Large sous-estimation des méfaits du VRS

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Publié le 27/03/2024
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Chez l’enfant surtout, mais aussi chez l’adulte, le VRS passe souvent sous le radar, alors qu’il est responsable de nombre d’hospitalisations et de décès.

Crédit photo : SCIENCE SOURCE/PHANIE

Le virus respiratoire syncytial (VRS) est bien connu chez les tout-petits. Mais, chez les enfants plus âgés et les adultes, son incidence est sous-estimée, du fait de symptômes non spécifiques et d’un faible recours aux tests diagnostiques.

Un travail mené sur les données des hospitalisations et décès en Espagne sur la période 2016-2019 suggère que ce virus pourrait être responsable de 6,5 fois plus d’hospitalisations que celles qui lui sont attribuées chez les enfants de 6-17 ans et jusqu’à 16 fois plus chez les adultes (1). Il suggère aussi que nombre d’hospitalisations et décès cardiovasculaires chez l’adulte, liés en particulier à de l’insuffisance cardiaque et des arythmies, sont attribuables au VRS.

Une estimation basée sur 3 ans de données nationales

Plusieurs approches statistiques rétrospectives ont déjà été développées pour estimer l’impact du VRS à partir de données secondaires. Dans ce travail, les auteurs sont partis des données nationales d’hospitalisations et décès pour estimer les hospitalisations et décès cardiorespiratoires attribuables au VRS. Ce modèle associe la variabilité dans le temps du VRS (VRS diagnostiqués) avec la variabilité des hospitalisations et décès, en ajustant sur la variation d’activité de la grippe et des facteurs saisonniers, pour estimer le nombre d’hospitalisations et décès imputables au VRS.

Deux critères primaires ont été retenus chez les adultes : l’ensemble des évènements respiratoires et cardiorespiratoires connus pour être associés au VRS dans de précédents modèles. Les données cardiovasculaires retenues portent sur les exacerbations d’IC, les cardiopathies ischémiques, les arythmies et les évènements cérébrovasculaires. Pour les enfants, seuls les évènements respiratoires ont été retenus.

Les patients ont été divisés en neuf classes d’âge : les 0-5 mois, 6-11 mois, 12-23 mois, 2-5 ans, 6-17 ans, 18-49 ans, 50-59 ans, 70-79 ans et plus de 80 ans.

Sous-estimé même chez les enfants, en particulier passés 6 ans

Dans cette base de données, sur les 3 années étudiés (2016-2019), 260 000 hospitalisations et 175 décès étaient attribués à des causes respiratoires avant l’âge de 18 ans.

Les taux hospitalisations codés VRS sont les plus élevés chez les 0-5 mois. Ils rassemblent 65 à 70 % des hospitalisations respiratoires chez ces tout-petits, puis décroissent largement avec l’âge, même si le VRS reste encore responsable de la moitié des hospitalisations respiratoires chez les 6-11 mois, et d’un tiers chez les 12-23 mois.

En appliquant le modèle, les auteurs chiffrent à 4000-5500 cas/100 000 personnes-années l’incidence probable des hospitalisations respiratoires liées au VRS chez les 0-5 mois. Plus précisément, sur l’année 2019, ils estiment que l’incidence des hospitalisations respiratoires liées VRS dans les diverses tranches d’âge serait supérieure à celle rapportée (étiquetée VRS) d’un rapport :

- 1,3 fois chez les 0-5 mois ;

- 1,4 fois chez les 6-11 mois ;

- 1,5 fois chez les 12-23 mois ;

- 6,5 fois chez les 6-17 ans.

Chez l’adulte, de 6 à 16 fois plus d’hospitalisations qu’identifiées

Dans le même temps, chez l’adulte, on a dénombré plus de 5 millions d’hospitalisations et plus de 500 000 décès cardiorespiratoires.

À l’inverse de ce qui est observé chez les enfants, les hospitalisations attribuées au VRS augmentent avec l’âge chez les adultes, pour atteindre un maximum passés 80 ans.

En appliquant le modèle, les auteurs chiffrent à 440 à 480 cas/100 000 personnes-années les hospitalisations cardiorespiratoires attribuables au VRS chez les moins de 60 ans. Chez les plus de 80 ans, cette incidence atteint 1 500 cas/100 000 personnes-années. Soit plus de 6 % de l’ensemble des hospitalisations cardiorespiratoires dans cette tranche d’âge. C’est aussi chez eux que la mortalité attribuable au VRS est la plus élevée, avec 125 à 150 décès/100 000 personnes-années, quand celle officiellement étiquetée VRS oscille entre 0 et 0,5/100 000 personnes-années.

Globalement la comparaison avec les cas étiquetés VRS et de ceux issus de l’estimation suggère que les taux d’hospitalisations cardiorespiratoires sont sous-estimés d’un rapport :

- 8 chez les 18-49 ans ;

- 6 chez les 50-59 ans ;

- 6 chez les 60- 79 ans ;

- 16 chez les plus de 80 ans.

Les conséquences cliniques sont toutefois un peu différentes en fonction de l’âge. Chez les plus âgés, ce sont les exacerbations d’insuffisance cardiaque, les arythmies et bronchites/bronchiolites qui prédominent. Chez les plus jeunes, le VRS se traduit surtout par des infections respiratoires basses et des bronchites/bronchiolites.

(1) M Haeberer et al. Estimated respiratory syncytial virus-related hospitalizations and deaths among children and adults in Spain, 2016–2019. Infect Dis Ther 2024 ; https://doi.org/10.1007/s40121-024-00920-7

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr