1. Les phobies et leurs traitements
Toute phobie peut être définie comme une peur excessive et spécifique vis-à-vis d’un objet ou d’une situation qui, en eux-mêmes, ne représentent pas de danger réel. Selon le modèle cognitivocomportemental, les phobies s’installent par le biais d’un renforcement répondant de type pavlovien, associant « objet craint » et « détresse ». L’expérience faite par le patient de cette détresse fait naître d’une part un sentiment de peur, (anxiété anticipatoire à l’idée d’une nouvelle confrontation), et d’autre part un comportement d’évitement. Puis, par le biais d’un conditionnement opérant de type skinnerien, l’évitement renforce progressivement et maintient le sentiment de peur, et donc indirectement l’intensité de la détresse en cas de nouvelle confrontation.
Empêcher l’évitement
C’est sur la base de ce modèle qu’ont été développées les thérapies d’exposition. Celles-ci consistent, après une analyse fonctionnelle et une hiérarchisation des situations redoutées, à confronter le patient à ces situations (en commençant par la moins anxiogène) tout en empêchant la possibilité d’évitement [1]. L’angoisse, importante en début d’exposition, diminue progressivement en cours de séance (processus d’habituation). Lors des séances suivantes, le patient est de nouvel exposé à la même situation, et ce jusqu’à ce que l’angoisse ait totalement disparu. Alors seulement, le thérapeute propose de passer à la situation suivante, en respectant la hiérarchie établie par le patient lui-même. Et ainsi de suite.
Différents types d’exposition
Schématiquement, il existe deux types d’exposition : en imagination ou in vivo. En imagination, il est demandé au patient de se représenter mentalement la situation ou l’objet craint. Si cette technique a l’avantage de ne poser aucun problème pratique et d’être facilement acceptée par les patients, elle reste d’efficacité limitée, se heurtant notamment à la variabilité interindividuelle en termes de capacités d’imagerie mentale et au manque de contrôle du thérapeute sur les mécanismes d’évitement cognitif. L’exposition in vivo, quant à elle, semble très efficace, mais pose d’importants problèmes pratiques, évidents par exemple dans le cas d’une phobie de l’avion. Par ailleurs, elle est aussi beaucoup plus anxiogène, ce qui la rend moins acceptable.
2. La réalité virtuelle
L’idée de l’exposition en réalité virtuelle, ou in virtuo, est de cumuler les avantages des expositions in vivo et en imagination, tout en réduisant les inconvénients de chacune. La réalité virtuelle peut être définie comme une application permettant à l’utilisateur de naviguer et d’interagir en temps réel avec un environnement en trois dimensions généré par ordinateur. Ceci requiert généralement un visiocasque muni de deux écrans permettant une vision stéréoscopique, ainsi qu’un système émetteur-récepteur utilisé pour mesurer en temps réel les mouvements du patient et réactualiser en fonction les images du monde virtuel projetées dans le casque. L’ensemble de ce dispositif assure l’immersion du patient dans l’environnement virtuel.
La réalité virtuelle peut résoudre certains problèmes de l’exposition en imagination. En particulier, elle met sur un pied d’égalité les patients « bons » et « mauvais imageurs », la situation redoutée n’étant plus à imaginer mais directement projetée. La réalité virtuelle permet au thérapeute de maîtriser tous les facteurs de l’exposition, de simuler des situations rares et/ou dangereuses, et enfin de supprimer tout problème de confidentialité. Elle semble également beaucoup plus acceptable par les patients. Par exemple, dans une étude de Garcia-Palacios et al. [2], sur 162 patients présentant une phobie spécifique, plus de 80 % déclaraient préférer suivre une thérapie in virtuo plutôt qu’une thérapie in vivo, même lorsque cette dernière ne consistait qu’en une seule session contre plusieurs sessions in virtuo.
3. Études d’efficacité
Ces dernières années, plusieurs études de cas ont montré, sur la base de comparaisons avant et après traitement, que l’exposition in virtuo permettait une amélioration clinique des patients, notamment en cas d’acrophobie, d’arachnophobie, de phobie de l’avion, de claustrophobie, de phobie de la conduite ou encore de phobie sociale. Plusieurs études contrôlées comparant directement l’exposition in virtuo et l’exposition in vivo ont par ailleurs conclu à une efficacité comparable des deux méthodes, en particulier pour la phobie sociale [3], la phobie de l’avion [4,5] et l’acrophobie [6]. En ce qui concerne le trouble panique avec agoraphobie, deux études ont été publiées, suggérant également une efficacité des thérapies in virtuo comparable à celle de l’exposition in vivo [7,8].
Par ailleurs, les techniques de réalité virtuelle permettent d’ouvrir des champs thérapeutiques nouveaux, certains par exemple à la frontière des troubles psychiatriques et neurologiques, comme l’a montré une étude préliminaire récente de notre équipe portant sur le traitement de la phobie de la marche (peur de tomber) chez des patients souffrant de sclérose en plaques [9].
4. Conclusion
Il semble donc que les thérapies in virtuo, ayant fait la preuve de leur efficacité dans plusieurs indications, constituent une piste très intéressante pour la prise en charge des troubles phobiques. Cependant, certaines limites doivent être mentionnées et faire l’objet des recherches à venir : risque de cybermalaises, sentiment de présence dans les environnements virtuels parfois peu développé, problème de la généralisation des acquis in virtuo à l’environnement quotidien des patients. Il faut également souligner que la réalité virtuelle reste pour l’instant une technique d’exposition et que les thérapies d’exposition in virtuo doivent être associées à une prise en charge globale du patient associant selon les cas, thérapie cognitivocomportementale classique, autre type de psychothérapie et chimiothérapie.
Références
1. Girault N, Pélissolo A. L’approche psychologique des troubles anxieux : information, soutien et psychothérapies. Ann Med Psychol 2 003 ; 161 : 260-264.
2. Garcia-Palacios A, Hoffman HG, See SK, Tsai A, Botella C : Redefining therapeutic success with virtual reality exposure therapy. Cyberpsychol Behav 2 001 ; 4:341-8.
3. Klinger E, Bouchard S, Legeron P, Roy S, Lauer F, Chemin I, et al. Virtual reality therapy versus cognitive behavior therapy for social phobia : a preliminary controlled study. Cyberpsychol Behav 2 005 ; 8 : 76-88.
4. Rothbaum BO, Anderson P, Zimand E, Hodges L, Lang D, Wilson J. Virtual reality exposure therapy and standard (in vivo) exposure therapy in the treatment of fear of flying. Behav Ther 2 006 ; 37 : 80-90.
5. Wallach HS, Safir MP, Bar-Zvi M : Virtual reality cognitive behavior therapy for public speaking anxiety : a randomized clinical trial. Behav Modif 2 009 ; 33 : 314-38.
6. Emmelkamp PM, Krijn M, Hulsbosch AM, de Vries S, Schuemie MJ, van der Mast CA : Virtual reality treatment versus exposure in vivo: a comparative evaluation in acrophobia. Behav Res Ther 2 002 ; 40 : 509-16.
7. Botella C, Villa H, Garcia Palacios A, Quero S, Banos RM, Alcaniz M. The use of VR in the treatment of panic disorders and agoraphobia. Stud Health Technol Inform 2 004 ; 99 : 73-90.
8. Vincelli F, Anolli L, Bouchard S, Wiederhold BK, Zurloni V, Riva G. Experiential cognitive therapy in the treatment of panic disorders with agoraphobia: a controlled study. Cyberpsychol Behav 2003; 6:321-8.
9. Znaïdi F, Viaud-Delmon I, Pelissolo A, Jouvent R. Generic virtual reality treatment applied to space-related phobias. Ann Rev Cyber Ther Telemed 2006; 4:175-179.
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