Le streptocoque A n’est pas forcément l’unique origine bactérienne d’une angine chez les adolescents et les jeunes adultes. Dans une étude parue dans les « Annals of Internal Medicine », c’est une autre bactérie qui serait la plus fréquemment détectée : le Fusobacterium necrophorum, un pathogène capable de provoquer de rares mais sérieuses complications.
Deux fois plus de Fusobacterium
Les auteurs ont recruté 312 étudiants âgés entre 15 et 30 ans qui se sont présentés dans une clinique pour un mal de gorge intense, et 180 étudiants asymptomatiques. Des tests PCR ont montré que 20,5 % des patients admis en clinique et 9,4 % des personnes sans symptômes étaient porteurs du Fusobacterium. Il avait donc deux fois plus de malades porteurs de cette bactérie que de malades infectés par un streptocoque de groupe A (10,3 %) ou par un streptocoque de groupe C ou G (9 %).
Non traitée, une infection par un Fusobacterium necrophorum peut évoluer vers une sinusite, des abcès ou vers un syndrome de Lemierre : ce serait le cas d’un malade sur 20, selon les auteurs de l’étude. Plus rarement, cette bactérie peut également causer des endocardites.
Attirer l’attention sur les bactéries anaérobies
Le Pr Émile Reyt, du service d’oto-rhino-laryngologie du CHU de Grenoble reste prudent face à l’interprétation de ces résultats : « la population de cette étude n’est pas suffisamment décrite d’un point de vue clinique pour que l’on sache s’ils souffrent d’angine ou non. Il pouvait s’agir de rhinopharyngites par exemple ». Pour autant, le Pr Émile Reyt estime qu’il est intéressant d’attirer l’attention sur d’autres bactéries pouvant être à l’origine d’une pharyngite, notamment les bactéries anaérobies, qui peuvent diffuser au cours d’une angine. « Il est normal de craindre l’infection par streptocoque A, car elle peut être à l’origine de très graves complications, mais à trop se fier aux tests des dépistages du streptocoque A, on se retrouve avec une mauvaise couverture antibiotique. Il faut prendre en compte l’ensemble du contexte clinique », estime-t-il.
Recrudescence des phlegmons et des abcès
Il y a un peu plus d’un an, le Collège français d’ORL et de chirurgie cervicofaciale, présidée par le Pr Émile Heyt, s’est associé à la Société française d’ORL et chirurgie cervicofaciale pour dénoncer la possibilité de réaliser en pharmacie le test oropharyngé d’orientation diagnostique des angines à streptocoque du groupe A. « Nous menons en ce moment une étude cas-témoins dans laquelle nous observons une recrudescence très nette des phlegmons périamygdaliens et des cas de cellulite cervicale. Le problème est que 60 à 75 % des gens ne prennent des que des anti-inflammatoires anti-stéroïdiens, » rapporte Émile Heyt, qui estime que, lors d’un examen clinique,il faut traiter par antibiotiques s’il s’agit d’une angine unilatérale ou d’une angine érythémato-pultacé.
Ne traiter que les cas les plus sévères
« La plupart des pharyngites guérissent sans traitement » expliquent pour leur part les auteurs de l’étude, « mais des antibiotiques devraient être proposés aux patients ayant à la fois un mal de gorge, de la fièvre, des difficultés à avaler et des tonsilles enflés. »
Dans un édito accompagnant l’étude, le Dr Jeffrey Linder, de l’école médical de Harvard, met les lecteurs en garde contre la tentation de surprescription antibiotique que pourrait provoquer cette publication. « Un patient sur 10 environ aura effectivement besoin d’antibiotiques, mais les médecins américains prescrivent pourtant déjà des antibiotiques dans 60 % des cas, seules les angines les plus sévères doivent être traitées par une cure d’antibiotique, » signale-t-il.
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