Des millions d’enfants sont hospitalisés chaque année pour infection à virus respiratoire syncytial (VRS). Et, faute de traitement symptomatique, leur prise en charge a souvent un effet limité. Depuis quelques années, des anticorps monoclonaux anti-VRS peuvent être utilisés en prophylaxie. Le palivizumab (Synagis) fut le premier commercialisé en 1998, en prévention des infections graves chez les nouveau-nés à risque. En 2022, il est rejoint par le nirsevimab (Beyfortus), de plus longue durée d’action, indiqué en prévention chez tous les enfants potentiellement exposés au VRS avant l’âge d’un an.
Les Mab et/ou les immunoglobulines anti-VRS pourraient-ils être utiles aussi chez les enfants infectés ? En d’autres termes, peut-on les utiliser comme traitement — et non plus en prophylaxie — pour améliorer le pronostic de bronchiolites aiguës hospitalisées chez des enfants de moins de trois ans ? La réponse est non. L’analyse réalisée par la Cochrane échoue à mettre en évidence un bénéfice lors d’utilisation d’immunoglobulines ou d’anticorps monoclonaux anti-VRS au cours d’infection, sans pour autant mettre en évidence de problème de sécurité (1). Les auteurs soulignent néanmoins les limites des données dont ils disposent et le caractère incertain des résultats. À ces réserves près, en l’état actuel des connaissances, rien ne vient donc soutenir cette utilisation.
Huit études randomisées contre placebo totalisant près de 1 000 tout-petits
Au total, huit études randomisées contre placebo menées chez des enfants hospitalisés pour bronchiolite aiguë avec une infection à VRS prouvée ont été retenues. Elles réunissent 906 enfants de moins de trois ans. Les produits utilisés étaient des immunoglobulines anti-VRS (issues de patients guéris) et deux anticorps monoclonaux, le palivizumab et le motavizumab. Parmi ces huit études, cinq ont été menées dans des pays à niveau économique élevé (quatre aux États-Unis, une au Qatar). Les trois autres portent sur un panel de pays, mais avec toujours une majorité de pays à revenus élevés, où la mortalité liée à l’infection, comme le soulignent les auteurs, est réduite. Cinq études sur huit étaient sponsorisées par le laboratoire fabricant le produit. La population des études varie de 30 à 400 patients. Enfin, seulement cinq études ont colligé des données de mortalité : elles rassemblent 300 enfants.
Les critères primaires sont la mortalité, la durée d’hospitalisation et les effets secondaires.
Effet incertain sur les décès, pas ou peu sur la durée d’hospitalisation
Sur les cinq études comportant des données de mortalité, l’effet bénéfique du traitement est incertain. On constate de toute façon probablement un manque de puissance, puisque seulement quatre décès ont été recensés. Le RR est favorable mais avec de larges variations, et il est non significatif (RR = 0,87 [0,14-5,27]).
En termes de durée d’hospitalisation, on observe d’importantes, voire étonnantes, variations au sein des six études les rapportant qui cumulent 737 enfants. Dans les bras intervention, les durées moyennes d’hospitalisation varient en effet de 1,2 à 14,5 jours. De même, dans les bras placebo, les durées moyennes vont de 1,3 à 7,4 jours. Mais globalement, la comparaison entre les bras ne met pas en évidence d’importantes différences. Le traitement par immunoglobulines anti-VRS semble peu, ou pas, affecter la durée d’hospitalisation. La différence moyenne entre les bras traités et les bras placebo, non significative, s’établit autour d’un dixième de jour (différence moyenne : -0,13 [-0,37 ; +0,12] jours).
Apparemment peu d’effets secondaires
Les effets indésirables ont été rapportés dans les huit essais. Mais seules cinq études rassemblant 340 enfants ont dénombré le nombre de sujets ayant souffert d’au moins un effet secondaire. La méta-analyse de la fréquence de ces effets secondaires — toutes gravités confondues — ne prêche pas une augmentation des effets secondaires sous traitement (RR = 1,18 [0,78-1,78]). Encore une fois ici le degré de preuve est faible. Plus rassurant, la comparaison des effets secondaires graves, dans quatre études réunissant 238 enfants, ne met pas en évidence de différence entre les bras traités et placebos (RR = 1,08 [0,65-1,79]).
L’apport éventuel du traitement sur les critères secondaires — nécessité d’une oxygénothérapie, durée de l’oxygénothérapie, mise sous ventilation mécanique, passage en unité de réanimation — n’est guère plus évident. D’après les données, le traitement exerce, là aussi, peu ou pas d’effet sur ces critères.
Conclusions incertaines ne prêchant pas une utilisation en traitement
Les auteurs soulignent que l’effet relevé sur les décès est plus qu’incertain vu la taille des études. Il faudrait avoir les données de plusieurs centaines voire milliers d’enfants pour pouvoir conclure. En revanche, les données sont plus fiables en termes de durée d’hospitalisations, malgré leur variabilité.
Il faut souligner que ces résultats ont été obtenus dans des pays à hauts revenus et à système de santé performant. Impossible donc d’extrapoler ce manque de bénéfice à des pays où le risque de décéder d’une bronchiolite infantile reste élevé.
Dernier point, le peu de données n’a pas permis de distinguer s’il y avait une différence entre les immunoglobulines anti-VRS et les Mab. Quoi qu’il en soit, vu les données, rien ne permet aujourd’hui de recommander ces produits dans le traitement des bronchiolites aiguës déclarées.
(1) SL Sanders et al. Immunoglobulin treatment for hospitalised infants and young children with respiratory syncytial virus infection. Cochrane Database Syst Rev 2023 ;10(10):CD009417
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