Le blocage de l’ARN Alu bientôt testé

Une piste thérapeutique dans la DMLA sèche

Publié le 08/02/2011
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Crédit photo : PHANIE

LA FORME sèche de la DMLA, la plus fréquente (90%) est sans traitement efficace. L’atrophie géographique en représente le stade avancé. Cause d’une importante perte de vision (chez 25% des patients), elle résulte d’une dégénérescence cellulaire de l’épithélium pigmentaire rétinien dont la pathogénese reste incertaine. Une équipe internationale dirigée par le Dr Jayakrishna Ambati (Lexington, Etats-Unis) a identifié pour la première fois une cause potentielle de l’atrophie géographique. Elle suggère des stratégies pour l’inhiber in vivo.

En étudiant l’épithélium pigmentaire rétinien (EPR) de 10 yeux humains atteints d’atrophie géographique, les chercheurs ont constaté une expression significativement réduite, 65%, de l’enzyme DICER1, par rapport à des témoins. Cette baisse n’existe pas dans d’autres troubles rétiniens (dystrophie maculaire vitelliforme, rétinite pigmentaire, décollement rétinien).

Pathogénese de l’atrophie géographique.

Ce déficit de DICER1 est impliqué dans la pathogénese de l’atrophie géographique puisque l’inactivation ou la délétion du gène Dicer1 dans l’EPR sur plusieurs modèles de souris provoque une dégénérescence de cet épithélium. L’inactivation de DICER1 dans des cellules de l’EPR humain, in vitro, favorise la mort cellulaire.

L’enzyme DICER1, découverte il y a 10 ans, est connue pour être une RNase qui coupe les microARN (miRNA) ainsi que les ARN double brins (dsRNA) en petits ARN interférants (siRNA). Les chercheurs ont inactivé d’autres enzymes dégradant les miARN, chez la souris et dans des cellules humaines, mais n’ont pas observé de dégénérescence cellulaire.

Supposant dès lors qu’une dégradation insuffisante de dsARN, plutôt que de miARN, était en cause, ils ont recherché grâce à des anticorps une accumulation de dsRNA. Effectivement, chez des patients atteints d’atrophie géographique (n=10) ils ont mis en évidence un taux accru de dsARN, identifiés par la suite comme étant des ARN Alu.

L’équipe montre que l’accumulation d’ARN Alu dans les cellules de l’EPR humain induit la mort par apoptose des cellules.A l’inverse, chez la souris, l’inhibition des ARN Alu prévient la dégénérescence de l’EPR induite normalement par la perte du gène Dicer1. Ils montrent aussi que l’enzyme DICER1 dégrade l’ARN Alu et que ces ARN Alu digérés n’entraînent pas de dégénérescence de l’EPR chez la souris.

Essentielle à la survie cellulaire.

«D’un point de vue biologique, notre étude révèle une nouvelle fonction surprenante de l’enzyme DICER1. Elle est essentielle à la survie cellulaire (dégradation des ARN Alu cytotoxiques) indépendamment de sa fonction connue dans l’inhibition des ARN», explique au «Quotidien» le Dr Jayakrishna Ambati.

«De plus, elle apporte le premier exemple de la façon dont les éléments Alu, extrêmement abondants dans le génome humain et à la fonction inconnue, peuvent causer une maladie humaine. Ils agissent à travers une cytotoxicité directe de l’ARN, plutôt qu’en induisant des réarrangements de l’ADN chromosomique ou une mutagenèse d’insertion à travers une retrotransposition.»

«L’histoire naturelle de l’atrophie géographique est une perte visuelle progressive avec souvent au final une cécité centrale. Notre étude fournit de nouvelles cibles intéressantes pour une intervention thérapeutique. En plus du composé antisens Alu décrit dans notre étude, nous dépistons d’autres molécules candidates pouvant inhiber l’ARN Alu. Nous espérons avoir un candidat pour une production massive cet été. Nous projetons de demander l’autorisation de la FDA en fin d’année pour lancer un essai clinique de phase 1».

Nature 7 février 2011, Kaneko et coll., DOI: 10.1038/nature09830.

Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8902