› Idées
LA LETTRE de Freud est sèche, elle précise les conditions de la cure : honoraires, durée (6 jours sur 7, séance d’une heure). De fait, l’analyse durera quatre mois, d’avril à juillet 1921. Quatre-vingts séances serrées en présence en présence du maître hyperconcentré.
Mais ne faudrait-il pas introduire les protagonistes ? Anna G. est une jeune psychiatre de 27 ans. Elle pratique au célèbre Burghölzli, où elle assiste Bleuler. Son journal, formé donc de deux cahiers d’écolier, contient des bribes retranscrites rapidement après les séances.
Pourquoi s’est-elle adressée à Freud ? En apparence, le but est futile. Elle est, après sept ans de fiancailles, dans une douloureuse incertitude. Cette période va-t-elle, comme il se doit, s’achever par un mariage à l’automne, ou la rupture n’est-elle pas préférable ?
Il faut bien sûr se replacer dans les murs de l’époque. Une rupture de fiancailles est dramatique. Tout de même, que d’atermoiements chez une personne qui a participé énergiquement aux mouvements sociaux et féministes des années 1920 ! Et puis, comme l’explique Bergson, quand on délibère, c’est qu’on a déjà choisi.
Freud n’est alors plus très jeune, 65 ans, il a des soucis d’argent, de santé et son esprit a basculé dans l’amertume. L’horreur de la première guerre mondiale l’a conduit à concevoir un « Au-delà du principe de plaisir ». Psychanalyse à la sauvage, comme il la dénonce dans « De la méthode psychanalytique » (1913) ? Toujours est-il que l’analyse d’Anna montre un Freud brutal dans l’interprétation et abusif dans la suggestion. en particulier dans la manière dont il impose presque le sens des rêves à sa patiente. Nous laisserons les techniciens du mental en discuter.
Transfert.
D’autant que, à mi-parcours de la cure, Freud sort son arme fatale en affirmant : « Votre rêve est une copie intégrale de celui de Dora, dont on sait bien qu’elle est amoureuse de son père. » Terrifiante référence à la plus célèbre hystérique de l’histoire de la psychanalyse, que l’illustre Viennois met en regard de la relation d’Anna G. avec son frère, petit substitut masculin du père, dont l’image sera in fine incarnée par Freud lui-même. De sorte qu’on pourrait dire que le sujet de cette aventure n’est ni Anna, ni Freud, mais la dynamique du transfert.
« Je vous aime d’une façon si indescriptible, comme je n’ai jamais aimé quelqu’un me semble-t-il », déclare à plusieurs reprises Anna à Freud. Un cas presque trop beau, mais bien réel. Freud brutal, mais terriblement efficace.
Laissons encore une fois quelques petits essayistes tirer sur Freud après avoir cru tuer Dieu définitivement. Anna G. finira par épouser son fiancé et pratiquer fort bien la psychiatrie.
Pouvoir aimer et travailler, n’est-ce pas ainsi que le maître de Vienne a défini la normalité ?
Anna G., « Mon analyse avec le Professeur Freud », ouvrage édité sous la direction d’Anna Koellreuter, Aubier, « Psychanalyse », 320 pages, 23 euros.
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