L’utilisation des réseaux sociaux par les adolescents (et les enfants) est devenue un véritable phénomène de société, avec une diffusion rapide qui semble incontrôlable et sans règles. Leurs noms sont connus des plus jeunes avec des utilisateurs différents pour chacun : Facebook, Snapchat, Instagram, Twitter, Whisper, Ask, Vine, TikTok, Youtube, Skype, WhatsApp. Les adolescents privilégient Snapchat et Intsagram. Ils communiquent à l’aide des smartphones que 89 % des 12-17 ans possèdent (BVA 2018), et près de 80 % sont connectés à au moins un réseau social.
Les informations partagées sont parfois banales mais souvent plus risquées : adresses personnelles, photographies. Les adolescents interrogés considèrent les réseaux comme des outils indispensables pour « entretenir la vie amicale » et sociale. La loi française encadre leur accès : ils sont interdits aux mineurs de moins de 13 ans. En ce qui concerne la transmission des données, elle n’est autorisée que pour les mineurs de plus de 15 ans. Cependant ces limites sont très théoriques. Les accès des plus jeunes par les codes parentaux ou par détournement d’utilisation sont fréquents.
Quand le harcèlement prend une dimension world wild web
Le cyberharcèlement est « un acte agressif, intentionnel perpétré par un individu (ou un groupe) au moyen de formes de communication électroniques, de façon répétée à l’encontre d’une victime ». Il s’agit d’une modalité nouvelle de maltraitance infantile. Il peut prendre plusieurs formes : intimidation, insultes, moqueries en particulier sur le physique ou l’origine, sur les vêtements ou l’orientation sexuelle, création d’un blog de critique d’un camarade par un groupe de la même classe, publication de photos ou de vidéos humiliantes, sexting diffusant des images à connotations sexuelles, ou usurpation d’identité pour diffuser des messages sous le nom de l’adolescent harcelé.
Près de 20 % des adolescents auraient subi ces types d’agression et 17 % disent aussi en avoir été auteurs (messages violents, insultes). Les conséquences du cyberharcèlement sont identiques à celles du harcèlement traditionnel. L’anonymat et la grande diffusion aggravent les effets négatifs. Outre la détérioration du climat scolaire, les harcèlements peuvent être responsables d’échec scolaire, déscolarisation, isolement, de dépression, de tentative de suicide ou suicide. Les conséquences somatiques sont aussi possibles : malaises, céphalées, douleurs abdominales, troubles du sommeil, etc.
Il existe une fréquente multivictimisation : cyberharcèlement associé au harcèlement classique et aux sévices physiques ou sexuels.
De la pornographie au sexting, la violence des images
La cybersexualité peut être « passive » – l’adolescent trouve et regarde des images ou une vidéo pornographique trouvée par hasard ou en contactant un site spécialisé – ou « active » : l’enfant ou l’adolescent entre en contact par l’intermédiaire des réseaux sociaux, éventuellement sous une fausse identité (relative à son âge), avec un inconnu, mineur ou majeur (posant aussi la question de la cyberpédophilie), et échange avec lui des propos sexuels ou des images ou des vidéos personnelles (sexting).
Les conséquences de la cybersexualité peuvent être graves, identiques à celles des agressions sexuelles, souvent méconnues, non dites, voire impensables pour l’entourage. Comme le cyberharcèlement, la cybersexualité concerne plus facilement des adolescents vulnérables (antécédents de maltraitance d’autres formes, absence de soutien parental, consommations de toxiques). La forme « passive » a des conséquences variables. Selon les âges et les types d’enquête, il semble qu’une majorité d’adolescents aient déjà rencontré ce type d’image. Outre la violence vécue, le risque est surement que ce type de contact devienne le « tiers éducateur » en matière de sexualité. La confusion du réel et du virtuel stimule les fantasmes de violence et de domination. Les possibilités d’induction à une dépendance à ce type d’image existent, préparant une addiction à la cybersexualité (nétaholisme).
La responsabilité engagée des adultes
Les médecins doivent penser à la possibilité de cyberharcèlement ou de cybersexualité devant des signes non spécifiques. Comme pour toutes les maltraitances, leur découverte implique la prise en charge de l’adolescent, associée à une démarche de signalement. Les médecins participent à la prévention, en particulier des violences physiques et sexuelles, et intègrent ces risques dans les programmes éducatifs. Le rôle des industriels diffuseurs des réseaux sociaux est capital. Certains affichent une relative volonté : interdiction des contenus incitant aux suicides (Instagram 2019), renforcement et multiplication des preuves de majorité pour les accès à certains contenus avec uniquement accès aux contenus jeunesse lors d’insuffisance de preuve (Youtube, septembre 2019). Les possibilités de contrôle et de tri restent cependant limitées, dans un système commercial et mondialisé. Les pouvoirs publics doivent imposer des règles qui protègent les mineurs et les inclure dans les dispositifs de protection de l’enfance. On peut souhaiter que les industriels, au lieu de chercher à augmenter la diffusion des réseaux et des connexions, fassent tout pour la diminuer, en particulier vers les mineurs, mais cela paraît illusoire.
Les parents sont les acteurs principaux de l’accompagnement des enfants face à ces risques. Les trois académies, de médecine, de science et des technologies, ont appelé à la « vigilance raisonnée » (1) : « La vigilance de tous est nécessaire en ce qui concerne la désinformation, le harcèlement et le prosélytisme sur les réseaux sociaux. Il importe que les parents maintiennent un dialogue positif sur ces questions et restent attentifs aux symptômes de fatigue liés aux troubles du sommeil, aux signes d’isolement pouvant conduire à un repli sur soi et à un fléchissement des résultats scolaires ». De manière générale, toutes les recommandations mettent en exergue le rôle primordial de la parentalité autour de l’éducation à l’utilisation de ces nouvelles formes de communication.
Exergue : Il importe que les parents maintiennent un dialogue positif et restent attentifs aux symptômes
CHU de Nantes (1) Académie des sciences, Académie de médecine, Académie des technologies. L’adolescent, l’enfant, sa famille et les écrans : appel à une vigilance raisonnée avril 2019 https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/appel_090419.pdf L’enfant et les écrans : les recommandations du groupe de pédiatrie générale, Société française de pédiatrie, à destination des pédiatres et des familles. Perfectionnement en pédiatrie. 2018;1:19-24 Blocquaux S. L’enfant au risque des pratiques numériques : vers une éducation du virtuel https://www.cairn.info/revue-la-nouvelle-revue-de-l-adaptation-et-de-la… Éducation nationale, programme 2018-2019. Non au Harcèlement. https://www.nonauharcelement.education.gouv.fr e-Enfance, association de protection sur Internet https://www.e-enfance.org
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