Le microrobot, µralp (prononcer « Microralp »), comme l’ont baptisé ses créateurs, est le plus fruit d’une collaboration européenne. Trois ans de recherche et 40 experts pluridisciplinaires, chercheurs, médecins et ingénieurs de l’institut italien de technologie, du FEMTO-ST (Franche-Comté Electronique, Mécanique, Thermique et Optique - Sciences et Technologies) et des universités de Hanovre (Allemagne), de Gênes (Italie) et du CHRU de Besançon ont travaillé à la conception de cet appareil sophistiqué.
Préserver la voix et la fonctionnalité des cordes vocales après le traitement des lésions bénignes ou cancéreuses, ça serait bientôt possible grâce à cette microtechnique. Après une opération des cordes vocales des suites d’un cancer, les séquelles sont « quasi systématiques, précise le Pr Tavernier, chirurgien ORL au CHRU de Besançon, l’un des participants à la conception du projet, côté français, dès qu’on enlève une partie de la corde vocale, on perd une partie de la qualité vocale ». La technique actuelle utilisée en chirurgie expose à quelques difficultés : les chirurgiens utilisent un laser situé à 40 cm de la bouche et la zone à opérer peut parfois être difficile d’accès. « Un patient un peu voûté, une ouverture buccale insuffisante, une réduction mandibulaire chirurgicale…, nous voulions contourner ces problèmes et développer un outil plus simple et fiable », souligne le Pr Tavernier.
Une précision de l’ordre d’une centaine de micromètres
Les chercheurs ont donc eu l’idée d’utiliser un endoscope flexible muni d’un microrobot qui peut être insèré à l’intérieur du patient. Le microrobot est équipé de deux caméras miniatures, qui renvoient une image couleur en temps réel au chirurgien et d’un laser « chirurgical » se positionnant à 20 mm de sa cible. La précision atteinte est de l’ordre d’une centaine de micromètres pour un dispositif plus ergonomique pour le patient comme pour le praticien. L’ensemble du robot est piloté de l’extérieur par le chirurgien, les réglages préopératoires prenant quelques minutes. Le praticien s’installe ensuite face au système de commande, enfile ses lunettes à réalité augmentée, où l’ensemble du champ opératoire est visible en 3D. Muni d’une tablette, l’opérateur va tracer le parcours qu’empruntera le laser en fonction de la pathologie du patient. « J’utilise un stylet sur tablette, je trace la ligne de l’intervention chirurgicale, ce qui permet de créer un dessin autour de la pathologie et de lancer ensuite le laser qui exécutera ce que j’ai programmé », indique le Pr Tavernier. Le praticien peut également déterminer des zones à préserver sur lesquelles le laser ne sera pas activé ce qui évitera de blesser une zone à conserver. « Par l’augmentation de la précision du geste, on pourra limiter l’exérèse en diminuant les marges des cellules saines », poursuit-il.
Le microrobot possède également un faisceau bleu permettant d’exciter la fluorescence naturelle des cellules cancéreuses qui aideront à déterminer s’il existe une zone cancéreuse ou non au niveau de la lésion.
Les premiers essais au bloc attendront…
« On a eu des autorisations pour réaliser des tests sur les cadavres, nous avons commencé en avril 2014 et nous en sommes au 6e essai », explique le Pr Tavernier. Les essais sont axés sur l’insertion de l’endoscope, la visualisation 3D, l’ergonomie du poste de travail et le guidage laser. « Nous avons eu une autorisation du comité de protection des personnes pour tester la reconnaissance de la pathologie, par imagerie, de la fluorescence sur des tissus pathologiques ex-vivo, issus de nos opérations. Nous n’avons pas encore de marquage CE pour aller au bloc opératoire et l’utiliser. Il faudra encore trois ans de développement », précise le Pr Tavernier.
Pour chaque phase de la conception de l’appareil, deux équipes composées de 4 à 5 chirurgiens du CHRU de Besançon et de l’hôpital de Gênes ont été sollicitées pour définir quelles seraient les éventuelles contraintes médicales, chirurgicales, cliniques et réglementaires relatives au projet microralp. « Ce n’est plus le même geste », précise le Dr Badet, chirurgien ORL (cervico-faciale) du CHRU de Besançon, qui a participé à la conception et aux essais. Les équipes doivent s’habituer à manier l’écran tactile et le robot, mais pour le Dr Badet, le microrobot est « bluffant » et l’outil est « rassurant », notamment pour les jeunes générations de médecins qui prendront la relève.
La place du médecin compromise ?
« On est dans une vraie vision d’avenir, dans ce que va être la chirurgie planifiée et assistée », explique le Dr Badet. Les gestes seront réalisés par « un intermédiaire qui ne tremble pas, ne bouge pas et n’est pas sensible aux émotions. Mais ça n’empêchera pas qu’en amont comme en aval, le vecteur de préférence restera le chirurgien », commente le Dr Badet. Rien ne remplace l’expertise d’un médecin lors d’une opération. Sans compter que les étapes préopératoires comme la rencontre avec le patient pour lui expliquer le déroulement de l’intervention sont primordiales.
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