de la liste d’attente et le fait que, chaque jour, plusieurs personnes décèdent faute d’avoir accès à un greffon ne nous permettent pas d’être sereins, et nous rappellent à l’humilité, même si un point d’optimisme mérite d’être mis en avant. S’il reste de nombreux défis à relever, l’année 2024 représente un jalon important dans notre plan.

Mobiliser l’hôpital ? On voit que ça paye ! Alors il faut continuer, renforcer, accélérer. Désormais, ce qui compte, c’est de regagner la confiance de la population et continuer à augmenter le nombre de donneurs. Le don d’organes est un acte profondément éthique, qui repose sur des principes de respect, d’humanité et de solidarité. Dans une époque où l’individualisme peut parfois prendre le pas, le don est la manifestation de notre conscience collective, du respect de la volonté de nos proches partis trop tôt, de leur volonté d’agir, une dernière fois, sans contrepartie.

Chaque jour, chacun peut contribuer, d’un seul mot à ses proches, à ce que, cette année, ce soient bien plus de 6 000 personnes qui voient leur vie changer grâce à une greffe. Alors n’oubliez pas : rappelez à vos proches que vous êtes donneur, et rappelez à vos patients d’en parler avec leurs proches. Un mot suffit pour sauver jusqu’à sept vies.

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Pr Michel Tsimaratos, directeur général adjoint, chargé des affaires médicales et scientifiques de l’Agence de la biomédecine

Source : Le Quotidien du Médecin