Il n’y a pas de données sur la la proportion de la population concernée par une incongruence de genre en France, mais deux articles, réalisés à partir de questionnaires dans des collèges et des lycées, sur la population australienne pour l’un et nord-américaine pour l’autre, rapportent des prévalences de 1,7 et 1,8 % d’ados ayant une incongruence de genre. « Si l’on rapporte ces données à la population française, cela fait environ 90 000 adolescent·es concerné·es, avec un sex-ratio proche de 1 », remarque la Pr Laetitia Martinerie (équipe pédiatrique pluridisciplinaire d’accompagnement des transidentités — Eppat — endocrinologie pédiatrique, hôpital Robert Debré à Paris).
Des critères de définition clairs
Dès qu’ils sont en âge d’être conscients de leur genre (vers 3-4 ans), certains enfants expriment un genre ressenti qui est différent de celui qui leur a été attribué. Parmi les caractéristiques de l'incongruence de genre chez l’enfant figurent le fort désir d'être d’un autre genre que son sexe d’assignation, le fort rejet de son anatomie sexuelle et une forte préférence pour développer des caractères sexuels du genre affirmé. Chez les ados et les adultes, peuvent s’y ajouter un désir de transitionner afin de vivre et d’être accepté dans le genre affirmé. Cela ne préjuge en rien de l’attirance amoureuse ou sexuelle.
« Aujourd’hui, le DSM 5 (2013) classe encore la transidentité dans les maladies mentales, mais, dans la Classification internationale des maladies (CIM 11 de 2019), la transidentité a été intégrée au chapitre relatif à la santé sexuelle. La CIM 11 insiste sur la persistance des critères pendant au moins 2 ans chez l’enfant et la possibilité, ou non, qu’ils soient associés à une variation du développement des organes génitaux. Dans la CIM 12, la transidentité pourrait même sortir totalement du champ des maladies, en particulier pour l’enfant », indique la Pr Martinerie.
Une vingtaine de consultations spécialisées en France
En pratique, les familles sont d’abord reçues par des professionnels de l’accompagnement psychologique qui répondent aux interrogations, recueillent les demandes, accompagnent l’enfant et sa famille en cas de souffrance.
Lorsque la puberté démarre, le pédiatre-endocrinologue voit les adolescent·es qui sont en demande de traitement, en lien avec une souffrance causée par l’apparition des caractères sexuels secondaires. « Des bloqueurs de la puberté (analogues de la GnRH) peuvent être proposés une fois la puberté démarrée, toujours après concertations multidisciplinaires (endocrinopédiatre, psychologue et pédopsychiatre) et ce, jamais dès la première consultation », remarque la Pr Martinerie.
Sous traitement, la puberté s’arrête (ou régresse si elle était à son début), avec un possible impact sur la croissance, la minéralisation de l’os (à surveiller) et l’arrêt du développement des organes génitaux. « Cela permet plus de temps de réflexion à l’adolescent·e pour préciser sa demande. S’il/elle/iel est toujours en demande de recevoir des hormones du genre ressenti, elles seront débutées vers 15-16 ans », indique la Pr Martinerie.
Comme les estrogènes, à doses standards, ne sont pas assez puissants pour bloquer une puberté masculine, les bloqueurs sont poursuivis jusqu’à une éventuelle chirurgie (orchidectomie). En revanche, la testostérone est suffisamment forte pour permettre d’arrêter ces bloqueurs au bout d’un certain temps.
« La préservation de la fertilité fait partie des sujets discutés avec le/la jeune. Une préservation est possible et plusieurs Cecos accompagnent ces demandes. Néanmoins, à ce jour, la loi française ne permet pas de réutiliser ses gamètes si on a changé de sexe à l’état civil », indique la Pr Martinerie.
Prise en charge en ALD
La transidentité entrant dans le cadre d’une ALD hors liste, une prise en charge à 100 % est possible.
La chirurgie de la poitrine peut se faire avant l’âge de 18 ans (pour retirer la glande mammaire si celle-ci s’est développée) mais celle des organes génitaux ne se fait qu’à la majorité. Les jeunes femmes trans demandent souvent l’ablation des testicules et la création d’un néo-vagin. Les jeunes hommes trans ont moins de demandes de chirurgie des organes génitaux (parfois juste l’ablation de l’utérus et/ou des ovaires).
Enfin, l’accompagnement peut aussi porter sur le volet orthophonique (pour travailler la voix, en complément ou en remplacement des traitements hormonaux), dermatologique, pour l’épilation au laser, et social pour les démarches civiques : le changement de prénom peut se faire avant 18 ans mais il faut attendre la majorité pour le changement de sexe à l’état civil.
Exergue : « Dans la CIM 12, la transidentité de l’enfant devrait sortir totalement du champ des maladies »
Entretien avec la Pr Laetitia Martinerie (Paris)
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