PEUT-ON SE passer de l’orifice de trachéotomie après laryngectomie totale ? L’équipe du CHU de Strasbourg dirigée par le Pr Christian Debry vient d’apporter la preuve du concept avec les résultats à 1 an de la première implantation de larynx artificiel, chez un patient de 65 ans opéré d’un carcinome ORL en juin 2012. « Les prothèses laryngées existantes, de type Provox, donnent d’excellents résultats sur la phonation, explique le Pr Debry. Mais l’orifice de trachéotomie est toujours là et assure la respiration. Notre patient implanté par le larynx artificiel s’alimentait normalement et était capable de respirer par voix haute. Le rétablissement de la phonation, qui n’était pas notre objectif principal à l’inverse des prothèses actuelles, viendra par la suite ».
20 ans de recherche pour le biomatériau
Développé en collaboration avec l’Inserm, ce dispositif est la première alternative à l’orifice de trachéotomie obligatoire depuis le début des premières laryngectomies il y a 140 ans. La greffe de larynx implique un traitement immunosuppresseur, ce qui la rend impossible en cas de cancer. Les deux uniques cas de greffe de larynx, en 1998 et en 2011, ont ainsi été réalisés dans des situations cliniques exceptionnelles non cancéreuses chez des patients ayant un écrasement de larynx post-traumatique. Le choix du biomatériau est l’aboutissement de plus de 20 ans de travaux de recherche en collaboration avec l’Inserm. Au final, une association de titane solide et poreux, qui présente toutes les qualités requises pour l’élaboration du larynx artificiel, a été retenue.
Alors que plusieurs techniques ont été tentées avec succès pour la trachée, comme la greffe d’aorte, l’autogreffe de cartilage, la greffe de tissu ensemencé de cellules souches, il s’agit de la première implantation de larynx artificiel au monde. Pourquoi un tel décalage entre larynx et trachée ? « La problématique posée par le larynx artificiel est plus subtile que la greffe de trachée, elle-même pourtant complexe, commente le Pr Debry. Si la trachée est un "tube" complexe, elle ne concerne qu’une fonction, la respiration. Là où les choses se compliquent pour le larynx, c’est qu’il en concentre trois, la respiration, la déglutition et la phonation. Or les fonctions de respiration et de déglutition sont antinomiques ». La première étape consiste donc à rétablir l’axe aérien, la seconde à synchroniser les fonctions de déglutition et de respiration.
Une bague et des valves
Le dispositif développé est ainsi constitué de deux parties, l’une inamovible posée lors de la laryngectomie, l’autre amovible consistant en un système complexe de valves et mise en place quelques semaines plus tard par voie buccale. Le premier composant est une bague trachéale en titane. « La bague trachéale que nous avons posée vise principalement à rétablir le lien assuré normalement par le larynx entre la base de la langue et la trachée restante, faisant office de "cheminée" entre les deux, poursuit le Pr Debry. Du fait du type de matériau dont il est composé, la bague est capable de s’intégrer avec les tissus environnants et, par conséquent, de devenir partie intégrante de la gorge ».
Un dispositif sophistiqué, une intervention simple
« Une 2e génération pour le système de valves est d’ores et déjà mise au point et prête pour l’implantation. Elle devrait faciliter la rééducation entre les différentes fonctions. Mais nous travaillons en parallèle chez l’animal sur les générations suivantes avec des biomatériaux plus performants, l’apport des cellules souches. Le système de valves supérieures fait l’objet d’une collaboration avec les équipes de chirurgie thoracique du CHU de Strasbourg et de l’hôpital Avicenne ». Une étude clinique paneuropéenne est en cours dans ce but. En 2005, la société ProTip a été créée dans le but d’accélérer le développement de dispositifs médicaux innovants traitant les pathologies du larynx.
Si le premier patient implanté a dû être explanté en raison de la fragilité de son état général et de problèmes pulmonaires post-tabagiques, les résultats fonctionnels à 1 an apportent la preuve tant attendue que l’implantation est réalisable. Cinq patients au total ont été opérés à Strasbourg. « L’étape de faisabilité est franchie, se réjouit le Pr Debry. Il reste encore de nombreux développements à faire avant de pouvoir le proposer en routine dans le cancer du larynx. Si le dispositif doit être perfectionné afin d’améliorer les résultats de la rééducation fonctionnelle, la technique est accessible à tous les chirurgiens et la mise en place du larynx artificiel ne rallonge la durée d’intervention que d’une heure ».
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