Chez des patients hospitalisés pour une pneumonie aiguë communautaire, une durée de traitement antibiotique de trois jours est aussi efficace et sûre qu’une de huit. C’est ce que montre le travail collaboratif du groupe français d’étude « Pneumonie traitement court », paru dans le « Lancet ».
« Les sociétés savantes françaises recommandent d’arrêter l’antibiothérapie au bout de cinq à sept jours en cas de réponse clinique rapide au traitement et les recommandations européennes au bout de huit jours. En pratique, les cliniciens prescrivent plutôt dix jours », indique au « Quotidien » le coordinateur de l’étude, le Dr Aurélien Dinh du service de maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Raymond-Poincaré (AP-HP, Université Paris-Saclay). Avec son équipe, il a cherché à déterminer s’il était possible de réduire cette durée d’antibiothérapie dès lors que les patients présentent des critères de stabilité objectivés, et ce sans risque pour le patient. « L’objectif est de tendre vers une durée d’antibiothérapie individualisée, que l’on arrête dès lors que le patient "va bien" », précise l’infectiologue.
Pas de différence en termes de guérison à J15 et J30
Entre le 19 décembre 2013 et le 1er février 2018, 310 patients âgés en médiane de 73 ans ont été recrutés dans 16 centres en France et ont été randomisés, après trois jours d’antibiothérapie, pour recevoir pendant cinq jours soit un traitement par β-lactamine (amoxicilline orale 1 g plus clavulanate 125 mg trois fois par jour), soit un placebo. Les patients inclus étaient hospitalisés pour leur pneumonie, hors service de réanimation.
Le critère principal de l’étude était la guérison 15 jours après la première prise d’antibiotique, définie par une température ≤ 37,8 °C, la résolution ou l’amélioration des symptômes respiratoires et le non-recours à un autre antibiotique quelle qu’en soit la cause. Les auteurs ont retenu une marge de non-infériorité de 10 points de pourcentage.
Deux types d’analyses ont été réalisés, une en intention de traiter (ITT) et une per protocole (c’est-à-dire prenant en compte uniquement les patients qui ont bien pris le traitement prévu par la randomisation), alors que sept patients ont retiré leur consentement après la randomisation, sans avoir pris le traitement ni le placebo.
Dans l’analyse en ITT, 77 % des patients (117/152) étaient guéris au 15e jour dans le groupe placebo et 68 % (102/151) dans le groupe antibiotique. Avec une différence de 9,42 % entre les deux groupes, les auteurs ont conclu à une non-infériorité du placebo par rapport au traitement antibiotique.
Dans l’analyse per protocole, la guérison au 15e jour est survenue chez 78 % (113/145) des patients du groupe placebo et chez 68 % (100/146) de ceux du groupe antibiotique (différence non significative de 9,44 %). Les résultats obtenus à 30 jours étaient identiques entre les deux groupes.
Un bénéfice collectif et individuel attendu
Pour le Dr Dinh, ces résultats devraient amener à changer les pratiques alors que les avantages d’une exposition réduite aux antibiotiques sont multiples, à commencer par le fait de diminuer le risque d’émergence d’antibiorésistance. « En France, on compte environ 500 000 cas de pneumonie aiguë communautaire par an. Si on réduit de deux jours l’antibiothérapie, on économise un million de jours d’antibiotique à l’échelle nationale », note-t-il.
Une telle approche permettrait de réduire les coûts mais aussi les effets indésirables liés à la prise d’antibiotique (en particulier digestifs), permettant ainsi d’améliorer la qualité de vie des patients. « La prise prolongée d’antibiotique altère le microbiote et ces modifications sont probablement associées à un risque d’accru d’infections ultérieures. Le fait de réduire la durée devrait en limiter la survenue », explique le coordinateur de l’étude.
Les troubles digestifs étaient les effets indésirables les plus fréquents, rapportés chez 11 % des patients du groupe placebo et 19 % du groupe antibiotique, la différence n’étant pas significative. « L’effectif n’a pas été calibré pour évaluer l’intérêt en termes d’effets indésirables, d’où la non-significativité », précise le Dr Dinh.
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