En ouverture des États généraux de la santé respiratoire, la société de pneumologie de langue française (SPLF) et 24 autres associations de patients et de médecins ont posé les bases des revendications qu'elles vont déposer auprès des candidats à l'élection présidentielle. Elles s'appuient sur conclusions d'un sondage Ipsos mené auprès des Français* et d'une consultation citoyenne qui a rassemblé 450 contributions.
On estime que près de 10 millions de Français sont actuellement touchés par une maladie chronique des voies respiratoires, qu'il s'agisse de maladies répandues comme la BPCO, l'asthme et le cancer du poumon ou de maladies rares comme la mucoviscidose, le déficit en alpha-1 antitrypsine ou la fibrose pulmonaire idiopathique. « Ce chiffre est sous-estimé et ne prend pas en compte le fait que l'incidence des maladies respiratoires va continuer à croître dans les années à venir », précise la Pr Chantal Raherison-Semjen, présidente de la SPLF et principale organisatrice de l'événement. « Les maladies respiratoires chroniques sont des maladies environnementales qui vont augmenter sous l'effet de la pollution et du réchauffement climatique », poursuit-elle.
Des pathologies méconnues des Français
Et pourtant, les résultats du sondage Ipsos commandité par la SPLF montrent que les Français se sentent peu concernés. Si 79 % des personnes interrogées ont éprouvé une gêne respiratoire au cours des 12 derniers mois (toux, essoufflement, sifflements…) - dont un peu plus de la moitié des gênes récurrentes -, seulement 30 % d'entre elles s'estiment à risque de contracter un jour une maladie respiratoire (et 45 % de celles qui éprouvent une gêne récurrente).
« La perception du risque est faible, commente Adeline Merceron, responsable Activité Santé chez Ipsos lors de la présentation des résultats. Seulement 59 % des patients ayant des symptômes sévères ont consulté un médecin. » Les symptômes respiratoires « sont sournois, et les patients finissent par s'y habituer », explique pour sa part Philippe Camus, président du Comité national contre les maladies respiratoires.
Enfin, le niveau d'information des Français interrogés laisse aussi à désirer : 60 % disent ne pas savoir ce qu'est une maladie respiratoire, 54 % ne connaissent pas les symptômes, et 58 % ne savent pas quels sont les examens médicaux pour les diagnostiquer. « Ce sont les chiffres les plus problématiques de l'étude », s'inquiète Adeline Merceron. Conséquence de cette méconnaissance, mais aussi de la difficulté d'accès aux médecins : la durée moyenne entre les premiers symptômes et le diagnostic d'une maladie respiratoire est de 10 mois.
Des propositions articulées autour de trois piliers
À partir des contributions recueillies via la consultation, les groupes de travail des États généraux ont abouti à un corpus de propositions rassemblées en trois piliers : prévenir et lutter contre les facteurs environnementaux, prendre en charge les maladies respiratoires tout au long de la vie, et lutter contre l’exclusion sociale et sanitaire sur l’ensemble du territoire.
Les groupes de travail demandent notamment aux candidats à l'élection présidentielle d'organiser, dans les 100 premiers jours de mandat, une Conférence nationale de santé environnementale et respiratoire afin de préparer un projet de loi-cadre. Ils suggèrent aussi de renforcer la communication médiatique sur l’ensemble des maladies concernées, assortie de messages ciblés sur les facteurs de risque environnementaux.
En ce qui concerne la prise en charge, le dépistage tout au long de la vie est une demande insistante des participants aux États généraux, de même que la construction de parcours de soins. Cela doit passer par la formation, l'équipement et le renforcement de la médecine scolaire et de la médecine du travail. Pour la Pr Dominique Israel-Biet, pneumologue (université de Paris), c'est aux agences régionales de santé (ARS) de « fournir les moyens de pérenniser les parcours de soins avec des moyens humains et financiers. Ces circuits ont été mis à mal par la crise sanitaire. »
Le financement de la recherche (notamment via la création d'un fonds de recherche en santé respiratoire public-privé abondé par les prélèvements de taxes sur les activités et industries polluantes) et l’accès aux thérapies innovantes sont également demandés avec insistance. « Il s'écoule en ce moment trois ou quatre ans entre l'octroi de l'AMM européenne et la mise à disposition sur le marché », fait remarquer le Pr Bruno Crestani de la Fondation du Souffle.
Les membres des États généraux demandent l'inclusion de la santé respiratoire dans le troisième cycle des études de médecine générale. « Il faut intégrer la question de l'environnement intérieur dans la formation médicale, martèle Philippe Camus. Cela fait 20 ans que je me penche sur la question, et je constate toujours qu'un pneumologue qui diagnostique un asthme ne se pose toujours jamais la question de l'air intérieur. »
Et d'illustrer ses propos : « Rien qu'en retirant les sols en PVC des habitations, on divise par deux le risque d'asthme des enfants en ne les exposant plus aux phtalates ». Le président de France BPCO, Philippe Poncet, a de son côté insisté sur le renforcement du nombre de conseillers médicaux en environnement intérieur.
Garantir l'accès aux droits
Enfin, afin de lutter contre l’exclusion sociale et sanitaire, il est demandé de garantir la reconnaissance du handicap respiratoire et l’accès aux droits et prestations adaptées aux malades respiratoires, ainsi que le soutien de l’inclusion des malades respiratoires en établissements scolaires et dans la vie professionnelle.
La présidente de l'association des déficitaires en alpha-1 antitrypsine (ADAAT), Sandrine Lefrancois, estime que l'intégration des patients passera par l'évolution des maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH). « Il faut une harmonisation nationale des droits et une individualisation de l'évaluation des patients pour l'accès à ces droits, indique-t-elle. Et si l'on augmente le dépistage, on augmentera le nombre de patients, et les MDPH auront besoin de plus en plus de moyens. »
*Étude réalisée auprès d’un échantillon de 1 012 personnes représentatives de la population française du 6 au 7 juillet 2021. L’échantillon a été interrogé par internet via le panel en ligne d’Ipsos. La représentativité de l’échantillon est assurée par la méthode des quotas, appliquée au sexe, à l’âge, à la profession de l’interviewé, à la région et à la catégorie d’agglomération.
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