Constatant une méconnaissance de la migraine et des options thérapeutiques, aussi bien de la part des patients que des professionnels de santé, l’association La Voix des Migraineux a initié le premier Sommet francophone de la migraine, organisé en ligne ce 11 septembre, à la veille de la journée européenne d’action contre la migraine.
L’événement, parrainé par le ministère de la Santé, vise à mieux faire connaître et reconnaître cette pathologie et à obtenir une meilleure prise en charge des traitements, dont les plus récents ne sont pas remboursés en France.
Selon les estimations, environ 10 millions de Français sont pourtant concernés, avec une sévérité variant de quelques jours de crise par an à plus de 15 jours par mois. Ce dernier seuil définit la forme chronique de la maladie.
« Les crises sont éprouvantes et pas seulement à cause de la douleur », témoigne Sabine Debremaeker, atteinte de migraine chronique et présidente de l’association La Voix des Migraineux. Elle décrit notamment une « intolérance au bruit et à la lumière ». Les céphalées s’accompagnent par ailleurs souvent de nausées et de vomissements, mais aussi, pour un quart des patients, de troubles de la vue, de la parole, de la sensibilité et même de troubles moteurs.
Deuxième maladie la plus invalidante, selon l'OMS
« Chez certains patients, la migraine s’annonce par des phénomènes de prodrome (sensation de fatigue, voire d’épuisement, envie incontrôlable de manger, besoin d’uriner, difficulté à se concentrer, émotivité) ou d’aura (troubles visuels) », détaille le Dr Jérôme Mawet, neurologue au centre d’urgences céphalées de l’hôpital Lariboisière (AP-HP).
La migraine chronique « se caractérise par la répétition des crises », poursuit le neurologue, qui souligne, à côté de facteurs génétiques, des facteurs environnementaux aggravant « l’hyperexcitabilité des neurones » et un « dysfonctionnement de leurs interactions avec les vaisseaux ». Plusieurs éléments peuvent ainsi participer au déclenchement des crises : changements hormonaux, stress, obésité, troubles du sommeil, rythme de vie irrégulier, excès de caféine, consommation d’opiacés, d’alcool ou de certains aliments (notamment ceux contenant du glutamate).
Classée deuxième maladie la plus invalidante au monde chez les moins de 50 ans par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2019 - la première pour les femmes -, la migraine chronique a un fort impact sur le quotidien des patients. « C’est une tempête qui vient ravager la vie », explique Joana Thibeaux, patiente et membre de l’association. Elle évoque un « réel traumatisme » associé à une « profonde solitude » face à une maladie mal comprise.
Un sondage mené en 2020 auprès de 860 patients souffrant de migraine chronique révèle les conséquences sur la vie professionnelle et privée de la maladie. La moitié des patients exerçant une activité ont été contraints de s’absenter à cause de la maladie au cours des 3 derniers mois et 13,5 % déclarent ne plus pouvoir travailler. Plus de 90 % des malades rencontrent également des difficultés pour prendre soin de leurs enfants et de leur logement.
Ces difficultés pèsent sur la santé mentale des patients : 14,5 % des patients sont soignés pour dépression et 15 % avouent avoir des pensées suicidaires. Ces conséquences psychiques restent un « tabou », observe Joana Thibeaux, elle-même hospitalisée un mois pour une tentative de suicide.
Pour la prise en charge des patients, les généralistes jouent un « rôle clé », estime le Dr Mawet. « Trop souvent, les patients sont dans une forme de fatalisme, observe le neurologue. Ils ne parlent de leur migraine qu’en fin de consultation, alors qu’un rendez-vous dédié est nécessaire pour le diagnostic, mais aussi pour expliquer la maladie ». Le rôle du généraliste est également majeur dans la mise en place et l’adaptation d’un traitement des crises ou d’un traitement de fond, alors qu’un mésusage des médicaments peut provoquer une aggravation des crises.
Des nouveaux traitements pas encore remboursés en France
Jusqu’ici, les traitements disponibles pour limiter les crises ou leur intensité étaient des molécules détournées de leur fonction initiale : des antidépresseurs, des antihypertenseurs ou des antiépileptiques. Mais récemment des traitements spécifiques ont été développés. Quatre anticorps, bloquant la molécule CGRP impliquée dans la migraine, sont disponibles, dont trois sont commercialisés en Europe et deux en France.
La Haute Autorité de santé recommande ces traitements pour les patients souffrant d’au moins huit jours de migraine par mois et qui sont en échec thérapeutique après au moins deux traitements. Mais ces anticorps anti-CGRP ne sont pas encore remboursés en France, où les migraineux doivent débourser « entre 250 et 270 euros par mois » pour soulager leurs symptômes, évalue le Dr Mawet.
Aujourd’hui, « 16 pays d’Europe remboursent les anticorps mais pas la France ! », déplore Sabine Debremaeker, qui alerte « les politiques sur l’urgence de donner accès à ces traitements », qui permettent de « soulager 75 % des migraineux chroniques » et d’améliorer de manière « radicale » leur qualité de vie.
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