Deux praticiens hospitaliers dénoncent l’utilisation d’un traitement hors autorisation de mise sur le marché (AMM) lors de transplantations rénales réalisées en 2023 dans le service néphrologie de l'hôpital lyonnais Edouard-Herriot. Ils mettent en cause les Hospices civils de Lyon (HCL) et quatre responsables.
Après une première plainte en décembre 2024 auprès du parquet de Lyon, révélée par France Info et restée sans réponse du ministère public, leur avocate a annoncé le prochain dépôt d’une nouvelle plainte auprès du pôle santé publique de Marseille pour mise en danger de la personne, violences mortelles, faux et usage de faux en écriture publique, non-assistance à personne en danger et pratique illégale d'investigation clinique.
Une utilisation hors AMM du rituximab
Pour des transplantations rénales chez des patients avec un risque immunologique, l’équipe de l’hôpital Edouard-Herriot a associé au basiliximab, un immunosuppresseur, le rituximab, un médicament ciblant les lymphocytes B, qui ne dispose pas d’AMM dans cette indication. Selon la plainte de 2024, cette pratique en dehors de la réglementation applicable s’est faite sans le consentement des patients dans un contexte de restructuration conflictuelle des services. Cette utilisation hors AMM du rituximab aurait, toujours selon les plaignants, entraîné une aggravation de l'état de santé d'au moins cinq patients, dont l’un, âgé de 67 ans, est décédé. Ces greffes à risque immunologique ont par ailleurs été pratiquées alors que le service n'avait pas l'expérience clinique de ces situations, est-il ajouté dans la plainte de 2024.
« Il n'est pas imaginable que certains médecins, occupant par ailleurs des responsabilités importantes dans la filière et au sein de l'hôpital public, puissent s'affranchir des règles éthiques et du cadre légal encadrant la recherche sur des humains, qui plus est sans leur consentement », a plaidé l'avocate des plaignants, Christelle Mazza, auprès de l’AFP. Elle dénonce « un scandale sanitaire ». Les alertes à la hiérarchie auraient été ignorées selon les plaignants qui ont depuis quitté l’établissement. Leur plainte porte également sur des infractions de harcèlements moral et sexuel.
Les HCL réfutent les accusations. « Parler de recherche ou d’essai clinique ici est faux », est-il assuré dans un communiqué. Malgré l’absence d’AMM dans cette indication, le rituximab est « largement employé chez les patients transplantés ». Il s’agit de « traitements de routine par immunosuppresseurs éprouvés depuis plus de 15 ans », est-il expliqué. Cette pratique « s’inscrit dans le cadre légal prévu pour les prescriptions hors AMM ». Les causes du décès du patient de 67 ans « sont sans lien avec le traitement qu’il avait reçu 6 mois auparavant », est-il ajouté. Les HCL assurent également que l'« obligation d’information renforcée du patient » est « systématiquement réalisée par le service ».
La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a indiqué le 11 avril sur France Info qu’une enquête doit « évidemment, immédiatement » déterminer « si l'ensemble des procédures sont suivies ».
Une pratique loin des « traitements expérimentaux », défendent des sociétés savantes
La Société Francophone de Transplantation (SFT) et la Société Francophone de Néphrologie, Dialyse et Transplantation (SFNDT) ont également réagi. Le rituximab est une « molécule utilisée en dehors de son AMM depuis 20 ans chez les patients au moment de leur transplantation pour contrer les effets néfastes des lymphocytes B producteurs d’anticorps dirigés contre le rein transplanté et prévenir ainsi un rejet avec une très bonne tolérance », rappellent les sociétés savantes. Cette pratique étant recommandée par la Société internationale de Transplantation, « il ne saurait donc être question de traitements expérimentaux, mais bien de soins reconnus, recommandés et encadrés », poursuivent-elles.
L’association de malades du rein Renaloo juge quant à elle que le recours à des protocoles « "non totalement validés" constitue parfois la seule opportunité pour certains patients ». Mais « leur usage (...) fait l'objet d'une information loyale et complète des patients et de leur consentement », rappelle-t-elle dans un communiqué. L’association n'exclut pas « de se constituer partie civile » aux côtés des plaignants si tel n'a pas été le cas.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024