La santé en librairie
COMME L’INTERNE passe de chambre en chambre et de service en service, Patricia Martel nous entraîne dans la vie quotidienne d’un jeune médecin, en consultation à domicile, au bord d’un lit ou d’un brancard, dans les couloirs sinistres des hôpitaux, sous le néon des salles de garde, au plus près des histoires de vie et de mort. Pour parler de ce choix de la médecine, de ses désillusions, des limites que ce métier fait découvrir en soi-même et de ce que l’on en fait pour pouvoir survivre à ce désenchantement. Ou pas.
Pour décrire le parcours solitaire d’un jeune praticien peu préparé à la violence de l’attaque du malheur quotidien, à la solitude face à l’animosité et à la malveillance, aux immenses responsabilités qui pèsent sur ses épaules, aux stratégies défensives très personnelles de bon nombre de soignants et à la mort tragique des autres. Cette « mort des autres à jour frisant, qui vous frappe de biais en vous effleurant ». Pour souligner aussi, la profondeur des échanges que le métier permet, la capacité d’un regard ou d’un simple dialogue à consoler de toutes les ingratitudes et difficultés d’une journée, de tous les efforts et sacrifices même librement consentis. Ce récit, intitulé roman, met en scène des personnages fictifs, véritable mosaïque, on l’aura compris, de sujets réellement croisés par cette jeune médecin et journaliste : du malade en fin de vie, qui préfère arrêter sa dernière chimiothérapie pour mieux goûter son Pétrus, au commercial qui finit par sérieusement craquer, en passant par les parents d’un petit garçon mourant d’une tumeur cérébrale, par ce grand gaillard tatoué battu par sa femme, et par bien d’autres, soignants ou malades, tout aussi authentiques.
S’il est dit en préambule que « toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé serait fortuite, etc. », chacun y reconnaîtra des patients déjà entrevus en chair et en os, croisera des regards familiers, retrouvera les bruits, les odeurs et les sensations maintes fois éprouvées, du harassement que produit la sonnerie du téléphone dans la chambre de garde au parfum de maladie qui vous colle à la peau les lendemains de garde en passant par l’irritation produite par des collègues revêches. Sans oublier les dérisoires conversations sur les RTT ou les horrifiants débats sur la gestion comptable des soins.
Dans la fosse aux lions.
Le bon petit soldat Martel a non seulement eu bien du courage dans la tempête pour tenter de survivre et pour retourner « chaque jour jouer des coudes dans la fosse aux lions » mais aussi un grand sens de l’observation, du détail qui tue, beaucoup d’humour et d’autodérision. C’est aussi là que réside la force de cette fiction autobiographique : transcrire avec justesse la réalité sensible et fragile de la vie des humains malades, leurs contradictions, leurs défauts et leur grandeur, celle de ceux qui les soignent avec plus ou moins de force, de sincérité et de bienveillance sans morale, sans pathos mais pas sans prise de parti. Il n’empêche, le « petit sauveur » a peu à peu senti que l’énergie n’y était plus et, à l’image du moteur de sa voiture de remplaçante rendant l’âme sur une route pluvieuse au moment le plus inopportun, a explosé brutalement devant un « usager mécontent » et un peu trop ingrat . « J’ai su me contenir jusqu’au bout, je suis restée très polie. C’est peut-être parce que j’ai contenu ma colère que je n’ai pas su contenir mes larmes. On ne pouvait pas tout contenir à la fois. Quoiqu’il en soit, c’est à ce moment que la durite a vraiment lâché. C’est là que je me suis effondrée. Que j’ai jeté ma blouse, mon stéthoscope et tout mon attirail de médecin ; que j’ai tout laissé tomber (…) J’étais un être humain limité et j’allais devoir l’accepter. »
Petite musique singulière et très personnelle qui sonnera pourtant familièrement à bien des oreilles et que l’on a hâte t’entendre dans d’autres occasions.
Patricia Martel, « Burn out », Atlantica, 185 p., 17 euros.
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