L’adolescence est une période assez longue, comprise, selon l’Organisation mondiale de la santé entre les âges de 10 et 19 ans. La présentation clinique de la dépression et la réponse aux traitements médicamenteux varient en fonction de l’âge. Plus l’enfant est jeune, plus le poids environnemental est important et il faut ainsi rechercher les facteurs pouvant être impliqués : psychopathologie parentale, antécédents familiaux, discontinuité du lien ou de la fonction parentale, maladies chroniques, difficultés scolaires, troubles des apprentissages… Chez l’adolescent, le risque suicidaire est majeur et important à rechercher.
La prise en charge thérapeutique est double, psychothérapeutique -qu’il s’agisse d’une psychothérapie dynamique d’inspiration analytique ou d’une thérapie cognitive et comportementale - et pharmacologique.
« Toutes les études montrent que la psychothérapie doit rester le traitement de première intention chez l’adolescent, sauf cas particuliers où un traitement médicamenteux peut être envisagé d’emblée », rappelle le Dr Angèle Consoli.
Depuis la controverse sur les passages à l’acte suicidaire sous traitement antidépresseur de type inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) et les prises de position du Royal College au Royaume-Uni, puis de la Food and Drug administration et de l’Agence européenne du médicament, une certaine prudence s’impose dans le recours aux IRS, notamment dans les formes légères à modérées de dépression chez l’adolescent. Un avis spécialisé est fortement recommandé dans tous les cas. Les études évaluant ces molécules ont mis en évidence un effet placebo très important dans cette pathologie chez le jeune, mais il peut être en partie expliqué par le bénéfice de la prise en charge psychothérapeutique associée.
« Parmi les études randomisées contrôlées en double aveugle versus placebo, la fluoxétine montre sa légère supériorité en terme d’efficacité. Le traitement médicamenteux doit être réservé aux formes sévères, résistantes avec idéations suicidaires ou en cas d’échec du traitement psychothérapeutique », indique le Dr Consoli, avant de préciser que les tricycliques n’ont pas fait la preuve de leur efficacité chez le sujet jeune.
« En raison du risque élevé de passage à l’acte dans les premières semaines de traitement, lié à la fois à la maladie dépressive et à la levée de l’inhibition avant l’obtention d’un effet thérapeutique sur les cognitions, il faut être très vigilant et ne pas hésiter à prescrire un anxiolytique ou un hypnotique en cas de troubles du sommeil ».
Antipsychotique ou hospitalisation
Il importe également de bien évaluer la psychopathologie de l’adolescent (sévérité, comorbidités, facteurs de stress). La dépression peut entrer dans le cadre d’un trouble bipolaire avec des conséquences sur la conduite du traitement médicamenteux. Le diagnostic de bipolarité peut être suspecté face à un ralentissement important, un début brutal, des antécédents familiaux, des signes psychotiques ou encore un virage de l’humeur sous antidépresseur.
Dans cette situation de dépression dans une maladie bipolaire, le traitement antidépresseur doit être prescrit à la plus petite dose possible et pour une durée la plus courte possible.
En cas de signes psychotiques, un antipsychotique peut être associé, là aussi avec prudence en raison des effets secondaires, plus sévères chez l’adolescent que chez l’adulte. Les effets secondaires neurologiques et métaboliques sont 2 à 3 fois plus fréquents chez l’adolescent que chez l’adulte. La prise de poids peut entraîner une des conséquences somatiques et une atteinte narcissique. L’apiprazole semble mieux toléré sur le plan métabolique.
Une hospitalisation peut être indiquée, en particulier en cas de sévérité de la symptomatologie, d’un risque suicidaire majeur ou d’un environnement familial pas assez soutenant.
Il faut également savoir discuter de façon collégiale une sismothérapie chez certains adolescents. Ce traitement a une très bonne efficacité dans les épisodes thymiques aigus sévères et résistants et est plutôt bien toléré par les patients.
Dans tous les cas, il faut faire une alliance avec l’adolescent et sa famille, avec des rencontres au moins hebdomadaires au début de la prise en charge lorsqu’elle est ambulatoire.
D’après un entretien avec le Dr Angèle Consoli, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris
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