Cela aurait pu être le match de sa vie. Ce lundi 23 mai 1983 au 2e tour de Roland Garros, le voilà pour la première fois face au tenant du titre, le Suédois Mats Wilander. À l’époque n° 13 français et 170e mondial, Christophe Bernelle se réjouit de ce combat et croit dur comme fer à la victoire. Mais mal préparé mentalement, il avoue avoir ressenti en pénétrant sur le court une sensation inconnue jusqu’alors : cette peur extrême avec un bras qui tremblait si fort au point qu’il avait le sentiment que tous les spectateurs s’en rendaient compte. Résultat : un match raté sans qu’il ait pu vraiment se libérer.
Ce match-là aura agi comme un déclencheur pour le futur Dr Bernelle, qui avait connu jusque-là le parcours sans faute d’un jeune prodige de la raquette. Dix ans plus tôt, il dispute son premier tournoi de tennis à l’âge de 10 ans, et remporte, cette année-là, toutes les épreuves auxquelles il participe. Trois ans plus tard à 13 ans, le revoilà champion d’Île de France. Il gagnera ensuite quelques tournois ATP, et à 19 ans, il remporte le circuit satellite au Portugal : avec à la clé, un grand bond au classement, qui le placera dans l’élite mondiale.
Un des sports les plus durs psychologiquement
Cette arrivée dans la cour des grands lui fera prendre conscience de l’importance du mental dans la carrière d’un sportif de haut niveau, particulièrement dans le tennis, un des sports les plus durs psychologiquement, selon lui. Un peu plus tard, alors qu’il participe à un tournoi en Italie, il tombe sur le livre du psychiatre américain Alexander Lowen. Dans « La bioénergie », l’auteur critique notamment la mentalité du « toujours plus » régnant aux États-Unis. Une lecture, qui en entraînera d’autres et le fera réfléchir sur son avenir.
Sera-t-il vraiment heureux dans cette vie de joueur professionnel ? « Très sérieux, voulant toujours faire tout bien, je cherchais à me détendre et rêvais de vivre un peu comme tout le monde et d’avoir une famille et des amis. » Un changement de cap se dessinait. Avec un projet de vie teinté d’une dose d’idéalisme : « Je voulais aussi aider les gens et j’avais l’impression qu’en devenant psychiatre, j’allais changer le monde. Que j’allais soigner par exemple les chefs d’entreprise et que tout irait mieux pour les employés et le monde entier… »
Fin de sa carrière de jeune pro. Il entame donc des études de médecine, et choisira la psychiatrie pour spécialité. Pendant 13 ans, il aura son propre cabinet pour adultes et enfants, tout en travaillant au sein d’un CMPP. De cette expérience il garde la conviction que le plus dur, ce sont les premières consultations. « Au début, on ne connaît pas le patient et il n’a pas une grande confiance en vous. S’il est vraiment très mal, très déprimé, il existe un risque que les choses tournent mal. Alors que si cela fait 6 mois que l’on travaille ensemble, une confiance s’est instaurée. Le patient sait qu’il peut vous appeler s’il ne va pas bien, rajouter une séance. Et de ce fait, les risques diminuent beaucoup. »
Le rôle du thérapeute et celui de l’éducateur sportif
Prendre du temps, aider le patient à cheminer et à comprendre son fonctionnement… « Le principe de la psychanalyse c’est d’arriver à ce que le patient se confie totalement sur n’importe quel sujet, se laisse aller à ses émotions, ce qui n’est pas simple. Mais s’il y arrive, il va dénouer des nœuds et ressentir un gain d’énergie. Dans ce but, il est préférable que le thérapeute possède un diplôme d’Etat et ait fait une analyse personnelle. Le Dr Bernelle insiste aussi sur la dimension éthique de la fonction : « ne pas faire en sorte que les consultations s’éternisent mais au contraire souhaiter que le patient aille de mieux en mieux, devienne autonome et libre afin de mettre un terme aux soins. Le thérapeute doit être content de lui dire oui. Si un patient a envie de stopper, il ne doit pas avoir peur d’en parler… »
Chargé par la suite de la direction d’un 2e CMPP à mi-temps pour enfants et ados, il fermera son cabinet, travaillant alors en équipe avec psychologues et orthophonistes notamment. Un conflit au sein du personnel ? Il faisait en sorte de le régler, l’important pour lui étant que chacun vienne travailler avec plaisir. Responsable d’environ 600 enfants par an, il oubliait un peu ceux qui allaient bien pour se préoccuper essentiellement des cas compliqués. « On réunissait tous les cerveaux afin de faire au mieux. Mais il faut savoir que, si un enfant va mal, ce n’est pas forcément parce que l’on a fait une erreur, même si cela peut arriver. Par exemple si l’on n’a pas hospitalisé suffisamment tôt un ado et qu’il fait une tentative de suicide… »
La tête, mais aussi le corps… Avec pour lui un leitmotiv, lorsque les parents lui disaient qu’ils avaient puni leur enfant en le privant de foot. « Je leur disais : "Si vous voulez le punir, privez-le de consoles, mais pas de sport". Le sport va l’aider à se détendre, à comprendre aussi les règles, » expliquait alors l’ancien sportif. Devenu thérapeute, il martèle : « Je crois énormément au sport sur le plan éducatif et apprentissage au niveau corporel, psychologique et connaissance de soi. »
Dédramatiser la défaite
Pour ce médecin « très investi dans son travail, très ouvert aux autres, profondément gentil et toujours positif », selon la joueuse, Gail Lovéra (ex n° 1 française et 11e mondiale), la préparation mentale d’un joueur professionnel n’est pas assez développée en France. Pour lui, le tennis est avant tout un jeu et quel que soit le niveau de pratique, il s’agit donc d’abord de prendre du plaisir, et d’être le plus heureux possible sur un court. Mais le désir de la victoire à tout prix lui semble dangereux, car il peut parfois engendrer des comportements d’anti-jeu, avec un non-respect de l’adversaire, voir de la tricherie. « On ne joue jamais sa vie quelle que soit l’importance du match. Il faut dédramatiser la défaite sans perdre son enthousiasme. » À ses yeux, il importe que les entraîneurs apprennent à leurs élèves la bonne éducation, le plus tôt possible afin qu’ils assimilent le bon état d’esprit et ne perdent pas de vue l’essentiel. Que chaque point perdu soit bien analysé afin de corriger « le tir » pour le point suivant. Et que le joueur devienne un ami pour lui-même, et même son premier supporter sur et en dehors du court.
Christophe Bernelle, « intelligent, humble, joyeux », d’après les dires d’un ancien ami de longue date également joueur de tennis professionnel Tarik Benhabilès ‘(ex n° 22) , estime que le tennis de compétition tout en restant un jeu, s’il est bien utilisé, peut se révéler être une clé pour mieux vivre sa vie et acquérir une meilleure connaissance de soi. Mais attention à la « prise de tête ». « Il est bon, conclut-il, d’avoir constamment en tête cette phrase d’Epictète sur le travail sans fin pour devenir un sage, un maître du tennis : "Je ne suis qu’un esclave en voie de libération" ». Le plus « sage » de tous les joueurs actuels selon lui ? Nadal, avec sa devise : humilité, passion, travail.
Exergue :
Supporter
Pour lui, le tennis est avant tout un jeu et quel que soit le niveau de pratique, il s’agit donc d’abord de prendre du plaisir, et d’être le plus heureux possible sur un court. Le désir de la victoire à tout prix lui semble dangereux : « On ne joue jamais sa vie quelle que soit l’importance du match. Il faut dédramatiser la défaite sans perdre son enthousiasme, » explique-t-il. À ses yeux, il importe que les entraîneurs apprennent à leurs élèves le bon état d’esprit et ne perdent pas de vue l’essentiel. Que chaque point perdu soit bien analysé afin de corriger « le tir » pour le point suivant. Afin que le joueur devienne un ami pour lui-même, et même son premier supporter sur et en dehors du court.
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