Jusqu'à présent, les travaux menés dans le domaine de l'interface entre un cerveau et une machine consistaient principalement à adapter le second au premier. L'inverse semble aussi possible avec une thérapie génique, selon des travaux menés par une équipe internationale dirigée par le laboratoire Physique pour la médecine (ESPCI Paris-PSL/Inserm/CNRS) et l’Institut de la vision (Sorbonne Université/Inserm/CNRS) à Paris en partenariat avec l’Institut d'ophtalmologie moléculaire et clinique de Bâle.
Dans un article publié dans « Nature Nanotechnology », les chercheurs décrivent pour la première fois l'expérimentation animale d'une nouvelle approche thérapeutique dite « sonogénétique ». Cette dernière consiste à modifier génétiquement certains neurones afin de les rendre excitables à distance via des ultrasons. À terme, il pourrait être envisagé de coupler cette technique à une caméra codant les données visuelles en fréquences ultrasons. Cette technique pourrait alors restaurer en partie la vision des personnes aveugles, sans avoir à recourir à des stratégies invasives requérant l’implantation d'électrodes.
Pour l'heure, c'est chez la souris que cette technique a été expérimentée. Les résultats communiqués dans « Nature Biotechnology » montrent que, lorsqu’elle est utilisée sur les neurones de rongeurs, la sonogénétique permet d’induire une réponse comportementale associée à une perception lumineuse.
Rendre les neurones sensibles aux ultrasons
La modification génétique consiste à introduire le code génétique d’un canal ionique mécanosensible dans les neurones reliés au cortex visuel primaire. Les canaux ioniques naturellement présents sur les neurones s'activent en réponse à un changement de polarité de la membrane, tandis que les canaux mécanosensibles réagissent à des signaux mécaniques, comme des ultrasons. Ces derniers présentent l'avantage de pénétrer les tissus en profondeur, jusqu'aux structures du cortex visuel, et de cibler des zones très précises.
L’objectif de cette recherche est d’apporter une solution pour redonner la vue aux patients qui ont perdu la connexion entre leurs yeux et leur cerveau à la suite de pathologies comme le glaucome, la rétinopathie diabétique ou les neuropathies optiques héréditaires ou alimentaires.
Dans un premier temps, les chercheurs ont entraîné les animaux à adopter un comportement associatif dans lequel ils cherchent à boire dès qu’ils perçoivent la lumière. Il a ensuite été procédé à une opération chirurgicale pour sectionner les connexions nerveuses entre les yeux et le cerveau, puis une thérapie génique pour transformer les neurones du cortex visuel des rongeurs.
Exposé aux ultrasons, l'animal adoptait le même comportement qu'avant ces interventions lorsqu’ils étaient exposés à la lumière. Le comportement de l’animal suggère que la stimulation sonogénétique de son cortex a induit la perception lumineuse à l’origine du réflexe comportemental.
Une solution ubiquitaire
L'expérience a été faite en modifiant génétiquement des neurones du cortex ou de la rétine. Dans les deux cas, la thérapie fonctionnait, démontrant ainsi le caractère universel de cette approche.
La traduction de tels résultats en dispositif et traitement destiné aux patients humains n'est pas imminente : « Le développement d’un essai clinique de thérapie sonogénétique demande encore de passer par de nombreuses étapes pour valider son efficacité et sa sécurité. Si les résultats se confirment, cette thérapie pourrait réussir à restaurer la vue des patients de manière stable et en toute sécurité », conclut Serge Picaud, qui a codirigé l'étude.
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