« Singe congolais », « négresse », « ministre bonga-bonga » Lorsque Cécile Kyenge se présente pour la première fois devant le parlement italien pour détailler son programme contre le racisme à l’échelle nationale, les députés de la Ligue, un parti xénophobe et populiste, lui lancent une pelletée d’insultes racistes.
Durant sa carrière politique, l’ex-ministre de l’Intégration nommée en 2013 par le président du Conseil, le démocrate Enrico Letta, a été victime de nombreuses attaques e ce genre. Sa nationalité italienne est remise en question, sa nomination qualifiée de « grande connerie » car elle est « une étrangère qui doit rester chez elle au Congo ». Roberto Calderoli, ex-ministre de la Simplification des lois du gouvernement de Silvio Berlusconi et ex vice-président du Sénat, la comparera même à un orang-outan. Il paraît qu’il lui aurait envoyé des fleurs pour s’excuser avant de finir devant les tribunaux pour incitation à la haine.
Durant un meeting, des sympathisants de Forza Nuova, une formation néofasciste, lui lancent des bananes après avoir déposé sur le trottoir des mannequins recouverts de faux sang pour protester contre son projet de loi sur l’adoption du droit du sol en Italie. Pire encore, une élue provinciale de la Ligue lance contre elle un appel au viol sur sa page Facebook. Profondément humiliée, Cécilia Kyenge dira : « tous ces mots, ces pages m’attristent parce qu’ils donnent une mauvaise image de l’Italie ». Mais elle ne jettera pas l’éponge et continuera à se battre pour les droits des migrants.
Ce qu’elle fait encore aujourd’hui mais d’une autre façon car lorsque le coronavirus est arrivé en Italie en février 2020, Cécile Kyenge a décidé de jeter sa toge politique aux orties et de reprendre son stéthoscope. « Le coronavirus m’a permis de regarder la vie et les choses avec un autre regard ».
L’aventure bruxelloise
Toute petite déjà, la future ministre voulait devenir médecin. « Je voulais aider les gens, être au service des plus faibles, c’était pour moi une nécessité ». En 1983 à l’âge de 18 ans, elle quitte le Congo et part pour l’Italie où elle s’inscrit à l’université catholique de Rome en médecine. « À l’époque, les étrangers n’étaient pas nombreux, au départ, je voulais me diplômer puis rentrer au pays » se souvient Cécile Kyenge. Après avoir terminé la première partie de ses études de médecine, elle s’inscrit à l’université de Modène (Emilie-Romagne), pour se spécialiser en ophtalmologie. Mais elle ne rentrera pas au Congo. D’abord à cause de l’instabilité politique et aussi, parce qu’elle a rencontré un jeune Italien qu’elle a décidé d’épouser.
Après trois enfants et des disputes — car Domenico Crispino qui ne partage pas ses idéaux politiques a rejoint la Ligue – le couple se sépare en 2019. Mais cela, c’était durant la deuxième vie de Cécilia Kyenge.
Avant, il y avait eu les batailles pour la défense des droits des migrants et la découverte de la politique au début des années 2000. À l’époque, la jeune femme qui avait tout juste 40 ans, choisit le camp des démocrates qui lui ouvriront plus tard les portes du parlement italien puis européen et aussi celle du gouvernement. Tout en faisant ses premiers pas dans l’univers très complexe de la politique italienne, Cécile Kyenge s’implique dans les associations de défense des immigrés. En 2002 par exemple, elle fonde l’association interculturelle DAWA qui a pour objectif l’intégration et la coopération entre l’Italie et le continent africain. En 2010, elle crée le comité du 1er mars dont elle devient la porte-parole et participe aussi à des projets de formation des professionnels de santé en Afrique.
Lorsque le gouvernement d’Enrico Letta tombe en 2014, la vie de Cécile Kyenge prend un nouveau tournant : elle est élue députée européenne et emménage à Bruxelles. En 2019, elle perd les élections européennes mais reste en Belgique pour s’occuper de politique de développement avec les hautes institutions européennes.
Le choc du Covid
Avec la pandémie, la vie de l’ex-ministre bascule à nouveau. « L’Italie a été le premier pays touché par la pandémie, cela a été un choc pour moi, c’était mon pays et je me suis demandé ce que je pouvais faire pour aider l’Italie et les Italiens ». À la télévision, les nouvelles étaient terribles se souvient Cécile Kyenge, on parlait beaucoup des médecins en retraite qui décidaient de rempiler pour aider le pays. « Je me réveillais le matin en me disant que je devais rentrer en Italie et recommencer à exercer ma profession de médecin, je voyais les images des camions militaires qui emmenaient les cadavres tourner en boucle sur toutes les chaînes de télévision, je ressentais une douleur immense ». Elle décide alors de refaire le chemin à l’envers et de rentrer en Italie.
Dès son arrivée à Rome, Cécilia Kyenge multiplie les demandes de postes. « J’ai reçu une proposition de la Vénétie, la région qui m’avait le plus attaquée du temps où j’étais ministre car il y a beaucoup de gens qui votent pour la Ligue là-bas ». Elle saute dans le premier train. Au départ, elle loge dans le seul hôtel ouvert et travaille plus de dix heures par jour. « Cela n’a pas été facile, les gens ne comprenaient pas comment une femme qui avait été ministre et députée européenne, pouvait prendre de tels risques ». Au fil de la pandémie, Cécile Kyenge se découvre une vocation de généraliste. « On est médecin même si on est spécialisé en ophtalmologie, cela n’a pas été facile mais j’ai appris le métier de généraliste en faisant du terrain pendant toute la pandémie ».
Aujourd’hui, l’Italie s’apprête à tourner la page sur la pandémie. Si tout va bien. Pour sa part, Cécile Kyenge a décidé de rester à Padoue en Vénétie où elle a ouvert un grand cabinet. « Je veux rester à l’écoute des gens, c’est ma façon de faire de la politique aujourd’hui, le coronavirus a créé des situations d’isolement qu’il faut casser, j’ai vu la solitude des gens âgés notamment, j’ai compris jusqu’où peut arriver la souffrance, c’est cela qui me pousser à aller de l’avant ».
Exergue : « Je me réveillais le matin en me disant que je devais rentrer en Italie exercer la médecine, je voyais les images des camions militaires qui emmenaient les cadavres sur toutes les chaines de télévision, je ressentais une douleur immense».
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