« Nous pouvons désormais avoir des résultats sur les deux premiers mois de vie de la cohorte Elfe », explique la Dr Marie-Aline Charles (Villejuif), médecin épidémiologiste qui dirige ce programme. Initiée en 2011, la cohorte comprend plus de 18 000 enfants qui vont être suivis de la naissance à l’âge adulte. Son but : mieux appréhender comment l’environnement, l’entourage familial et les conditions de vie influencent leur développement et leur santé.
« D’emblée, nous constatons que la tendance à l’augmentation de l’initiation de l’allaitement maternel s’affirme » (1), souligne-t-elle.En effet, à la maternité 59 % des mères allaitent exclusivement au sein et 11 % donnent un biberon en plus. Les facteurs associés à cette augmentation ont été recherchés. L’étude a ainsi mis en évidence que les femmes nées à l’étranger allaitent au sein plus souvent, de même que les mères qui ont suivi des séances de préparation à la naissance et qui ne fument pas pendant leur grossesse ou encore les mères de milieu socio-économique favorisé. Il apparaît également que l’allaitement au sein est plus fréquent lorsque les pères sont impliqués, présents à la naissance et que les couples sont mariés. Le fait que les sages-femmes puissent faire des visites à domicile est sûrement un facteur qui va aider la poursuite de l’allaitement maternel. « Pour continuer à promouvoir l’allaitement maternel, souligne la Dr Charles, les chercheurs proposent donc d’impliquer davantage les pères tout en permettant à plus de femmes d’assister aux séances de préparation à l’accouchement. Reste également à explorer la place des délais de congés maternité, sur l’initiation et sur la poursuite de l’allaitement au sein, notion essentielle qui peut influencer la politique de santé publique ». Il est à noter que des disparités régionales sont constatées. Les femmes allaitent au sein plus fréquemment (70 %) en Ile-de-France, Rhône-Alpes, Alsace, PACA et le Sud-Ouest. C’est en Bretagne, Picardie, Nord-Pas-de-Calais qu’elles choisissent le moins souvent cette pratique (‹ 60 %).
Mercure, au plomb et au BPA
Le volet périnatal du plan national de biosurveillance, conduit auprès de femmes et de leurs nouveau-nés inclus en 2011 au moment de l’accouchement, a également apporté des données sur l’exposition des femmes enceintes et de leurs enfants à naître à des polluants de l’environnement. L’ensemble des contaminants n’est pas encore évalué, mais les premiers résultats montrent des expositions au plomb, au mercure et au bisphénol A (BPA) en diminution, comparativement à celles observées dans des études antérieures et dans d’autres pays, notamment européens (2). De nouvelles données concernant l’exposition des femmes enceintes et de leur enfant in utero aux autres métaux, aux phtalates, aux pesticides et aux composés polybromés et perfluorés seront bientôt disponibles.
Environnement et santé respiratoire
Dans le domaine de la relation entre santé et environnement, les premiers résultats sur la contamination des logements par des micro-organismes viennent d’être publiés (3). Grâce aux 3 000 capteurs à poussières qui ont été déposés dans les chambres des enfants au cours des deux premiers mois de leur vie, les micro-organismes recueillis (acariens, moisissures) ont été analysés afin d’évaluer leur influence sur la santé ultérieure, notamment respiratoire.
Six profils différents de contamination des logements ont été identifiés, dont deux sont assez fréquents dans l’Ouest de la France (l’un étant riche en acariens et bactéries, l’autre en acariens, bactéries et moisissures). Un plus fort taux d’humidité et des températures plus favorables au développement de ces micro-organismes pourraient expliquer en partie ces résultats. Les données de suivi des enfants Elfe vont permettre de confirmer, ou non, l’existence d’une relation entre ces profils de contamination et la santé respiratoire des enfants.
Dans le domaine des sciences sociales, les prochaines publications renseigneront sur la façon dont les parents se préparent à la naissance d’un enfant, en particulier sur leur désir de connaître son sexe. « Les enfants de l’étude Elfe n’ont que 3 ans et demi aujourd’hui, conclut la Dr Charles. Une nouvelle enquête a été lancée en octobre 2014 pour approfondir le recueil d’informations sur la petite enfance, par téléphone et au domicile des familles ».
Entretien avec la Dr Marie-Aline Charles, médecin épidémiologiste, directrice de recherche Inserm et directrice de l’unité mixte Ined-Inserm-EFS « Elfe ».
(1) Claire Kersuzan et al, INRA. Prévalence de l’allaitement à la maternité selon les caractéristiques des parents et les conditions de l’accouchement. Résultats de l’enquête Elfe maternité, France métropolitaine, 2011. BEH 7 octobre 2014; 27
(2) INVS, communiqué de presse du 12 novembre 2014
(3) Steffi Rocchi et al, université de Franche Comté, UMR 6249. Microbiological characterization of 3193 French dwellings of Elfe cohort children. Science of the total environnment.505;2015:1026-35
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