L’injonction de soins a été instaurée par la loi du 17 juin 1998 sur le suivi sociojudiciaire (SSJ) et concernait alors un nombre limité d’infractions (à caractère sexuel, meurtres et assassinats avec torture ou actes de barbarie). Depuis, son champ d’application s’est élargi : elle reste « automatique » dans le SSJ (sauf si la juridiction de jugement l’exclut expressément), mais le SSJ est encouru pour de nombreuses autres infractions (la plupart des violences, les destructions par moyens dangereux, les violences par concubins…) et l’IS peut être prononcée en dehors du SSJ : dans la surveillance de sûreté, la libération conditionnelle, la surveillance judiciaire et la rétention de sûreté. En pratique, l’IS est prononcée par les juridictions de jugement ou par le juge de l’application des peines dans le cadre de l’aménagement de peines. Elle peut être prononcée pour une durée de 10 voire 20 ans pour les délits et de 20 voire 30 ans ou perpétuité pour les crimes.
Pour qu’elle soit prononcée, une expertise psychiatrique a dû conclure à sa nécessité ; et au cours de son exécution, elle implique un médecin coordonnateur, interface entre justice et psychiatrie.
En 2009, 362 mesures d’IS ont été prononcées et en 2010, 90 % des 4 276 J en cours comportaient une IS. Les condamnations à un SSJ ont progressé de 506 % entre 200 et 2009.
L’obligation de soins est quant à elle prévue par les articles 132-45 du code pénal et 138-10 du code de procédure pénale et impose à une personne de « se soumettre à des mesures d’examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l’hospitalisation ». Elle ne requiert aucune procédure particulière : ni l’expertise psychiatrique préalable, ni la coordination spécifique entre système judiciaire et médical ne sont nécessaires. L’OS peut être prononcée à n’importe quelle phase de la procédure, en présentencieux (contrôle judiciaire), lors de l’audience de jugement ou en post-sentenciel (juge de l’application des peines).
Les OS sont aussi en augmentation et on estime que 20 000 mesures sont prononcées chaque année, ce qui en fait la mesure de SPO la plus fréquente.
En outre, OS et IS sont particulièrement actuelles puisqu’elles peuvent dorénavant être contenues dans la contrainte pénale, créée par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines.
Neutralisation préventive des sujets dangereux
L’entrée dans les soins psychiatriques contrainte par la justice peut permettre à certains d’amorcer un travail psychothérapique. Toutefois, l’absence d’indication médicale des OS par un expert affaiblit leur pertinence.
De plus, aucune étude sérieuse sur ces pratiques n’a été menée ; leur expansion ne repose donc pas sur une évaluation objective de leur efficacité. Cette inflation se heurte à la démographie problématique des psychiatres et aux carences de la formation médicolégale des professionnels de la santé mentale.
Pour le législateur, l’objectif des SPO est la prévention de la récidive. Ainsi, ils ne sont pas tant prononcés eu égard aux troubles du sujet ou à ses potentialités d’évolution qu’à la nature de l’infraction et aux circonstances dans lesquelles elle est commise. Le psychiatre est donc amené à rencontrer un sujet non pas pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il a commis. Un « principe de précaution » s’applique alors, où l’objectif devient la neutralisation préventive des sujets dangereux. Les psychiatres peuvent donc s’interroger sur leur place dans ce dispositif.
Si les SPO sont nécessaires à certains auteurs d’infractions, il importe de mieux en évaluer l’efficacité et d’en affiner les indications. Une articulation plus fluide entre justice, santé et social (à travers notamment les services pénitentiaires d’insertion et de probation), à l’instar d’expériences locales, optimisera la pertinence de ces soins en plein essor.
*Psychiatre, Le Mans ; **magistrate, vice-président à l’application des peines du TGI du Mans
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