ALORS QUE les messages officiels se multiplient pour limiter l’utilisation des benzodiazépines (BZD) il est évident qu’elles sont toujours largement prescrites. Pour le Pr Walter cela s’explique tout simplement par leur efficacité anxiolytique rapide et largement démontrée par une abondante littérature internationale. De plus, les BZD ne sont pas toxiques, offrant une large fenêtre thérapeutique et ils n’exposent pas à des interactions médicamenteuses, à l’exception (notable) des sédatifs du système nerveux central.
D’autres anxiolytiques rapides sont bien proposés, mais force est de constater qu’ils n’apportent pas les mêmes preuves d’efficacité (certains ont, d’ailleurs, été déremboursés, ce qui ne facilite pas leur utilisation). Leur principal atout vient d’une pharmacovigilance plutôt favorable. Quant aux neuroleptiques ils sont à réserver, selon le Pr Walter, aux angoisses des psychotiques et sont également utiles chez les toxicomanes. Enfin, toujours pour le Pr Walter, les carbamates et les barbituriques sont à proscrire.
Indications, non-indications et contre-indication.
Cela dit, il reste à respecter les indications des BZD et à s’imposer des durées limites de prescription : les états d’anxiété aigus et les crises de panique justifient un traitement symptomatique à court terme. On peut également prescrire des BZD dans les troubles anxieux sévères, invalidants ou résistants (anxiété généralisée, trouble panique), à la condition de s’imposer une réévaluation de la prescription, sans dépasser 4 semaines pour les hypnotiques et 12 semaines pour les anxiolytiques : « L’important étant de ne pas différer le passage à un traitement de fond (antidépresseurs, psychothérapies) en s’engageant dans une prescription chronique de BZD ». Cet exemple illustre la nécessité de bien séparer les molécules qui, comme les BZD, ont une activité anxiolytique rapide et celles qui ont un mode d’action progressif (antidépresseurs inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) ou tricycliques, buspirone, agonistes GABA (prégabaline) et neuroleptiques atypiques comme la quétiapine). En pratique, c’est bien les places respectives des BZD et des antidépresseurs qui posent problème, d’autant que la plupart de ces derniers ont obtenu des AMM dans le champ des troubles anxieux [trouble anxieux généralisé (TAG), troubles panique, troubles occasionnels compulsifs (TOC), phobie sociale)], pour le Pr Walter, les BZD ont pour elles leur rapidité d’action sur les troubles aigus alors que les antidépresseurs s’adressent à des troubles plus structurés avec parfois une période de recouvrement des deux traitements.
Dans la dépression, l’association de BZD aux antidépresseurs ne doit pas être systématique, mais elle se justifie en cas d’anxiété importante ou d’insomnie (2 à 4 semaines). À la surprise des généralistes présents, le Pr Walter déclare que les BZD ne préviennent pas les passages à l’acte, « la solution étant l’hospitalisation, ou du moins un accompagnement vigilant ».
À côté des indications des BZD, il faut donc connaître leurs non-indications, « n’étant pas un traitement de l’impulsivité, comme on vient de le voir, les BZD ne sont pas indiquées chez les personnes bordeline et/ou impulsives ». Par ailleurs, on a montré que dans les états de stress aigus liés à des traumatismes majeurs les BZD favorisent le développement d’un trouble chronique (la majorité des auteurs préconisent les bêtabloquants). Enfin, il faut respecter les contre-indications absolues des BZD (insuffisance respiratoire avancée, apnées du sommeil, myasthénie) et respecter les précautions d’emploi, en particulier lors de la grossesse (première et même troisième trimestre) et chez la personne âgée (les BZD a demi-vie courte sont préconisées, les BZD à demi-vie longue pouvant être utilisées à demi-dose).
Dépendance : mieux vaut prévenir que guérir.
On l’a dit le problème posé est celui de la dépendance aux BZD (50 à 75 % des consommateurs réguliers depuis au moins 6 mois, même s’il existe une grande variabilité inter individuelle). Le mieux est incontestablement de prévenir cette dépendance en débutant par les doses les plus faibles possibles, en les augmentant progressivement si nécessaire, en réévaluant la prescription, en arrêtant le traitement de façon très progressive (et bien sûr en associant pas deux BZD).
Une fois la dépendance installée, les choses sont beaucoup plus compliquées. Mais il y a des cas où l’arrêt des BZD doit être tenté coûte que coûte (apparition d’une contre-indiction, sujet âgé). Comment arrêter un traitement pas les BZD ? D’une manière d’autant plus progressive que le traitement aura été long, en fractionnant les doses (la forme sirop pouvant être utile), en instaurant un suivi avec support psychologique, et en proposant une alternative thérapeutique : si besoin substitution par BZD à demi-vie longue (certaines études montrent qu’elles réduisent le risque addictif par un moindre effet rebond et qu’elles réduisent l’intensité des symptômes de sevrage), mise en place de techniques de relaxation ou de psychothérapie et, enfin, « couverture médicamenteuse » buspirone, antidépresseurs, carbamazépine). Mais il faut reconnaître que la tâche est difficile soulignent tous les participants, d’où l’importance d’une bonne prescription initiale.
Réunion organisée avec le soutien institutionnel des laboratoires Sigma-Tau.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024