Comment la guerre affecte-t-elle le développement et la santé des enfants et des adolescents ? Si l’exposition à un conflit armé est associée à une dégradation de la santé mentale, peu de d’études se sont intéressées aux changements biologiques au niveau de l'ADN. Les rares travaux sur l’effet d’une exposition à la guerre sur la méthylation de l’ADN portaient sur des militaires.
Pour comprendre ce qui se joue chez les plus jeunes et les potentielles conséquences à long terme, des chercheurs de l’université de Surrey* au Royaume-Uni ont exploré les différences de méthylation de l'ADN salivaire associées à l'exposition à la guerre chez les enfants et les adolescents réfugiés. Leur étude est publiée dans Jama Psychiatry.
Des mécanismes biologiques sous-jacents
Leur étude de cohorte a porté sur 1 507 enfants et adolescents réfugiés syriens, âgés de 6 à 19 ans, vivant dans des campements informels au Liban (âge moyen de 11,3 ans ; 52,6 % de filles). L’équipe a collecté des échantillons de salive pour analyser la méthylation de l'ADN, auprès de 1 449 enfants la première année et de 872 la deuxième. Des questionnaires, remplis par les enfants et leurs proches, ont été utilisés pour mesurer l'exposition individuelle aux événements liés à la guerre. « Bien qu'il soit de notoriété publique que la guerre a un impact négatif sur la santé mentale des enfants, notre étude a mis en évidence les mécanismes biologiques sous-jacents à cet effet », résume Michael Pluess, professeur de psychologie à l’université de Surrey, auteur principal de l'étude.
Les enfants exposés présentaient ainsi des modifications de l’ADN sur plusieurs sites et régions du génome, variables selon le type d’exposition (bombardements, violences subies par un proche…). Certaines de ces modifications étaient liées à des gènes impliqués dans des fonctions critiques : le transport transmembranaire chez les sujets soumis à une exposition totale à la guerre ; la dégradation des protéines chez ceux ayant subi un bombardement ; la neurotransmission et le transport intracellulaire chez ceux ayant connu des violences envers un proche. Ces modifications spécifiques ne sont pas connues pour être présentes dans d’autres formes de traumatisme, relèvent les auteurs.
Les analyses stratifiées ont également révélé un certain nombre de différences de méthylation de l'ADN spécifiques au sexe associées à l'exposition à la guerre. Les filles ont présenté une réponse biologique plus forte en particulier dans les gènes liés à la réponse au stress et au développement du cerveau. Ces résultats suggèrent qu’elles pourraient être plus vulnérables aux effets à long terme des traumatismes au niveau moléculaire.
Un vieillissement épigénétique plus lent
« Nous avons également constaté que la guerre est liée à un vieillissement épigénétique plus lent, ce qui pourrait signifier que la guerre pourrait avoir un impact sur le développement des enfants », poursuit Michael Pluess. En s’appuyant sur l'horloge multitissulaire de Horvath, les chercheurs ont en effet constaté que toutes les formes d’exposition à la guerre ou aux bombardements étaient associées à une diminution de l'âge épigénétique.
« Dans l'ensemble, notre étude dresse un tableau plus clair du coût tragique de la guerre, au-delà du stress mental, pour les millions d'enfants pris au milieu de celle-ci », souligne Michael Pluess.
* en collaboration avec l’University College London, l’Institute for Development, Research, Advocacy and Applied Care du Liban, l’Université St Georges du Liban et une ONG internationale de premier plan.
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