LA MÉMOIRE épisodique, qui concerne des informations et des faits personnellement vécus, passe par trois étapes successives. La première, celle de l’enregistrement de l’information – quelle qu’elle soit (visage, événements, odeurs…) – repose sur les ressources attentionnelles. Les plaintes mnésiques dues à des perturbations de cette étape d’encodage ne correspondent pas à une maladie de la mémoire.
Une fois enregistrée, l’information doit ensuite être traitée et mise en mémoire. Cette deuxième étape, dite de consolidation, s’effectue au niveau de l’hippocampe, véritable « autoroute de la mémoire », souligne le Pr Dubois. En cas de lésions hippocampiques, comme au cours de la maladie d’Alzheimer (MA), « l’information ne peut pas être transformée en trace mnésique ». Les plaintes liées à une perturbation du stockage de l’information traduisent un réel trouble de la mémoire. La dernière étape du processus de mémorisation est celle de la récupération de l’information, qui nécessite l’activation de stratégies impliquant le lobe frontal. Certaines plaintes mnésiques témoignent uniquement d’un trouble du rappel dû à des difficultés à mettre en œuvre ces stratégies.
Enregistrement et récupération.
« Au cours du vieillissement normal, on observe une diminution des ressources attentionnelles qui entraîne des altérations, soit de l’enregistrement des informations, soit de leur récupération », explique le Pr Dubois. Des opérations cognitives qui sont coûteuses sur le plan énergétique. « Les sujets âgés ont des difficultés à retrouver les noms (« je l’ai sur le bout de la langue »), pas à les apprendre ». En revanche, contrairement aux patients atteints de MA, leur capacité de stockage est préservée. Du fait de cette dissociation claire, « la MA ne doit pas être considérée comme un vieillissement », note le Pr Dubois. Les difficultés d’activation des stratégies d’encodage et de récupération qui caractérisent le vieillissement normal s’expliquent par un dysfonctionnement du lobe frontal attesté par la mise en évidence d’une diminution de la perfusion dans cette région, reflet indirect d’un hypométabolisme.
D’autres causes.
Les troubles attentionnels sont également souvent en cause dans les plaintes mnésiques au cours des états dépressifs ou anxieux, des troubles du sommeil ou de la prise de médicaments pouvant interférer sur les capacités attentionnelles, en particulier les benzodiazépines et les médicaments ayant des propriétés anticholinergiques comme certains antidépresseurs tricycliques. « Dans nos sociétés devenues très exigeantes sur le plan des performances cognitives, il apparaît de plus en plus que cette plainte est un signe d’appel qui, souvent, témoigne d’un état dépressif ou d’un état anxieux sous-jacent, fait remarquer le Pr Dubois. C’est la première cause à évoquer chez les patients présentant une fragilité psychologique et soumis à un stress professionnel ». On connaît aussi le rôle fondamental du sommeil dans le processus de consolidation mnésique. En cas de perturbations du sommeil, il peut exister des troubles de mémoire portant sur les faits récents. Enfin, une origine iatrogène des plaintes mnésiques doit être recherchée chez les sujets âgés qui sont généralement polymédicamentés.
L’épreuve des 5 mots, facile et rapide.
Face à une plainte mnésique, le recours à des outils permettant d’évaluer chacune des trois étapes du processus de mémorisation est essentiel pour faire la part entre un trouble de la mémoire d’origine organique et un trouble fonctionnel. L’épreuve des 5 mots, qui utilise le lien sémantique entre les items proposés et leur catégorie, permet de contrôler l’encodage de l’information (étape de rappel immédiat), puis de vérifier les capacités de stockage et de récupération de celle-ci (étape de rappel différé). Ces deux étapes successives comportent un rappel libre et, en cas de score inférieur à 5, un rappel indicé. Le score total doit normalement être de 10 (5 pour chacune des étapes). Lors de la première étape du test, si le patient n’est pas capable de se rappeler les 5 mots, l’investigateur lui représente la liste et lui fournit des indices de catégorisation des mots non rappelés (par exemple fleur, fruit, animal…). Des performances normales indiquent que l’information a bien été enregistrée. L’étape de rappel différée est réalisée après avoir détourné l’attention du patient pendant 5 minutes (épreuve attentionnelle intercurrente). Un score inférieur à 5 correspond à un trouble soit de mémorisation, soit de récupération des informations. La distinction entre les deux types de troubles est faite par le rappel indicé. Si l’indiçage normalise la performance, le patient présente un trouble de la récupération. Dans le cas contraire, il s’agit d’un trouble de stockage. Le test des 5 mots, qui permet de dépister les troubles de la mémoire épisodique, est simple à utiliser en pratique quotidienne.
D’après un entretien avec le Pr Bruno Dubois, neurologue, directeur de l’Institut de la Mémoire et de la Maladie d’Alzheimer (IMMA), hôpital de la Salpêtrière, Paris.
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