Plusieurs cohortes explorant le rapport entre SAOS et risque cardiovasculaire ont été présentées au cours du congrès sommeil. Pour rappel, les études randomisées ont montré que la pression positive continue (PPC) ne modifiait pas le pronostic des patients. On peut supposer que la raison en est que les patients sont en prévention secondaire, et que l’on interviendrait donc trop tard.
Mais, il s’avère qu’un autre aspect important est que les patients sont traités sur la base de l’index d’apnée-hypopnée. Or, des études américaines ont montré que cet index n’est pas un bon marqueur du risque cardiovasculaire. Au contraire, la charge hypoxique nocturne (aire sous la courbe des désaturations qui suivent les évènements apnéiques) constitue un bien meilleur marqueur. « C’est ce que l’on a pu vérifier dans nos cohortes, y compris celle des pays de Loire, la cohorte IRS (1) », explique le Pr Wojciech Trzepizur (CHU d’Angers). Cette charge hypoxique nocturne constitue en effet un facteur indépendant de risque cardiovasculaire chez ces patients.
La charge hypoxique nocturne comme marqueur du risque cardiovasculaire
Résultat, si on réanalyse les études randomisées, on s’aperçoit que, chez les patients ayant les charges hypoxiques nocturnes importantes, la PPC réduit le risque cardiovasculaire. Pour le moment, le seuil d’hypoxémies à partir duquel la PPC est bénéfique sur le plan cardiovasculaire reste encore à définir. « Mais c’est un paramètre que nous allons de plus en plus prendre en compte en pratique clinique ; en particulier pour mettre ou pas sous PPC un patient peu symptomatique, donc quand le but principal est la prévention cardiovasculaire », souligne le Pr Trzepizur.
En revanche, le traitement par PPC des patients symptomatiques reste la règle, indépendamment du risque cardiovasculaire. La PPC procure dans ce cas une nette amélioration de la qualité de vie, non seulement la nuit mais aussi durant la journée, sur le plan de la somnolence, la fatigue, la concentration et la mémoire.
Élargissement de la symptomatologie en particulier chez la femme
Une session s’est spécialement penchée cette année sur le SAOS chez les femmes. La définition française du SAOS, qui date déjà de 2010, décrit en effet globalement des SAOS assez caricaturaux, très souvent observés chez les hommes avec surpoids, ronflement, endormissements diurnes… Or, on s’aperçoit que les femmes n’ont pas nécessairement les mêmes symptômes. Elles se plaignent plus souvent de fatigue, d’insomnies ou de céphalées matinales. Les plaintes à considérer ne sont donc pas forcément les mêmes.
Ces « nouveaux » symptômes ont été intégrés lors de la révision récente de la définition internationale du SAOS, élargissant la symptomatologie associée au SAOS. Il faudra en tenir compte lors de la révision, à venir, de la définition française.
Évoquer une polysomnographie quand la polygraphie est négative
Sur le plan physiopathologique, on a aussi des différences entre les sexes. Les femmes font plus d’hypopnées que d’apnées, par rapport aux hommes. Elles font aussi des évènements plus courts : leurs apnées durant en moyenne trois secondes de moins. Enfin, elles font plus d’évènements respiratoires inducteurs de microréveils. Or, ces évènements ne peuvent être enregistrés que sur les polysomnographies. C’est pourquoi il faut peut-être donner accès plus facilement à cet examen aux femmes.
« Plus généralement d’ailleurs, il ne faut pas hésiter, chez les patients très symptomatiques, à faire une polysomnographie quand la polygraphie est négative. C’est, de fait, ce qui est déjà recommandé lors de discordances importantes entre symptomatologie et polygraphie », note le Pr Trzepizur.
Apnées centrales et ventilation auto-asservie : réel bénéfice symptomatologique
À côté des apnées obstructives, représentant environ 95 % des cas, existent 5 % d’apnées centrales, liées à une interruption de la ventilation par défaut de commande respiratoire. Une session leur était consacrée. Elles sont surtout présentes chez les sujets cardiaques, en particulier lors d’insuffisance cardiaque évoluée.
Des systèmes de ventilations adaptés — ventilation auto asservie — ont été développés il y a déjà plusieurs années. Mais ils n’ont pas montré leur bénéfice sur le plan cardiovasculaire. On a même observé une surmortalité lors d’IC sévère. Ces systèmes sont donc contre-indiqués lors de FEVG inférieure à 45 %. Mais qu’en est-il des autres patients ? Faut-il les traiter, et avec quel objectif ?
Cette année, plusieurs études sont venues démontrer leur intérêt sur le plan symptomatologique. Notamment un registre français, mettant en évidence une amélioration de la symptomatologie, mais aussi une étude randomisée canadienne, qui a montré que, bien que l’on n’ait pas de bénéfice sur le pronostic cardiovasculaire, on améliore significativement non seulement la qualité du sommeil et celle du fonctionnement dans la journée, mais aussi la dyspnée liée à l’IC. Ces machines ont donc désormais fait leurs preuves sur ce plan.
Entretien avec le Pr Wojciech Trzepizur (CHU d’Angers)
(1) Wojciech Trzepizur et al. Sleep Apnea-Specific Hypoxic Burden, Symptom Subtypes, and Risk of Cardiovascular Events and All-Cause Mortality. Am J Respir Crit Care Med 2022 ;205(1):108-117
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