LA CONSOLIDATION osseuse a fait l’objet d’une multitude de travaux de recherche ces vingt dernières années. Elle reproduit sous de nombreux aspects le processus embryologique de formation du tissu osseux. En effet, après la constitution, à partir de l’hématome fracturaire d’une trame mésenchymateuse celle-ci va être colonisée par des cellules. Cet ensemble donnera lieu dans un premier temps à la formation d’un cal cartilagineux qui va progressivement devenir un cal osseux. Ce cal, sous réserve de la présence de certaines conditions d’environnement, va naturellement évoluer vers de l’os mature plus ou moins identique à celui précédent l’événement fracturaire.
La séquence organisée d’un tel processus de consolidation implique l’intervention de plusieurs acteurs biologiques :
- des cellules ostéoformatrices ou ostéoprogénitrices ;
- des facteurs de croissance qui vont amplifier la production de ces cellules (ostéo-induction) ;
-un support approprié permettant l’expression et la progression des processus déjà mentionnés, (ostéoconduction).
Il convient de rajouter aux éléments précédents, la perpétuation durant tout ce processus de réparation osseuse, d’un environnement mécanique favorable. C’est une compréhension de ces interactions biomécaniques qui a stimulé le développement de nouvelles approches de recherche pour l’ostéosynthèse, plus spécifiquement en pédiatrie.
Les particularités de la démarche pédiatrique
Deux grandes particularités, non mutuellement exclusives, influencent, au sein de cette tranche de population la démarche thérapeutique :
- le potentiel résiduel de croissance ;
- le périoste.
Le fait qu’en général la fertilité du processus de réparation osseuse plaide plutôt en faveur du traitement non opératoire orthopédique des fractures ne bannit pas nécessairement l’ostéosynthèse.
La croissance peut dans ce contexte être tout autant un allié du thérapeute qu’un adversaire. En effet, la croissance s’accompagne d’un remodelage squelettique qui a la capacité de gommer au fil de l’évolution certains cals vicieux. À l’inverse certains défauts d’alignement au terme du processus de consolidation peuvent se trouver, au contraire, amplifiés par la croissance. De ces notions élémentaires sur l’activité du remodelage squelettique résultent un certain nombre d’observations pédiatriques :
- il serait fautif de vouloir proposer une ostéosynthèse systématique à toute fracture pédiatrique ;
- l’avantage d’utilisation par le thérapeute du remodelage en tant que correcteur de défauts d’alignement, est d’autant plus marqué que l’enfant est jeune (huit ans serait une éventuelle limite de confort) ;
- les zones métaphysaires apparaissent plus propices à ce remodelage correcteur de cals vicieux ;
- les déplacements résiduels fixés par le cal auront d’autant plus de chances de se corriger qu’ils se seront produits dans le plan de référence de la mobilité principale de l’articulation de voisinage.
La meilleure illustration de cette dernière notion est qu’une fracture déplacée du poignet en direction dorsale ou palmaire aura plutôt tendance à s’améliorer avec le temps, grâce à l’arc de mobilité principal en flexion extension du poignet c’est-à-dire dans le même plan de référence sagittal ; à l’inverse, une fracture latéralement ou médialement déplacée de la cheville, dans le plan frontal en valgus ne bénéficiera guère de l’arc de mobilité contigu en flexion plantaire ou dorsale se déroulant quasi exclusivement dans un plan sagittal. Enfin et sans doute du fait des observations précédentes, il faut admettre que le décalage ou déplacement résiduel d’un cal rotatoire ne pourra se corriger naturellement. Il conviendra donc pour le soignant d’être particulièrement vigilant à ne pas tolérer cette catégorie de déplacement au terme de son acte de réduction, qu’il s’agisse d’un traitement orthopédique ou d’une ostéosynthèse.
L’ostéosynthèse des diaphyses
Le principe de prévention des cals vicieux, plus particulièrement rotatoires, s’applique préférentiellement aux diaphyses. De façon classique l’utilisation de plaques diaphysaires comme chez l’adulte, implantées après réduction à foyer ouvert, semblait avoir résolu la problématique. Cependant ce type d’ostéosynthèse « viole » le périoste du foyer de fracture et comporte l’inconvénient de devoir nécessiter une nouvelle intervention assez substantielle, à terme, d’ablation de cet implant.
L’introduction par l’école nancéenne, il y a un peu plus d’une vingtaine d’années d’une méthode d’enclouage centromédullaire qualifiée d’élastique et stable a eu le mérite de lever la plupart des réserves formulées à l’encontre de l’ostéosynthèse classique par plaque des diaphyses : respect du périoste de la zone de fracture, stabilité équivalente du montage.
Une bonne maîtrise par les opérateurs de la logique biomécanique de ce matériel est indispensable à son succès ainsi que la disponibilité d’un contrôle radiologique per opératoire et d’une gamme de matériel appropriée.
Les autres dispositifs d’ostéosynthèse
L’utilisation des plaques classiques, plus particulièrement lors de la fixation des diaphyses entraîne, outre une cicatrice étendue, un dépériostage extensif susceptible d’induire des phénomènes indésirables, à terme, d’allongement de ce segment squelettique. Les plaques de nouvelle génération utilisent le concept du verrouillage, c’est-à-dire de vis guidées par un pas de vis dans la plaque avant de se fixer à l’os lui-même. Ce concept permet l’utilisation de plaques plus courtes pour une stabilité osseuse équivalente. Ces plaques verrouillées peuvent être employées pour la fixation de fractures par des abords dits mini-invasifs ou pour la fixation d’ostéotomies de correction d’une déformation et avec un gain de solidité permettant parfois de se passer d’un plâtre complémentaire de protection de l’enfant.
Le fixateur externe est une autre modalité de maintien d’une réduction. Plusieurs configurations géométriques spatiales sont adoptées dans ce type de fixation qui assemble les fragments osseux sans directement traverser la solution de continuité osseuse. Qu’ils soient circulaires ou latéralisés, ces fixateurs, au fil de leur évolution et grâce à l’expérience des opérateurs, ont fini par s’imposer comme des montages de stabilité parfaitement contrôlée.
Le voisinage du cartilage de croissance
Lorsqu’une fracture se situe en zone métaphyso-épiphysaire l’ostéosynthèse obéit à des règles strictement définies. Les fractures en question sont souvent des fractures articulaires particulièrement exigeantes d’une réduction anatomique. Le respect des physes de croissance doit être l’obsession des opérateurs. La traversée de ces zones est en effet pourvoyeuses de fusions, qualifiées d’épiphysiodèses, génératrices à terme de déformations. Ces déformations résultent d’altérations inégalement distribuées dans leur topographie sur la zone de croissance. Le développement de cette dernière dépend de l’harmonie synergique de croissance entre les différentes zones qui la constituent. Les alternatives de fixation dans le respect de ces plaques de croissances sont le fixateur externe, l’enclouage centromédullaire élastique stable, ou les broches à butée réglable.
Conclusion
Grâce à une connaissance approfondie de la croissance et de la consolidation osseuse, et grâce à la mise au point de techniques et d’une technologie de nouvelle génération, l’ostéosynthèse des fractures dans la population s’est radicalement transformée.
D’après la conférence d’enseignement du Pr. Benoît de Billy (Besançon)
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