L’innovation thérapeutique en néphrologie est considérable, notamment avec les possibilités de dialyse et de greffes (apparues dans les années 1960-1970). « D’abord destinées aux patients de 50 à 60 ans, leurs indications se sont progressivement étendues aux personnes beaucoup plus âgées, de 80 à 90 ans… La question du réel bénéfice de la dialyse chez certaines catégories de patients fragiles, présentant des maladies associées complexes, ou très âgés, a alors commencé à être posée », relève le Pr Frimat.
De nombreuses études ont montré que les patients âgés atteints de MRC avancé, ayant une dialyse, avaient un bénéfice en termes d’espérance de vie par rapport au traitement conservateur. Mais ces jours de vie gagnés se passaient le plus souvent à l’hôpital. En termes de qualité de vie, le traitement conservateur est également mieux perçu par le patient que la dialyse, qui reste une approche thérapeutique lourde.
Dans ce courant de réflexion, la publication « Kidney Disease : Improving Global Outcomes » (KDIGO), consacrée à la prise en charge sans dialyse de la MRC avancée, est parue en 2015 (2). Elle a marqué une étape décisive, permettant de placer cette nouvelle option de traitement conservateur au même niveau que la suppléance par dialyse ou transplantation. Cependant, dans un souci de clarification, la SFNDT a souhaité faire une version en français et aller plus en détail dans toutes les dimensions du traitement conservateur. C’est ainsi qu’un groupe de travail a été constitué. Il a réuni 27 personnes venant de France, du Canada et de Belgique : néphrologues, infirmières en pratique avancée (IPA), psychologues, gériatres et deux patients dialysés de l’Association France Rein.
Un soutien thérapeutique personnalisé
« Le traitement conservateur n’est pas un abandon de soins du patient. C’est toute une liste d’interventions thérapeutiques en vue d’un soutien personnalisé, sans dialyse, insiste le Pr Frimat. Il s’agit d’un traitement actif, dont l’indication doit faire l’objet d’une décision partagée avec le patient. Le patient doit être informé des trois options possibles : dialyse, transplantation ou traitement conservateur ». Mais, il ne s’agit pas non plus de soins palliatifs. L’espérance de vie des personnes optant pour le traitement conservateur peut s’étaler sur des mois, voire des années, ce qui rend d’autant plus indispensable de le distinguer d’un traitement de fin de vie.
Dès que le débit de filtration glomérulaire passe en dessous de 20, le traitement conservateur peut être présenté comme une option thérapeutique future, lorsque l’insuffisance rénale évoluera vers le stade 5. Différentes mesures peuvent être prises : ajustement de la posologie des médicaments, réduction de la polymédication, prise en charge nutritionnelle, accompagnement psychosocial…
Le guide, élaboré par la SFNDT, liste aussi de façon détaillée les symptômes les plus fréquents de la MRC avancée : prurit, troubles du sommeil, syndrome des jambes sans repos, nausées et vomissements, fatigue, douleur, anxiété et dépression, anémie. Il propose des moyens d’évaluation et des propositions thérapeutiques pharmacologiques, ou non, adaptées à la fonction rénale.
Une décision partagée
Au-delà du traitement conservateur, la prise en charge de la MRC avancée accorde une place centrale à la communication, pour s’assurer que l’option de traitement envisagée reflète avant tout le choix du patient.
Les récentes avancées dans l’organisation des soins facilitent ce choix. En effet, le forfait MRC 4-5 remet l’éducation thérapeutique au centre de la prise en charge. De plus, les IPA jouent dorénavant un rôle important dans le processus d’information et de décision partagée.
La prise en charge par un traitement conservateur nécessite un parcours de soins personnalisé et coordonné au sein d’un réseau pluridisciplinaire, avec pour objectif le maintien à domicile du patient. Une structuration entre l’hôpital et la médecine de ville est indispensable. Différentes structures de traitement conservateur sont d’ores et déjà en place en France : Santélys et Néphronor dans les Hauts de France, l’Unité de traitement conservateur de l’association ECHO et le Centre d’insuffisance rénale chronique avancée du CHU à Nantes, la Fondation AUB Santé et la Communauté professionnelle territoriale de santé du Sud Manche.
(1) Groupe de travail de la SFNDT, Traitement conservateur de la maladie rénale chronique stade 5 : guide pratique. Néphrologie & Thérapeutique 2022(18):155-71
(2) Davison SN et al. Executive summary of the KDIGO controverses conference on supportive care in chronic kidney desease : developing a roadmap to improving qualitycare kidney. Int 2015;88:447-59
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