Une série de 13 malades atteints de lésions des voies aériennes ont bénéficié entre 2009 et 2017 d'une greffe de tissus aortique en remplacement des voies aériennes, de la trachée ou des bronches. Sur ces 13 patients, 12 ont survécu et sont désormais considérés comme guéris. Cette première mondiale est française, puisqu'elle a été réalisée dans le service de chirurgie thoracique et vasculaire de l'hôpital universitaire Avicenne (AP-HP), dirigé par le Pr Emmanuel Martinod, en partenariat avec l'unité de recherche clinique de l'hôpital Lariboisière dirigée par le Pr Éric Vicaut. Les résultats, publiés dans le « JAMA », ont été présentés au congrès de l'American Thoracic Society de San Diego.
Les interventions, se décomposaient en 2 parties : l'ablation de la lésion par des méthodes chirurgicales classiques suivies d'une reconstruction des voies respiratoires à partir d'une allogreffe aortique cryopréservée à - 80 °C. La forme de la section d'aorte greffée est maintenue par un stent jusqu'à la repousse de cartilages et la recolonisation par l'épithélium du patient. Une grande partie des patients étaient atteints de lésions cancéreuses mais d'autres étiologies étaient représentées comme l'œdème du larynx suite à une thyroïdectomie. « Le point commun de tous ces patients, c'est l'impasse thérapeutique », explique le Pr Martinod au « Quotidien ».
10 ans de recherches
Cette technique a permis d'éviter l'ablation complète du poumon chez plusieurs patients qui souffraient de lésions bronchiques évoluées. Le concept est né en 1997, dans les laboratoires de la Fondation Alain Carpentier. Une série de 7 études précliniques avaient alors montré chez le mouton qu'une greffe allogénique de tissus aortique pouvait servir de trachée de remplacement. « Cela fait vingt ans que nous attendons une publication dans une revue aussi importante » que le « JAMA » se réjouit le Pr Martinod. Malgré plusieurs cas pionniers, la technique de greffe de trachée suscitait jusqu'à présent la méfiance au sein de la communauté scientifique, « en grande partie à cause du scandale de l'institut Karolinska », explique le Pr Martinod.
Une des particularités de cette approche est qu'il n'est pas nécessaire de soumettre le patient à une immunosuppression. Les auteurs de l'étude précisent même que les greffons n'ont pas été attribués en fonction de la compatibilité ABO ou HLA. « Les greffons aortiques sont utilisés depuis longtemps en chirurgie vasculaire et génèrent très peu de réactions immunologiques, précise le Pr Martinod. On se demande d'ailleurs si la faible réaction immunitaire ne participe pas à la réparation. »
Originellement, 20 patients avaient été recrutés dans cet essai monocentrique. Cinq ont bénéficié d'une transplantation trachéale, un seul d'une transplantation de la carène et 7 des bronches souches. Les 7 derniers ont été traités de manière conventionnelle car ils étaient non éligibles à la greffe : contre-indication médicale ou pneumonectomie inévitables. La technique chirurgicale en elle-même est « un peu particulière », reconnaît le Pr Martinod qui a opéré lui-même les 13 patients de l'étude, « mais une de ces forces est qu'elle est facile à apprendre pour un bon chirurgien ».
Une mortalité moindre qu'après une pneumonectomie
Un seul patient est décédé au cours des 90 jours qui ont suivi l'opération, soit 5 % des 20 patients inclus dans l'étude et 7,7 % des 13 patients opérés. Ces taux de mortalité sont à comparer à ceux des études rétrospectives sur les pneumonectomies (procédures évitées par cette nouvelle technique de greffe) : entre 10,5 et 26 %, selon les études.
Aucune complication grave liée au greffon ou au stent n'a été relevée au cours de cette même période. Néanmoins, des œdèmes et des syndromes de détresses respiratoires ont été notés chez 4 patients, soit 30,8 % des patients opérés. Au bout de 3 ans et 11 mois de suivi médian, 10 des 13 patients opérés étaient toujours vivants, dont 8 respiraient normalement. Le stent a pu être retiré chez 9 patients au bout d'une durée médiane de 18,2 mois. « Il y a des extrêmes, précise le Pr Martinod. Le stent a pu être retiré au bout de 5 mois chez un patient, et 39 mois chez un autre. Il y a une très grande variabilité que l'on n’explique pas encore complètement. »
Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour s'assurer de la sécurité et de l'efficacité de cette nouvelle approche. « Nous avons déposé une demande de programme hospitalier de recherche clinique pour faire de nouvelles études, et notamment des essais randomisés, détaille le Pr Martinod. Nous allons comparer notre technique avec la pneumonectomie, un traitement palliatif ou l'association de radiothérapie et de chimiothérapie selon le type et la localisation des lésions. »
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