La SFMP s’alarme de nouveau de la mortalité infantile en France, l’une des plus élevées d’Europe

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Publié le 20/03/2025
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La Société française de médecine périnatale (SFMP) a réagi à la publication du livre « 4,1 Le scandale des accouchements en France » médiatisée par une tribune dans « Libération ». Si la société savante s’associe « au cri de révolte » lancé par les auteurs, elle fait état de « notables divergences ».

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Rares sont les chiffres de l’Insee qui marquent autant les esprits. « Avec 4,1 décès (d’enfants avant leur premier anniversaire) pour 1 000 naissances en 2023, la France se retrouve en queue de peloton européen (23e sur 27), alors qu’elle était en position d’excellence au début des années 2000 », se désole la Société française de médecine périnatale (SFMP) dans un communiqué. La société savante réagit ainsi à la publication du livre 4,1 Le scandale des accouchements en France des journalistes Anthony Cortes et Sébastien Leurquin, qui ont en parallèle écrit une tribune dans Libération, signée par des soignants et des élus de tous bords. Tout en s’associant « au cri de révolte » des auteurs, la société savante marque néanmoins ses distances avec les critiques émises sur les grandes maternités « usines à bébés ».

Le constat sur la périnatalité en France ne date malheureusement pas d’aujourd’hui et la situation ne s’améliore pas : « après avoir reculé très fortement au cours du vingtième siècle, ce taux (de mortalité infantile) ne baisse plus depuis 2005 », rapportait l’Insee dans une publication de janvier 2024.

Pour l’Ined, c’est bien cette stagnation qui explique la dégringolade de la France en l’espace de trente ans dans le classement européen pour la survie des enfants, la tendance étant inverse chez nos voisins européens, comme l’explique Magali Barbieri, directrice de recherche à l’institut, dans une analyse publiée dans Conjecture démographique. « En comparaison, la Suède affiche un taux de mortalité infantile de 2,5 pour 1000, soit presque deux fois inférieur à celui de la France », cite-t-elle.

« Les professionnels de la santé tirent la sonnette d’alarme depuis plusieurs années (…) sans être entendus », fustige la SFMP. Un constat pourtant appuyé par la Cour des comptes dans un rapport de 2024 : « Les principaux indicateurs de la santé périnatale – mortinatalité, mortalité néonatale et mortalité maternelle – mettent en évidence une performance très médiocre de la France par rapport aux autres pays européens. L’hexagone se situe en effet au 22e rang sur 34 pays européens en termes de mortalité néonatale (décès d'enfants nés vivants et décédés à moins de 28 jours, NDLR). »

Pénurie croissante de professionnels

Si l’inquiétude est partagée, les diagnostics divergent. Certes les causes sont multiples et la SFMP adhère avec le rôle de l’insuffisance des PMI, le recours excessif à l’intérim médical, ou encore la dégradation de la prise en charge des prématurés. Mais quand les journalistes incriminent le maillage territorial avec de « petites maternités sous-dotées » et de grandes structures « usines à bébés », la société savante déplore que les deux journalistes « fassent porter sur la fermeture des petites maternités la cause essentielle de la dégradation de l’offre de soins ».

« L’angle mort du livre » et pourtant « la réalité » avec laquelle les professionnels doivent composer, estime la SFMP, c’est « la pénurie croissante des professionnels en salle d’accouchement ». Et d’ajouter que : « Non seulement l’augmentation du nombre de maternités est inenvisageable mais les fermetures vont immanquablement se poursuivre ».

Un manque d’anticipation des pouvoirs publics désorganise l’offre de soins

Pour la société savante, la responsabilité de la dégradation de l’offre en soins périnataux incombe « avant tout au manque total de vision d’ensemble et d’anticipation des pouvoirs publics ». La SFMP met en miroir l’exemple des pays nordiques (Finlande, Suède), qui « ont connu une réduction plus drastique de nombre de maternités » mais qui ont « les taux de mortalité infantile les plus bas », grâce à des fermetures « planifiées », « anticipées » et « avec à la clef des investissements », à la fois pour l’accueil des mères et des nouveau-nés mais aussi pour les conditions de travail des personnels de santé. Dans le même temps, en France, lorsqu’une maternité ferme, « les agences régionales de santé (ARS) répercutent l’activité sur d’autres établissements sans évaluer et renforcer les moyens nécessaires », pointe la Pr Delphine Mitanchez, présidente de la SFMP, insistant sur « l’effet domino ». « Les établissements qui semblaient les plus solides se retrouvent à leur tour en difficulté pour assurer la qualité des soins et la sécurité des mères et de leur bébé », poursuit-elle.

Mieux comprendre les causes des décès

La SFMP en appelle aux pouvoirs publics pour mettre en œuvre les recommandations de la Mission sénatoriale de septembre 2024. Comme les auteurs du livre, la SFMP soutient la mise en place d’un registre national des naissances et des décès périnataux dans l’objectif de mieux cerner les facteurs en jeu. D’autres causes – tels que facteurs médicaux et santé des mères, inégalités sociales d’accès aux soins – sont également à explorer, considère l’Ined. Et d’apporter une nuance supplémentaire : « Paradoxalement, les progrès récents de la néonatalogie pourraient aussi contribuer à expliquer la stagnation de la mortalité infantile », certains grands prématurés peuvent vivre quelques heures ou quelques jours, « alors qu’ils auraient été auparavant considérés comme mort-nés ».

Si « sortir de cette crise passe inévitablement par un regroupement des plateaux d’accouchements », la SFMP assure « ne pas valider le seuil des 1 000 accouchements souvent préconisé pour décider d’une fermeture », préférant « une analyse au cas par cas ». La Pr Delphine Mitanchez dit renouveler son appel à rencontrer le ministre délégué à la Santé Yannick Neuder pour « sortir de l’attentisme » et « nouer un dialogue constructif ».


Source : lequotidiendumedecin.fr