Prise en charge du kératocône

Les progrès du cross-linking

Publié le 22/03/2012
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LE CROSS-LINKING CORNÉEN constitue actuellement la seule procédure efficace dans la prise en charge du kératocône et de l’ectasie postlasik évolutifs. Il permet de rigidifier la cornée dans le but de ralentir, voire de stopper, l’évolutivité de la maladie. Le principe biochimique de cette technique repose sur la formation de radicaux libres oxygénés qui vont induire la création d’une liaison covalente entre les terminaisons hydrocarbonées des fibrilles de collagène. Il associe l’utilisation d’un catalyseur (irradiation UVA, 365 nm) et d’un photosensibilisant (riboflavine 1 %, vitamine B2).

Toute ectasie évolutive constitue une indication potentielle au cross-linking cornéen. Une pachymétrie inférieure à 400 µm contre-indique cette procédure en raison du risque de cytotoxicité endothéliale.

Plusieurs techniques ont été décrites et de nouvelles avancées ont été développées afin de diminuer les effets indésirables et de réduire la lourdeur de la procédure.

La méthode conventionnelle.

Réalisé dans un environnement chirurgical, le cross-linking conventionnel comprend une désépithélialisation sous anesthésie topique, suivie de l’administration de riboflavine 1 % (une goutte par minute pendant 30 minutes) et de l’exposition aux UVA (365 nm, 3 mW/cm², 30 minutes) (Figure 1). Une antibioprophylaxie topique et la pose d’une lentille thérapeutique sont réalisées en fin d’intervention.

Le taux de succès de cette méthode avoisine les 97 %, avec un faible taux de complications (kératite infectieuse, infiltrats aseptiques, nécrose cornéenne). Les effets indésirables sont liés à la désépithélialisation peropératoire : douleurs importantes pendant 48 heures ; haze cicatriciel systématique altérant éventuellement de façon transitoire l’acuité visuelle. Dans 40 % des cas, une discrète diminution de la valeur de la kératométrie maximale (Kmax) est notée après la procédure.

Le cross-linking « transépithélial ».

Cette méthode permet d’alléger la procédure et d’éviter les douleurs postopératoires et les complications liées à la désépithélialisation. La diffusion de la riboflavine par voie transépithéliale est favorisée par l’adjonction d’un ou plusieurs enhancers qui permettraient le passage de la molécule à travers les jonctions serrées de l’épithélium cornéen. Il comprend l’instillation de riboflavine 1 % associée aux enhancers (une goutte par minute pendant 30 minutes) suivie de l’exposition aux UVA (365 nm, 3 mW/cm², 30 minutes). Plusieurs études semblent montrer que la diffusion transépithéliale de la riboflavine n’est pas suffisante pour induire une polymérisation du collagène stromal, ce qui laisse supposer une efficacité inférieure à celle du protocole conventionnel.

En cours d’évaluation, l’iontophorèse est une autre technique prometteuse permettant d’améliorer la diffusion de la riboflavine au sein du stroma cornéen sans désépithélialisation préalable. Déjà utilisée en dermatologie, elle consiste à faire pénétrer, à l’aide d’un courant électrique, une molécule chargée dans les tissus biologiques.

Le « flash » cross-linking.

Cette nouvelle approche consiste à raccourcir le temps de rayonnement UVA, l’effet du cross-linking étant proportionnel à la quantité d’énergie délivrée au niveau de la cornée. Une réduction de la durée d’irradiation associée à une augmentation de la fluence du rayonnement permet ainsi de délivrer une quantité équivalente d’énergie. La société Avedro propose d’ores et déjà un cross-linking de courte durée avec une exposition aux UVA pendant 3 minutes à 30 mW/cm². Il est intéressant de noter le rôle de filtre de la riboflavine protégeant les structures intraoculaires, la dose cataractogène d’UVA ayant été déterminée à 38 mW/cm². La société Peschke et la société Sooft ont modifié les propriétés de leur lampe UV commercialisée afin de proposer un cross-linking avec environ 10 minutes d’irradiation à 10 mW/cm². Par ailleurs, l’optimisation du profil d’irradiation au cours de ce protocole devrait permettre une absorption stromale plus homogène qu’avec le protocole conventionnel.

L’amélioration de la diffusion transépithéliale de la riboflavine et l’optimisation de la durée et du profil d’irradiation UVA permettront incontestablement d’étendre les indications du cross-linking, et d’en limiter ses effets indésirables. Ces avancées ont modifié notre attitude thérapeutique face au kératocône, et celle-ci est maintenant bien codifiée et résumée dans un arbre décisionnel (Figure 2).

* Centre de référence national du kératocône, CHU Purpan, Toulouse.

PAR LE Dr JONATHAN LETSCH ET LE Pr FRANÇOIS MALECAZE*

Source : Bilan spécialistes