PAR LES Drs VINCENT PIERRE-KAHN* ET DAVID SAYAG**
DEPUIS LA PUBLICATION des études MARINA et ANCHOR, le traitement des néovaisseaux choroïdiens (NVC) rétrofovéolaires repose sur les injections intra vitreennes (IVT) de ranibizumab en monothérapie. Ces injections s’inscrivent néanmoins dans une stratégie de soin et de surveillance au long cours. Le nombre d’IVT de ranibizumab est passé d’environ 100 000 en 2008 à 200 000 en 2011 propulsant celui-ci dans le top ten des médicaments les plus prescrits en France.
Cette inflation s’explique par :
– une prévalence en augmentation de la DMLA exsudative (400 000 patients en France) liée au vieillissement ;
– une attraction réelle vers cette molécule qui permet des gains visuels souvent très significatifs ;
– un diagnostic posé de plus en plus précocement, qui oriente un plus grand nombre de malades vers les centres de traitement ;
– une capacité augmentée de prise en charge des patients par des praticiens dédiant une plus grande partie de leur activité à cette pathologie ;
– une efficacité toute relative des mesures de préventions primaire ;
– et une demi-vie trop courte du ranibizumab exposant les maculopathies à de nombreuses récidives
Face à cette inflation croissante, les stratégies d’adaptation sont multiples, synergiques, mais encore insuffisantes.
Adapter l’offre à la demande.
Développer un plus grand nombre de centres de soins spécifiques englobant des plate formes de diagnostic et de traitement. Fluidifier les circuits patients. Déléguer aux orthoptistes la réalisation des mesures d’acuité et d’examens d’imagerie.
Optimiser les stratégies de traitement.
L’objectif du traitement est d’obtenir une non perfusion du NVC. Afin d’obtenir le meilleur résultat fonctionnel, le protocole recommandé par les études pivotales a été d’injecter le traitement de façon mensuelle pendant au moins deux ans. Devant les difficultés pratiques rencontrées, la stratégie a évolué vers un traitement « à la demande » (étude PRONTO). Après trois IVT mensuelles, les patients sont suivis mensuellement par une mesure d’acuité visuelle, des rétinophotographies, des coupes OCT ± angiographie. L’indication d’un retraitement étant fondée sur la réapparition d’une exsudation et/ou d’une hémorragie maculaire. Ce protocole est actuellement le plus utilisé générant de six à sept IVT la première année, et de quatre à six la seconde.
Les stratégies étudiées pour réduire le nombre d’injections sont nombreuses :
– l’espacement trimestriel de la surveillance est à proscrire car le bénéfice initial obtenu après la phase d’induction est totalement perdu à un an (PIER) ;
– le schéma inject and extend, dont l’objectif est de réduire le nombre de visites annuelles et d’améliorer l’observance thérapeutique. En pratique, le patient reçoit une IVT systématique à chaque visite. Le délai de réinjection est défini le jour de l’IVT sur les critères d’acuité et d’OCT. Ce délai est augmenté ou raccourci en fonction des résultats du bilan ;
– combiner plusieurs traitements. L’intérêt pour les thérapeutiques combinées impliquant PDT, Lucentis et corticoïdes (dexaméthasone, triamcinolone) vise à réduire le nombre d’IVT en agissant sur différents mécanismes physiopathogéniques. De nombreuses études dont EVEREST ont permis de valider la combinaison PDT-anti-VEGF versus anti-VEGF seul dans le traitement de certains NVC ;
– privilégier la photocoagulation directe du NVC qui demeure le traitement de référence des néovaisseaux choroïdiens (NVC) ou dilatation polypoïdale extrafovéaux.
Il est souvent possible de dégager en pratique un rythme de suivi personnalisé en fonction des formes cliniques (nécessité d’un bilan d’imagerie initial complet) et des modes de réponses propres à chaque patient.
Fonder l’espoir sur de nouveaux produits.
De nouvelles molécules intravitréennes (VEGF Trap, anti-PDGF, inhibiteur du facteur C5) arrivent. La plus prometteuse est le VEGF Trap (EYLEA- aflibercept), avec une efficacité de deux mois. Sa mise sur le marché est prévue pour 2013.
Maîtriser les coûts.
Une volonté des tutelles de modifier les politiques de remboursement du ranibizumab se dessine. Le traitement serait arrêté dès stabilisation de l’acuité puis repris en cas d’aggravation uniquement fonctionnelle. Or la réapparition d’une exsudation maculaire précède le plus souvent la baisse d’acuité visuelle. Cette politique induirait incontestablement une paupérisation de l’examen clinique rétinien au détriment des patients.
L’usage du bévacizumab (Avastin), indication actuellement hors AMM, contribuerait à réduire l’inflation économique du traitement de la DMLA.
L’avalanche du nombre d’IVT continue de modifier nos habitudes de travail et nos modes de traitements. Cette inflation est vouée à s’accentuer puisque, après la mise sur le marché et l’obtention du remboursement de la dexaméthasone retard (Ozurdex, Allergan) dans le traitement des occlusions veineuses, ce sera prochainement au tour du ranibizumab d’obtenir un remboursement dans le traitement des œdèmes maculaires occlusifs et diabétiques. En un mot : « Il va falloir piquer plus, mais mieux ! ».
* Hôpital Foch (Suresnes), Explore Vision (Paris).
** Hôpital Intercommunal (Créteil), Explore Vision (Paris).
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