La santé en librairie
IMAGINONS un cavalier sur son cheval. Le cerveau émotionnel, cerveau limbique et reptilien, assure nos fonctions vitales, « il est la source primaire des satisfactions en même temps qu’il dicte les lois de la survie » : c’est le cheval. Le néocortex, de plus en plus développé, est le cavalier : il pallie les insuffisances du premier et interprète les messages venus du dehors. Ces deux entités sont en interaction permanente. Le cavalier a pour mission de construire l’avenir, d’habiller le réel. Plus sa monture est solide et fiable, plus il est en mesure d’assurer sa mission sereinement. Plus il peut créer, rêver, inventer. Ainsi, en harmonie, notre équipage peut caracoler, virevolter au gré de la qualité de sa coopération dialectique ; ou, au contraire, en cas de désynchronisation, s’emballer et se cabrer.
Cheval piaffant et cavalier désarçonné. Il n’y a donc pas le corps archaïque d’un côté et le pur esprit de l’autre, explique Roland Jouvent, professeur de psychiatrie à l’université Paris-VI. S’appuyant sur cette métaphore du couple cheval-cavalier, l’auteur, qui est aussi directeur du centre Émotion du CNRS à la Salpêtrière, expose avec clarté la nature et l’importance des échanges et articulations entre cerveau reptilien, cerveau limbique et néocortex.
Un vaste répertoire.
La puissance des effets descendants à l’origine de la régulation des comportements instinctuels par la pensée, la simulation, ce mécanisme de base du comportement humain, qui fait que penser un acte dispense de le faire, apparaissent presque limpides au lecteur ignorant des neurosciences cognitives. Cette simulation, qui, « en rendant équivalents un geste exécuté et un geste imaginé, offre ainsi un degré de liberté supplémentaire à l’action ». Doué de cette capacité unique à « se raconter des histoires », le cerveau est donc capable de fabriquer une multitude de scénarios et de mises en scène pour modifier le présent et inventer l’avenir, pour habiller le réel sans perdre le contact avec les réalités. Nos actions ont toutes une finalité adaptative ; les phénomènes de l’esprit n’échappent pas à ce principe darwinien, souligne le Pr Jouvent. C’est cette capacité à décliner un extraordinaire répertoire allant du réel à l’imaginaire qui nous permet en effet une adaptation à la réalité, qu’elle soit négative ou positive. L’équilibre psychologique dépend donc du bon commerce entre notre cerveau animal et notre néocortex, de l’entente entre ce cavalier et sa monture.
Pour autant, la magie n’est pas toujours au rendez-vous et certains sont plus vulnérables que d’autres : l’aptitude à penser le réel, à transformer la réalité physique du monde est ainsi altérée chez les sujets souffrant de dépression ou d’anxiété par exemple. Empruntant de nombreux exemples à la psychopathologie quotidienne, Roland Jouvent analyse avec talent le fonctionnement de notre économie psychique, réconciliant la pensée freudienne avec les neurosciences cognitives, et développe les diverses possibilités de resynchronisation du couple cheval/cavalier.
Poursuivant cette hypothèse que la souffrance psychique, en particulier les troubles dépressifs et anxieux, relève d’atteintes de cette capacité de créativité du cerveau, l’auteur développe l’idée que l’efficacité des psychothérapies, qu’elles soient de nature psychanalytique ou cognitive-comportementale (TCC), passe par la restauration des capacités et des potentiels de notre cerveau magicien. En utilisant la boîte à outils de notre enfance, le passé pour refaire l’histoire et redessiner l’avenir comme avec la psychanalyse, ou d’autres instruments et d’autres techniques (TCC par exemple) pour apprendre de nouvelles stratégies de réponse à l’adversité, pour acquérir un meilleur pilotage de nos émotions. Ainsi, plusieurs méthodes, qui ne sont pas exclusives les unes des autres, sont possibles pour redonner au cavalier les moyens de renforcer ses mécanismes adaptatifs.
Le propos est d’autant plus convaincant que l’auteur, spécialiste des neurosciences, ne fait pas mystère de son expérience personnelle de la psychanalyse, et qu’il illustre son propos neuroscientifique de nombreux exemples dans lesquels chacun peut se reconnaître aisément.
Roland Jouvent, « le Cerveau magicien. De la réalité au plaisir psychique », Odile Jacob, 252 pages, 23 euros.
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