DE PRÉCÉDENTES études ont montré que des médicaments inhibant le récepteur NMDA pour le glutamate, comme un psychotrope, la phencyclidine (ou PCP, poudre d'ange), provoquent une réaction psychotique similaire aux symptômes de la schizophrénie. Ces antagonistes du récepteur NMDA rétablissent aussi les symptômes préexistants chez les patients schizophrènes stabilisés, ce qui suggère qu'ils utilisent les mêmes mécanismes déjà compromis dans la schizophrénie.
Ces observations ont conduit à émettre l'hypothèse selon laquelle une hypofonction du récepteur NMDA pourrait jouer un rôle important dans l'étiologie et la physiopathologie de la schizophrénie. Le développement de symptômes schizophréniques observé chez plusieurs souris KO porteuses de mutations dans les gènes des sous-unités du récepteur NMDA étaye l'hypothèse. Il reste toutefois à savoir si l'hypofonction NMDAR touche une population spécifique de neurones et si une période cruciale de vulnérabilité sous-tend le développement de la schizophrénie. Des études cérébrales post mortem de patients schizophrènes ont mis en évidence une dysfonction des interneurones (GABAergiques) corticaux. Les interneurones, impliqués dans l'établissement des connexions locales, sont typiquement inhibiteurs et utilisent le neurotransmetteur GABA.
Afin d'examiner si une hypofonction NMDAR dans les interneurones GABAergiques contribue à la schizophrénie, une équipe du National Institute of Mental Health (Bethesda, États-Unis), dirigée par le Dr Kazu Nakazawa, a créé une souris KO NR1 postnatale. Chez cette souris, une sous-unité essentielle (NR1) du récepteur NMDA a été éliminée durant la période postnatale précoce (du 7e jour à la 18e semaine) dans 50 % des interneurones du cortex et de l'hippocampe, deux régions cérébrales impliquées dans la fonction cognitive, l'émotion et la mémoire.
Le cortex des sujets schizophrènes.
Cette délétion postnatale précoce du NR1 dans les interneurones corticolimbiques entraîne chez les souris l'apparition après l'adolescence de symptômes observés dans la schizophrénie : des symptômes positifs comme l'agitation psychomotrice induite par la nouveauté ; des symptômes négatifs tels qu'une baisse de la préférence pour les solutions sucrées ; des déficits de la nidification et de l'accouplement, qui reflètent l'anhédonie et le retrait social. La mémoire de travail et la mémoire sociale sont aussi affectées. Plusieurs de ces symptômes sont exacerbés par le stress issu de l'isolement social. De même, les neurones GABAergiques corticaux prives du NR1 ont des taux réduits de GAD67 et de parvalbumine, comme cela est observé, post-mortem, dans le cortex des sujets schizophrènes. Il existe aussi une désinhibition des neurones excitateurs corticaux et une baisse de la synchronie neurale. À l’inverse, la délétion du NR1 seulement après l'adolescence (12 semaines) chez la souris n'entraîne aucun symptôme.
Une maturation corticale anormale.
« Une délétion génétique de NR1 confinée aux neurones GABAergiques corticolimbiques, survenant durant le développement postnatal précoce, est suffisante pour déclencher l’apparition de symptômes
schizophréniques après l'adolescence chez les souris, concluent les chercheurs. Ces résultats apportent une preuve expérimentale en faveur de l'hypothèse selon laquelle une hypofonction NMDAR
corticolimbique joue un rôle majeur dans la pathogenèse de la schizophrénie… Nous suggérons qu'un trouble de la fonction NMDAR dans les interneurones corticaux durant la période de développement précoce
(correspondant chez l'homme à la fin de la période in utero jusqu'à l'âge de 2 ans), par suite d'une altération génétique ou épigénétique des récepteurs NMDA ou des molécules de signal en aval, pourrait conduire ont une maturation corticale anormale et a une susceptibilité accrue à la maladie psychiatrique après l'adolescence. »
Cette souris KO NR1 postnatale offre un modèle pour explorer le rôle des récepteurs NMDA dans la schizophrénie. Les futures études devront déterminer quelles sont les causes de l'hypofonction NMDA chez les patients schizophrènes ; comment la régulation perturbée de ce récepteur provoque les symptômes et comment le stress les exacerbe ; enfin, comment les médicaments actuels agissent pour soulager les symptômes. À terme, une meilleure compréhension de ces processus devrait permettre la mise au point de nouvelles thérapeutiques ciblées.
Nature Neuroscience 15 novembre 2009, doi :10.1038/nn.2447.
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