La rangée d’appareils est flambant neuve et les murs sont repeints de frais. Le tout nouveau service d’urgence rétinienne mis en place au centre hospitalier intercommunal de Créteil (CHIC) a ouvert ses portes depuis moins de 24 heures quand son chef, le Pr Éric Souied, nous fait le tour du propriétaire en ce 30 juin.
L’investissement a été massif : 10 millions d’euros pour tripler la surface du service et l’équiper de manière conséquente. On dénombre ici 15 angiographes Spectralis, soit plus que dans n’importe quel autre établissement dans le monde, mais aussi des biomètres pour préparer la chirurgie de la cataracte, ainsi que des rétinographes non mydriatiques.
Un parcours fluide et fléché
L’organisation est le fruit d’années d’évolution. Elle a été pensée pour être optimisée avec des salles d’examens dotées de combinaisons d’appareils adaptés au type de parcours. La règle d’or étant qu’aucun patient ne passe plus d’une demi-journée sur place, quel que soit le nombre d’examens prévu.
« Il y a encore un an, tous les patients venaient dans un hangar commun de consultations puis devaient se déplacer de salle en salle, en attendant qu’une machine se libère, se souvient le Pr Souied. Les consultations DMLA commençaient à 8 heures et se terminaient à 20 heures, nos patients passaient la journée sur place et devaient apporter leur sandwich. Aujourd’hui, les consultations sont terminées à 11 heures du matin alors que nous avons beaucoup plus de patients ! ».
La géographie des lieux a été imaginée de sorte que personne ne se bouscule. « Notre fréquentation actuelle est de 50 000 patients-années et nous sommes désormais en mesure de doubler la fréquentation de notre service sans difficulté », espère le Pr Souied. Une telle capacité d’accueil est la bienvenue en Île-de-France où les délais d’attente pour une consultation en ophtalmologie s’allongent. On estime à 1 million le nombre de patients DMLA en France, avec une forte hétérogénéité de présentations et d’évolution. Environ 25 % des personnes de 85 ans et plus y sont confrontés.
La nouvelle organisation a démultiplié les capacités de traitement du service qui est ainsi passé, par exemple, de 500 injections intravitréennes (IVT) par an en 2006 à 15 000 en 2020. Bilans annuels, suivis DMLA et IVT, urgences macula, chaque motif de consultation a un parcours spécifique avec des plages horaires et des salles dédiées.
Rien que pour la DMLA, quatre circuits ont été mis au point dans des locaux différents.
Les urgences macula, uniques en France et plus largement dans le monde, constituent la plus grosse nouveauté. « Nos correspondants avaient depuis longtemps l’habitude de nous envoyer en urgence des patients atteints de maladies de la macula − occlusion veineuse, lésion sur la macula ou brusque dégradation de la vision, explique le Pr Souied. On estime que les urgences macula doivent être examinées dans la semaine, les patients peuvent donc venir d’eux-mêmes dès qu’ils l’estiment nécessaire ».
Un « show room »
En ce qui concerne les appareils d’exploration, c’est un véritable « show room » ! Avec notamment de nouveaux appareils permettant de réaliser des angiographies sans colorant. « Cette nouvelle technologie consiste à mesurer la réflectance de la rétine toutes les 5 ms, et est encore très rare, précise le Pr Souied. Elle nous a fait découvrir des pathologies que nous ne connaissions pas et donné les moyens de travailler sur des couches de la rétine qui ne nous étaient jusqu’ici pas accessibles », détaille l’ophtalmologue.
Dans la salle dédiée aux traitements laser, quatre appareils sont présents : un pour la photothérapie dynamique de la rétine, un deuxième pour le glaucome et les patients opérés de la cataracte, un autre pour du laser multispot, enfin, dernière nouveauté unique au monde : un robot laser manipulé par la Dr Francesca Amoroso. « Sur une image de la rétine, je dessine précisément les points que je souhaite traiter, et l’appareil va s’en charger pour moi au micron près, explique-t-elle. Même si le patient a un Parkinson ou des mouvements erratiques, l’appareil corrige en temps réel. Nous avons publié des études qui montrent que c’est moins douloureux que les autres techniques de laser. » Les pathologies ciblées pour ce nouveau type de matériel sont les rétinopathies diabétiques, les micro-anévrismes ou encore les choriorétinopathies séreuses centrales.
Le Pr Souied souhaite que ce nouveau modèle de fonctionnement améliore le pronostic du patient. « Il y a quelques années, nous avions fait une enquête pour comprendre pourquoi environ 10 % des patients abandonnent leur parcours de soins tous les cinq ans environ, rapporte-t-il. La raison majeure est l’inefficacité des soins, la distance avec l’hôpital et la pénibilité des rendez-vous pour le patient, mais aussi surtout pour l’aidant ! Notre circuit permet par exemple d’avoir une injection intravitréenne dans la foulée d’un examen. »
Une vocation territoriale
Il existe également différents types de consultations : générale, consacrée aux pathologies des paupières ou encore génétique dans un centre de référence maladies rares. « Nous sommes un pôle d’excellence dédié à la rétine, la macula et la DMLA, mais nous avons aussi une vocation territoriale, souligne le Pr Souied. C’est la raison pour laquelle nous avons élargi notre offre à la paupière, au glaucome, à la pédiatrie, etc. ».
L’implantation d’une telle structure au sein du CHIC ne doit rien au hasard. « Historiquement, trois générations de chefs de service se sont spécialisées dans la dégénérescence maculaire », explique le Pr Souied. C’est par exemple ici que le gène de l’apolipoprotéine E, le premier identifié dans la DMLA, a été découvert en 1998. Au moment où les locaux nous sont présentés, les patients sont encore rares dans les couloirs. Le Pr Souied est très confiant : « compte tenu de la tension actuelle sur l’offre ophtalmologique en France, nous allons rapidement nous remplir », prédit-il.
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