« Streptococcus pneumoniae est une des principales causes d’infections pulmonaires aiguës et d’infections invasives, tous âges confondus. Si le portage nasopharyngé est un prérequis à l’infection, on sait que qu’il ne suffit pas. Les enfants acquièrent et éliminent des pneumocoques en permanence, généralement sans incidence. Le germe fait classiquement partie de leur microbiome nasopharyngé », rappelle l’éditorial accompagnant la publication d’une étude sur les liens entre pneumocoques et infections à virus respiratoires (1,2). Une étude qui apporte, enfin, la preuve que cette bactérie a besoin de s’appuyer sur les infections à VRS et/ou à virus influenza pour développer son pouvoir pathogène.
Pourquoi, comment le pneumocoque, germe de portage banal dans l’enfance, se transforme-t-il en redoutable pathogène ? De multiples données épidémiologiques et cliniques suggéraient déjà que certains virus respiratoires jouent très probablement un rôle important. Mais, en l’absence d’études d’intervention, bien délicates à mettre en œuvre, on manquait jusqu’à présent de données permettant de conclure à la causalité. C’est chose faite, avec l’appui de la pandémie Covid-19.
Une question lancinante
Des chercheurs se sont saisis de la situation inédite, qui a conduit à la mise en place de mesures de prévention — essentiellement non médicamenteuses : masques, lavage des mains, etc. — qui ont freiné la diffusion des virus respiratoires saisonniers habituels, pour faire largement avancer le débat. Leurs travaux apportent une preuve quasiment irréfutable que oui, pour être pathogène chez l’enfant, le pneumocoque doit s’appuyer des infections à virus respiratoires, grippales et/ou à VRS (2).
L’étude est fondée sur une cohorte pédiatrique, rassemblant plus de 11 000 Français de moins de 15 ans, intégrés entre janvier 2007 et mars 2021. Les données utilisées sont ambulatoires et hospitalières plus des données issues du système national de surveillance. Elles concernent le portage de pneumocoque, les infections à VRS et à virus grippal et les infections invasives à pneumocoque (IIP).
Plus de 5 100 enfants, âgés en médiane de 1 [0,5-4] an (58 % de garçons) ayant fait une IIP ont été comparés à 6 800 enfants n’en ayant pas eu (1,5 [0,75 - 3,9] an ; 52 % de garçons) et pour lesquels on disposait d’écouvillonnages.
L’analyse montre qu’après mise en place des mesures barrière au Covid, l’incidence des IPP a largement reculé : −63 [−82 ; −43] %, p < 0,001. Ce recul concerne l’ensemble 13 sérotypes de vaccin conjugué, qu’ils soient à haut (—63%) ou bas potentiel pathogénique (−53 %). Or, dans le même temps, le portage nasopharyngé n’a pas du tout significativement diminué (−12 %, p = 0,32) et ce, de nouveau, quel que soit le potentiel pathogénique du sérotype (élevé : −26 %, ns ; bas : −7 %, ns). Le recul des IPP ne semble donc pas lié à une réduction du portage.
Il peut en revanche être mis en perspective avec un recul des infections virales respiratoires. Ce recul est en effet contemporain d’une diminution drastique des cas de grippe dans la cohorte (−91 [−97 ; −74] %, p < 0,001) et des cas d’infections respiratoires à VRS (−74 [−85 ; −55] %, p < 0,001).
D’après les estimations des auteurs, les diminutions des infections grippales et à VRS serait respectivement responsables de 43 % et 40 % du recul des IPP sur la période, quand la réduction limitée du portage n’est responsable que de 4 % du recul des IPP toujours sur cette même période.
(1) Dagan R et al. The pneumococcus-respiratory virus connection – unexpected lessons from the Covid-19 pandemic. Jama Network Open 2022;5(6):e2218966. doi:10.1001/jamanetworkopen.2022.18966
(2) Rybak A et al. Association of nonpharmaceutical interventions during the Covid-19 pandemic with invasive pneumococcal disease, pneumococcal carriage and respiratory viral infections among children in France. Jama Network Open 2022;5(6):e2218959. doi:10.1001/jamanetworkopen.2022.18959
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?