L’intérêt d’ajouter un antimuscarinique d’action longue (Lama) à la corticothérapie et aux bêta-2 agonistes de longue durée d’action dans l’asthme modéré à sévère reste très discuté. Pour y voir plus clair, une équipe canadienne a conduit une métaanalyse à partir d’essais menés très récemment chez des enfants et adultes souffrant d’asthme persistant modéré à sévère, non contrôlé (1). Ce travail met en évidence des bénéfices limités. Certes, les exacerbations sévères sont réduites de 15-20 % (22,7 % vs 27,4 % ; RR = 0,83 [0,77-0,90]), mais les scores de contrôle de l’asthme ne sont que très modestement améliorés et ni la qualité de vie ni la mortalité ne sont affectées.
18 essais randomisés bi- versus trithérapie passés au crible
La métaanalyse porte sur 18 essais randomisés contrôlés comparant bithérapie versus trithérapie par ajout de Lama menées entre 2017 et 2020. Les métaanalyses précédentes n’avaient pas clairement identifié de bénéfice. Mais, en 2017, un nouveau Lama, le tiotropium, a été introduit et, depuis, de nombreuses études comparant bithérapie versus trithérapie ont été menées avec cette molécule et d’autres Lama.
Au total, ces études récentes totalisent près de 12 000 patients. Tous présentaient, à l’inclusion, un asthme modéré à sévère non contrôlé sous bithérapie. Il s’agit d’enfants et d’adultes d’âge médian 52 ans ([9-71] ans), dont 1 870 ont entre 6 et 18 ans. Globalement, 60 % sont de sexe féminin.
Le Lama utilisé est : le tiotropium dans 7 études (2 300 patients), l’umeclidinium dans 2 études (2 400 patients), le glycopyrronium dans 5 études (45 400 patients) et à la fois le tiotropium et le glycopyrronium dans 2 études (2 500 patients)
La durée médiane de suivi est de 19 semaines (6 à 58 semaines). Toutefois « les études pesant le plus d’un point de vue statistique duraient 24 à 54 semaines », soulignent les auteurs.
Les critères cliniques retenus sont la survenue d’exacerbations et l’évolution du contrôle de la maladie (ACQ-7 score) et de la qualité de vie (AQLQ score).
Réduction des exacerbations mais peu d’effet sur le contrôle de la maladie
Dans les études analysables en termes d’exacerbations sévères (10 100 patients), leur incidence annuelle est moindre dans les bras trithérapies (0,35 vs 0,41 exacerbation/an ; RR = 0,85 [0,78-0,92]). De même, l’apparition d’une exacerbation sévère en cours d’étude est réduite (22,7 % vs 27,4 % ; RR = 083 [0-77-0,90]) et le délai avant la première exacerbation sévère est prolongé. Les données sur les exacerbations modérées et l’aggravation de l’asthme vont dans le même sens.
En termes de contrôle de l’asthme (11 200 patients), on met en évidence une très légère amélioration sous trithérapie (différence : 0,04 point dans le score ACQ-7). En revanche la qualité de vie n’est pas significativement améliorée.
Quant aux effets secondaires, la trithérapie majore la sécheresse buccale et la dysphonie, sans augmenter néanmoins les effets secondaires graves.
Un impact clinique très limité même dans l’asthme mal contrôlé
Pour les auteurs, « ces résultants viennent confirmer l’effet protecteur des antimuscariniques sur les exacerbations. Cela est retrouvé pour les trois sous types de Lama. Il s’agit donc d’un effet classe. Mais, si la trithérapie est associée à un impact significatif sur les symptômes, celui est limité, et son impact clinique probablement très restreint ». C’est pourquoi selon eux « en pratique, même si cette métaanalyse n’a mis en évidence de différence de bénéfice de la trithérapie entre les sujets à haut ou bas risque d’exacerbation, c’est probablement ce risque d’exacerbation qui devrait guider l’adjonction d’un Lama à une bithérapie chez les asthmatiques mal contrôlés ».
(1) LHY Kim et al. Triple vs Dual Inhaler Therapy and Asthma Outcomes in Moderate to Severe Asthma. A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA. 2021 ;325:2466-2479
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