LES TROUBLES émotionnels à l’origine de la phobie scolaire sont variés. Comme le rappelle Marie-France Le Heuzey (hôpital Robert-Debré), spécialiste de cette question*, les refus d’école répondent à des mécanismes complexes et recouvrent de nombreuses situations de souffrance personnelle ou familiale. « On aimerait bien qu’il n’y ait qu’une seule raison à l’absentéisme scolaire. Mais puisque ce n’est pas le cas, le médecin doit clarifier les choses. C’est comme dans les années soixante lorsqu’on diagnostiquait de l’anémie : ce constat regroupait en fait des situations tout à fait différentes », commente le psychiatre Alain Braconnier (centre Alfred Binet, à Paris), modérateur de la table ronde. Face à des absences « inexcusables » (en dehors, par exemple, d’une maladie somatique déterminée), il est par conséquent nécessaire de « chercher le diagnostic qui sous-tend le refus scolaire ».
Les troubles du comportement en milieu scolaire peuvent arriver à tout âge mais ils n’ont ni la même signification, ni la même incidence selon l’âge et le développement affectif. Chez les jeunes, le début peut être brutal, tandis que chez l’enfant plus âgé ou l’adolescent, il est souvent progressif. Il faut se méfier (et donc être vigilant sur les demandes d’arrêt de scolarité) de l’absentéisme, qui se manifeste d’abord de manière « ponctuelle et sporadique », prévient Marie-France Le Heuzey. Le jeune ne veut plus assister à un cours en particulier, la gymnastique par exemple, prétextant un surpoids ou des douleurs abdominales, des céphalées, des palpitations. Ensuite, il y a des absences périodiques ou des heures de cours de manquées au milieu de la journée. Le stade suivant est l’absence totale pendant un temps continu jusqu’à l’absentéisme complet.
« Les symptômes cessent dès que l’enfant est autorisé à rester chez lui », indique la psychologue. L’enfant garde sa motivation scolaire et poursuit une vie sociale en dehors de l’école. Au départ, « l’enfant s’organise une vie, parfois très confortable, avec cours par correspondance (et même professeurs à domicile), télévision, ordinateur, et consoles de jeux dans la chambre, visites des copains, et sorties avec la famille ». Cette apparente réadaptation au travail scolaire, rassurante pour les parents, « retarde la décision de la première consultation », regrette Marie-France Le Heuzey. Car la situation se dégrade, le travail à la maison devient plus aléatoire, avec la concurrence de la télévision et des jeux vidéos.
Pour le pédopsychiatre Yannick François (Centre Alfred Binet), les troubles du comportement et l’échec scolaire qui les accompagne font entrer l’enfant dans le cercle vicieux de l’échec, ce qui rend encore plus difficile d’isoler un éventuel facteur déclenchant : anxiété de séparation, anxiété généralisée, anxiété de performance, trouble obsessionnel compulsif, etc. Parmi ces différents troubles, les signes dépressifs sont souvent surestimés, fait remarquer le Dr François. « Pourtant, la dépression de l’enfant correspond à une fréquence estimée autour de 20 % des consultations de psychiatrie de l’enfant. Son apparition est fréquemment en lien avec un événement ayant affecté l’enfant, en particulier une perte ou une séparation », note le médecin, qui souligne que plus l’enfant est jeune, plus « on s’éloigne des signes décrits chez l’adulte : symptômes moins caractéristiques et même fréquemment paradoxaux ». Face à une souffrance dépressive, la psychothérapie occupe la première place, le traitement médicamenteux n’ayant que peu d’indication avant 12 ans, ajoute le médecin.
Une alliance.
À l’hôpital Robert Debré, où des jeunes sont hospitalisés dans l’unité de pédopsychiatrie, l’équipe d’enseignants hospitaliers travaille, parallèlement à la prise en charge thérapeutique, au retour progressif à l’école. La prise en charge du refus scolaire est envisagée sous l’angle « d’une alliance entre l’enfant, l’équipe médicale, l’équipe pédagogique de l’école et les parents », insiste Marie-France Le Heuzey, qui se félicite de la toute récente création d’une association de parents : l’Association phobie scolaire (phobie-scolaire.wifeo.com). La réinsertion scolaire se fait d’autant plus rapidement que l’épisode de déscolarisation a été de courte durée.
Sans cette prise en charge multidisciplinaire, le pronostic n’est, en général, pas bon : à l’âge adulte, un tiers de ces enfants ont encore des diagnostics psychiatriques. « Mais, c’est un peu comme pour la grippe, nous ignorons pas mal de choses sur l’évolution des troubles, reconnaît humblement le Pr Alain Braconnier. C’est une marque de méconnaissance mais aussi d’espoir. Notre souci est d’accompagner le mieux possible ces enfants, sans déterminisme. »
*« Phobie scolaire », Marie-France Le Heuzey et Marie-Christine Mouren, Paris 2008, éditions Josette Lyon.
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