LE QUOTIDIEN : Pourquoi avoir mis en place l’étude Hard COVID, alors même que cette affection tend à devenir une pathologie, sinon chronique, du moins probablement saisonnière?
Pr Wissam El-Hage : Les personnels de santé hospitaliers ou travaillant en Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) impliqués dans l'épidémie de coronavirus sont confrontés à plusieurs défis : l'exposition directe et l'implication dans la résolution des urgences majeures de santé publique, l'exposition à une contamination potentiellement mortelle, l'épuisement physique, les organisations de travail non ajustées, le nombre inhabituel de décès parmi les patients, leurs collègues et leurs proches parents, et d’importants défis éthiques dans la prise de décision. Les données actuelles suggèrent que les professionnels de première ligne et ceux impliqués plus tardivement dans la prise en charge souffrent de différents types de détresse psychologique.
La traumatisation indirecte (stress traumatique secondaire) est variable selon le niveau d’exposition entre les personnels de première ligne ou les personnels des autres services hospitaliers et des EHPAD. C’est ce qui fait toute l'importance d'un dépistage précoce de la détresse psychologique en réponse à l'ampleur de la pandémie et de la mise à disposition d'interventions psychologiques aux prestataires de soins, comme l'EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), pour améliorer le bien-être psychologique des personnels de santé exposés au Covid-19.
Ce projet est à la fois une proposition d'intervention adaptée aux circonstances exceptionnelles de la crise et une étude de recherche. En tant que tel, il est conçu comme un essai au sein d'une cohorte.
Quels sont les objectifs de cette étude qui est encore en cours de recrutement ?
Avant tout, nous cherchons à constituer une cohorte de personnels de santé hospitaliers et de personnels de santé des Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) français impliqués dans les soins aux patients COVID-19. Dans cette cohorte, nous allons proposer un test de dépistage de masse auto-administré des troubles psychiatriques courants susceptibles de se produire dans ce contexte, et estimer la fréquence de survenue des symptômes psychologiques courants à court et à long terme (dépression, burnout, stress post-traumatique). Dans un deuxième temps, nous allons apprécier l’évolution durant un an des symptômes susmentionnés et tenter d’expliquer ces trajectoires. Nous avons aussi choisi d’évaluer, dans un essai contrôlé randomisé, l'efficacité de 12 séances d'une intervention thérapeutique spécifique associant «EMDR + soins habituels » par rapport aux « soins habituels » seuls chez les participants éligibles (ceux dépistés positifs pour des symptômes psychologiques).
Pourquoi avoir choisi l’EMDR comme approche du soin aux soignants ?
Le stress est une cause majeure de perte de productivité, de troubles du fonctionnement et de graves problèmes de santé tels que le trouble de stress post-traumatique, le trouble dépressif et l'épuisement professionnel. La désensibilisation et le retraitement des mouvements oculaires (EMDR) est un outil idéal permettant d'appliquer un plan de traitement complet à des souvenirs d'événements critiques afin d'éviter la réminiscence et de traiter les effets à long terme du stress. Des recherches récentes indiquent que l'EMDR - tout comme la thérapie comportementale cognitive - sont des approches thérapeutiques de choix dans le stress post-traumatique, l'épuisement professionnel et les symptômes dépressifs. Cependant, l'EMDR n'a jamais été testée à grande échelle dans le contexte d'une crise sanitaire majeure. Ainsi, ce protocole propose l'EMDR comme une intervention psychologique, visant à améliorer le bien-être psychologique des agents de santé exposés au Covid-19.
Où en êtes-vous des inclusions à ce jour ?
A ce jour 749 participants ont été inclus. Une EDMR a été proposée à 142 d’entre eux. Les inclusions se poursuivent avec un objectif de 3 000 personnels de santé. Tous les soignants, y compris ceux qui travaillent en EHPAD, peuvent s’inclure directement (https://cic-tours.fr/etude-hard-covid-19-recrutement-ehpad/, https://youtu.be/Ave01ZOYQ20), et s'il existe un besoin, 12 séances de suivi psychologique gratuites leur seront proposées.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024